Une fine bruine tombait du ciel et me recouvrait le pelage dans un dégoûtant manteau d'eau. Du vent fort soufflait en malmenant mes oreilles et en m'ébouriffant le pelage. Un fin manteau de neige recouvrait le sol, et je voyais bien que la bruine se muait peu à peu en un blizzard glacial. Assis sur la souche près de la tanière des guerriers, j'observais le camp en activité néanmoins ralenti par le temps qui ne jouait pas en sa faveur. D'où j'étais, je voyais Étoile du Griffon, oui oui, Étoile du Griffon, car Pelage Fauve a emménagé dans la pouponnière il y a peu, en train de distribuer les tâches. A quoi ça sert d'avoir une lieutenante dans l'incapacité de gérer le camp ? Je voyais aussi Pluie de Feuilles et Fourrure de Grêle croiser la patrouille de l'aube qui rentrait juste du camp, pour aller chasser. Je voyais Nuage de Myrtille en compagnie de Fleur de Lune répéter ses enchaînements de combat.

Une envie subite me prit. Et si j'allais voir mes chatons ? Car, oui, Petite Hyène et Petit Loup étaient bien ma progéniture. J'allai les voir régulièrement et je trouvais qu'ils me ressemblaient beaucoup, surtout Petit Loup, qui fera un grand guerrier. Je bondis de la souche et traversai la clairière en bombant la poitrine, fier des deux rejetons dont on m'avait attribué le lien de parenté. Évidemment, c'était vrai. Je passai la tête dans l'ouverture de la pouponnière et trébuchai sur une petite présence se trouvant devant la pouponnière. Je baissai la tête et vit un petit chaton en train de jouer et s'ébattre dans la neige, par ce temps glacial. Je le saisis rapidement par la peau du cou et me glissai dans la pouponnière avec. Je le lâchai près de sa mère, Fleur de Vipérine, et m'assis, une lueur de fierté dans les yeux.

« Il faut faire attention quand il neige comme ça, il pourrait y avoir des pertes. Tu es Petit Typhon, c'est ça ? C'est vrai que t'es petit, je t'avais même pas vu ! » dis-je d'un ton narquois.

À force de regarder la neige tomber, s’amonceler en petits tas, être piétinée, fondre puis se ré-amonceler de nouveau, Petit Typhon n’en pouvait plus. Cependant, ce matin-là, la neige semblait s’être arrêtée de tomber, remplacée par un genre de petite pluie. Le vent soufflait toujours aussi fort, mais ça ne calmait pas la détermination du chaton à vouloir rester à la limite de la pouponnière. Ses minuscules griffes se plantaient dans le sol jusqu’à ce qu’il craque …
Il se dressa sur ses pattes et s’avança dans la neige du dehors. Le rouquin frissonna de tout son corps quand ses petits coussinets rentrèrent en contact avec la glace du sol, et le froid du vent. Allait-il s’envoler, emporté par une bourrasque ? Peu lui importait : il se demandait même pourquoi il n’était jamais sorti plus tôt ! Même s’il se gelait et qu’il risquait de se transformer en glaçon, c’était tellement bien ! Petit Typhon donnait des petits coups de pattes dans un tas de neige, ses yeux enflammés tout brillant. Il aurait pu continuer de faire ça pendant très longtemps si une mâchoire tout droit venue du ciel n’était pas arrivée pour l’embarquer vers la pouponnière. Après l’avoir bousculé, l’adulte le saisit par la peau du coup
Le rouquin se mit à gigoter. Il ne savait pas qui c’était, il ne l’avait pas vu arriver, mais peu importe, ça ne lui plaisait pas d’être pris par surprise comme ça ! Quand il vit que le matou qui le portait l’emmenait tout droit vers Fleur de Vipérine, le petit se mit à remuer avec encore plus de vigueur. Quand il le lâcha enfin, le petit chat tomba sur ses fesses et regarda le guerrier en fronçant les sourcils. C’était Rayure du Zèbre, le père de Petite Hyène et Petit Loup. Il venait sûrement voir ses petits.
Il faut faire attention quand il neige comme ça, il pourrait y avoir des pertes. Tu es Petit Typhon, c'est ça ? C'est vrai que t'es petit, je t'avais même pas vu !

Petit Typhon trépigna sur place, agacé, piqué au vif. Il vint s’avancer jusqu’aux grosses pattes de son ainé. Il leva ses pupilles ambrées vers Rayure du Zèbre. C’est vrai qu’il était bien plus grand que lui…. Il répliqua, sans se laisser démonter :
-Ouais je suis Petit Typhon ! *pause* Et c’est pas vrai, j’suis pas petit ! Tu vas voir quand je serai ton chef, tu la ramèneras moins !