Nuée de Cendres pesta lorsqu'elle entendit ses pas crisser dans la neige. Il avait neigé. Encore. C'était devenue une habitude ces jours-ci, il y avait désormais tous les jours de la neige au sol. Si cela pouvait amuser les chatons, Nuée de Cendres ne voyait que les aspects négatifs de la neige. Aucune pensée poétique parcourait son esprit. En plein dans la saison des Neiges, celles-ci n'étaient donc pas des surprises. Mais elle aurait préféré s'en abstenir au lieu de voir un duvet blanc tous les matins devant elle. Cela pouvait peut-être embellir le territoire pendant une ou deux lunes, mais cela rendait aussi les choses bien plus difficiles pour tout le monde. Les proies se faisaient de plus en plus rares et c'était presque un miracle que le clan en ait encore assez. Déjà que le froid faisait assez bien son travail de faire terrer les proies dans son terrier, la neige décourageait les proies les plus intrépides. C'était vraiment une saison que Nuée de Cendres détestait. Pourquoi il fallait qu'il y ait une saison avec de la neige ? Elle savait bien qu'il fallait quatre saisons, comme les quatre clans de la forêt, mais y mettre de la neige … Comme si le clan n'avait pas assez de problèmes comme ça. Ou plutôt elle.

Il faisait encore nuit. Le soleil n'allait pas tarder à se lever, mais c'était toujours des ténèbres qu'elle pouvait apercevoir. Les jours se levaient assez tard en cette saison, et la nuit également. On voyait beaucoup plus la lune que le soleil. Si Nuée de Cendres levait la tête, elle pourrait apercevoir les dernières étoiles de l'aube. Il y avait aussi la lune, blanche comme toujours, masquée par des nuages mais pouvant encore éclairer les quatre clans de sa lumière pure. Et puis il faisait également froid, c'était absolument normal et encore plus détestable. Dès qu'elle arrêtait de bouger pendant plusieurs minutes, elle commençait directement à grelotter.

En quelques minutes, la chatte fut assez éloignée de la tanière des guerriers. Une trace de ses pas menait jusqu'à la tanière du guérisseur. Une minute plus tard, elle était ressortie, des herbes dans la bouche. Un peu fatiguée, l'espionne se dirigea ensuite vers la tanières des apprentis. En moins de dix minutes, elle avait déjà visité trois tanières. Elle eut quelques secondes d'hésitation avant d'entrer. Puis, après avoir bien respiré, elle pénétra dans la tanière. Elle arrêta instantanément de penser au froid, enveloppée dans une douce chaleur. Elle marcha doucement, en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller les dormeurs. Elle s'approcha d'abord de son apprenti et murmura :

« Nuage du Caméléon. Lève-toi. »

Au lieu de sortir tout de suite de la tanière, elle se dirigea vers un autre apprenti, Nuage du Tigre. Elle s'appliqua de le réveiller lui aussi. C'était la première fois qu'elle allait avoir la garde de deux apprentis, elle ne savait pas si elle devait être stressée ou contente. De toute façon, ce n'était pas comme si elles devaient les entraîner, c'était juste les amener quelque part. Aucune difficulté. Elle sortit finalement de la tanière, bravant le froid. Heureusement qu'il ne neigeait plus, le trajet aurait été interminable. Et puis marcher dans la neige, c'était pas super, si il devait en avoir plus, la marche en serait ralentie. Elle espérait que la journée serait tranquille, sans aucun problème. Surtout avec Nuage du Caméléon. Dès que les deux apprentis furent devant elle, elle s'expliqua calmement :

« Chaque apprenti doit au moins une fois dans son apprentissage aller voyager pour voir la Grotte de Vie hors, vous n'y êtes pas encore allés. (Elle regarda Nuage du Tigre) J'ai proposé à Étoile Sauvage de t'y amener car elle a beaucoup à faire avec ses fonctions de chef. »

Nuée de Cendres les regarda. Le voyage allait jurement durer toute la journée, c'était pour ça qu'elle voulait partir tôt. L’itinéraire était toutefois assez facile : traverser le territoire du clan de l'Ombre, passer un chemin de Tonnerre et continuer tout droit. Ils n'avaient pas à traverser d'autres territoires, contrairement aux chats du clan de la Rivière ou du Tonnerre s'ils voulaient y aller. Elle avait choisis Nuage du Tigre car elle savait que lui et Nuage du Caméléon s'entendait assez bien. Les relations entre les apprentis du clans de l'Ombre étaient parfois complexes. Elle lâcha les herbes qu'elle avait demandé à Esprit Chanteur et miaula :

« C'est des herbes fortifiantes pour le trajet. Mangez-les. »

Spoiler:


Ces dernières journées étaient passées à une allure ahurissante. Le secret concernant ma naissance avait été révélé. Je n'étais pas le frère de Nuage du Pégase et Petite Renarde. Les guerriers le savaient mais pas les apprentis et les chatons. Je ne pouvais pas supporter de vivre dans le secret plus longtemps. Alors, j'avais avoué la vérité à tous mes camarades de tanière. Maintenant, tout le monde savait que je n'étais pas le frère de Nuage du Pégase et Petite Renarde, que j'étais en vérité le fils de Fleur d'Automne et de Croc de Reptile. On m'avait simplement échangé, placé dans une portée pour ne pas que je sois seul et malheureux d'après Nuée de Cendres.
Maintenant, quelque chose avait changé dans le comportement de mes camarades de tanière. On me regardait bizarrement. On murmurait parfois à mon approche. Après tout, le début de ma vie avait reposé sur un mensonge. Néanmoins, j'arrivais à garder mon sang-froid et je les ignorais.
Mon comportement avait lui aussi changé, je n'étais plus le même chat. Et certains l'avaient remarqué. Maintenant que Petite Renarde et Nuage du Pégase n'étaient plus de ma famille, ils ne représentaient plus rien à mes yeux. De toute manière, ils ne rendaient pas leur clan fier. En revanche, cela signifiait que Reflet du Lac et Petite Chrysalide étaient tous deux de ma famille. J'avais néanmoins gardé mes distances avec eux. Je préférais qu'ils me laissent tranquille. En fin de compte, je pensais que peu importait la famille. Seul comptait pour moi devenir un grand espion.

Je sentis une patte me secouer. J'ouvris les yeux et je vis Nuée de Cendres me réveiller. Je m'étais étiré en frissonnant de froid une fois hors du contact chaud de la fourrure de mes camarades. De toute évidence, il avait encore neigé dans la nuit car la couche blanche sur le sol était plus importante que la veille.
Je vis du coin de l'oeil mon mentor réveiller Nuage du Tigre. Malgré l'annonce sur mes origines, mon amitié avec l'apprenti tigré n'avait pas faibli, j'en étais soulagé au fond et mon respect envers Nuage du Tigre grandissait encore. Lui, c'était un vrai guerrier. Nous suivions certes des entraînements différents, lui guerrier et moi espion, mais nous étions d'accord sur de nombreux points. Notre mentalité se ressemblait, nous étions sur la même longueur d'onde.
En y repensant, d'un côté, j'étais soulagé de savoir que j'étais le fils de Fleur d'Automne et Croc de Reptile. On disait que Croc de Reptile avait été un grand guerrier et que je lui ressemblais beaucoup physiquement. Moi, en plus d'être un pur souche du Clan de l'Ombre, j'étais fort et robuste. Contrairement à Nuage du Pégase et Petite Renarde qui étaient petit pour l'un et aveugle pour l'autre. Cette différence avec eux était bien entendu expliquée par le fait que nous n'étions pas de la même famille. Et heureusement, j'étais content de ne pas avoir de sang commun avec les handicapés du clan. 

J'étais sorti de ma tanière avec Nuage du Tigre. Je me souvins qu'aujourd'hui devait avoir lieu le voyage à la Pierre de Lune ! Tous les apprentis devaient y aller au moins une fois avant d'être faits guerriers. Et cela était valable aussi pour les espions, bien entendu. Cette perspective me fis plaisir car cette journée serait intéressante, importante dans mon apprentissage. Surtout si j'étais accompagné par Nuage du Tigre qui serait de bonne compagnie. 
Le soleil s'était à peine levé mais je savais qu'il faudrait partir tôt si nous voulions arriver à temps car le chemin était long. Aujourd'hui, nous allions rentrer dans la Grotte de la Vie, voir la Pierre de Lune et se coucher dessus pour partager les rêves du Clan des Etoiles. Je me demandais ce que nos ancêtres allaient nous dire. 
Nous avions donc retrouvé Nuée de Cendres qui nous apporta les herbes fortifiantes d'Esprit Chanteur. C'était pour ne pas avoir faim me semblait-il car nous allions devoir passer en territoire ennemi où nous n'aurions pas l'occasion de chasser. Je m'étais penché sur les herbes que je mâchai. Je fronçai le museau tant ces herbes étaient dégoûtantes mais je ne me plaignis pas. Quand les chefs faisaient le voyage, eux, devaient jeûner et n'avaient pas le droit aux herbes fortifiantes. 
Une fois mon repas terminé, je fis à Nuage du Tigre d'un coup d'épaule amical,

" On aura quelque chose à raconter aux autres quand on rentrera ! "

Si, avec la majorité des chats je me montrais glacial et intimidant, j'étais beaucoup plus sympathique avec ceux que j'appréciais. Je me montrais moins froid que d'habitude.
Il était vrai que cela ne se passait pas bien avec mon mentor, Nuée de Cendres qui, en fait, n'était qu'une faible. Néanmoins, durant les entraînements, je ne faisais pas de remarques. Je me renfermais dans un silence glacial et ça, c'était pire que des mots. Néanmoins, je devrais faire avec jusqu'à ce que mon apprentissage se termine. Devant les autres j'adoptais un comportement un minimum correct mais je travaillais dur et je me concentrais sur mon entraînement et ça, personne ne pouvait me le reprocher ou nier les efforts que je faisais. Peu importaient les idiots du moment que je devienne un grand espion. Ce n'étaient pas eux qui allaient faire le travail à ma place.

Il faisait toujours un peu froid, et de la neige se reposait sur les coussinets de Nuée de Cendres. Il y en avait un peu aussi sur son pelage gris, sûrement en frôlant la paroi de la tanière des apprentis. Pour l'instant, les quelques flocons dans sa fourrure ne la dérangeait pas, ce serait surtout lorsqu'ils fonderaient, laissant des gouttes d'eau gelées dans le pelage. Et là, elle se sentirait comme un glaçon. Toute froide, grelottant à chaque pas. Le seul truc pour ne pas avoir froid, c'était un peu se bouger, et ne pas rester plantée là. Dans quelques minutes, ils seraient déjà en route. Elle devait arrêter d'être aussi impatiente et se montrer calme. Mais le froid n'arrangeait pas beaucoup de choses.

Elle regarda les deux apprentis, aucun ne protesta de partir si tôt et avec un temps pareil. Parfait. Elle laissa les apprentis manger leurs herbes. Elle, elle les avait déjà prises dans la tanière de Esprit Chanteur. L'espionne aurait inventé n'importe quoi pour rester une seconde de plus dans un endroit de chaleur. Les herbes avaient beau avoir un goût peu recommandé, elles étaient assez efficaces. Elle avait pu le voir d'elle-même, lorsqu'elle était allée à la Grotte de Vie il y a des lunes de cela. Un chat ''normal'' n'y allait qu'une seule fois, en étant apprenti. Les guérisseurs et leurs apprentis y allaient assez souvent. Le chef y allait aussi pour sa nomination, et lorsqu'il avait besoin d'aide de la part des ancêtres, il pouvait y retourner. De tant en tant, avec beaucoup de chance, on pouvait y retourner en servant d'escortes. Nuée de Cendres y retournait elle, pour la seconde fois, mais cette fois-ci en tant que mentor. La grotte de Vie était un endroit dont on se souvenait assez longtemps, elle avait quand même quelques souvenirs perdus. C'était il y a des lunes et des lunes, il y a plusieurs Saisons.

Elle ne se souvenait pas d'y être allée sur un manteau de neige. Peut-être à la saison des Feuilles Nouvelles, ou à la saison des Feuilles Vertes. Il y aurait donc un paysage nouveau, avec moins de vie, moins de proies, moins de verdure. Un paysage tout à fait mort, en somme. Mais bon, le plus intéressant serait de revoir déjà les Hautes-Pierres. C'était vraiment de gros rochers ! Dessus, on pouvait voir toute la forêt d'un seul coup d’œil. Voir tous les territoires, voir que la forêt était vraiment un petit endroit face au monde. Tout au fond, on pouvait apercevoir la ville des Bipèdes. Nuée de Cendres pouvait être attirée par le reste des terres, plus loin que la forêt, elle savait néanmoins que c'était assez dangereux. Ensuite, il y avait la Grotte de la Vie, où on pouvait être en contact avec le clan des Étoiles. C'était un lieu presque légendaire.

Les deux apprentis devant elle avaient déjà commencé à discuter. Tant mieux. Elle pourrait éviter les regards froids de son apprenti. Elle ne tenait pas à aller à la Grotte de Vie avec une ambiance aussi froide que le temps d'aujourd'hui. Ainsi, le temps paraîtrait sûrement moins long pour les deux apprentis. Le voyage prendrait certainement la journée entière, voir aussi un peu de nuit. Elle ne se souvenait plus vraiment la durée exacte, mais la nuit tombait aussi tellement vite … Dès que les deux eurent finis de manger les herbes, elle se prépara à partir. Elle ne voulait pas rester ici une éternité, surtout que de nuit, les chemins de Tonnerre était plus dangereux. Elle miaula à l'attention de Nuage du Caméléon et Nuage du Tigre :

« Allons-y. »

L'espionne se retourna vers la sortie de ronces du camp, oubliant toutes idées de tanières et d'autres réconforts de chaleur. Elle entraîna les deux apprentis, créant une nouvelle piste de traces dans la neige. La patrouille de l'Aube n'allait pas tarder à partir et elle ne voulait pas être ralentie par ça. Elle passa alors sous le tunnel et sortit enfin du camp. Dans le noir, la barrière de ronces semblait toujours plus grande, plus effrayante. Elle commença à marcher sur le territoire, et elle savait que cette action allait être répétée encore et encore. Ils allaient que faire de marcher … dans de la neige en plus. le vent envoyait parfois des rafales de neige venant des pins et Nuée de Cendres espérait y échapper. Elle demanda :

« Ça va ? Vous n'avez pas trop froid ? »

Je ronronnai. Aujourd'hui, j'étais de bonne humeur, ça allait être une bonne journée. J'avais hâte de découvrir les territoires du Clan du Vent car nous allions passer par les Hauts Plateaux. Etant apprenti-espion, je connaissais très bien les frontières mais je n'avais jusqu'à présent jamais pénétré en territoire ennemi. Cela allait être un voyage enrichissant et de bonne compagnie. Je préférais de loin la présence de Nuage du Tigre à celle de Nuage d'Encre, Nuage de Poussière ou même de Nuage du Pégase. Surtout de ce dernier que je préférais éviter ces temps-ci. Nuage du Tigre devait être du même avis, j'avais remarqué que lui non plus n'appréciait pas particulièrement ces trois-là. 
La Pierre de Lune était un lieu sacrée où les guérisseurs partageaient les rêves du Clan des Etoiles chaque demi-lune et où les chefs venaient pour recevoir leur nom et leurs neuf vies mais le rituel était secret si bien que seuls ceux l'ayant vécu ainsi que les membres du Clan des Etoiles savaient en quoi il consistait. Chaque apprenti rêvait d'y aller et ce jour restait généralement gravé dans les mémoires. On disait que la Grotte de la Vie se situait aux Hautes Pierres. Je savais que, aux extrémités du territoire les marécages se raréfiaient et on pouvait voir que le paysage changeait considérablement, pour se transformer en un monde rocheux. Néanmoins, je n'avais jamais eu l'occasion de franchir cette frontière et de voir les Hautes Pierres. J'étais bien trop loin pour les apercevoir en général mais aujourd'hui allait être le grand jour. Ce serait la première fois que je m'éloigne autant du territoire de mon clan, le Clan de l'Ombre. Et, une fois espion, je serais probablement amené à franchir les frontières plus souvent.

Nuée de Cendres donna le signal de départ. Je m'étais levé pour la suivre d'un pas mesuré. Au camp, les chats commençaient à se réveiller et à se mettre en activité alors que nous nous dirigions vers l'entrée du camp.
Une fois dehors, nous pouvions voir le paysage entièrement blanc bien différent de celui des autres saisons. Je n'aimais pas la neige car mon pelage brun tigré ne se fondait pas sur le blanc alors qu'en tant normal, je passais relativement inaperçu dans les marécages. Cela rendait les opérations furtives bien plus compliquées. Mais au moins, cela ne durait qu'une saison. Les chats blancs, par exemple, seraient avantagés uniquement en saison des neiges.
Une fois sortis de la chaleur du camp, il était impossible de ne pas remarquer la fraîcheur de la saison des neiges. Je n'avais pas le poil spécialement long, ce qui faisait que je n'avais pas le physique le plus adapté en cette saison. Heureusement, le territoire du Clan de l'Ombre était protégé des vents froids mortels qui soufflaient sur les autres territoires. En revanche, ce serait une autre affaire une fois arrivés sur les territoires du Clan du Vent. J'espérais que dans la journée, il ferait plus beau et que l'on échapperait aux rafales de neige. Néanmoins, je ne me plaignis pas, trop fier que j'étais pour admettre la moindre faiblesse. De plus, la pensée du voyage à la Pierre de Lune me redonnait du courage et de l'énergie si bien que je me sentais capable de braver n'importe quelle tempête pour y aller.
Je suggérai à Nuée de Cendres,

" Nous pourrions peut-être courir ? Cela nous réchauffera. "

Je savais que c'était ce que faisaient les membres du Clan du Vent. Je les voyais parfois courir lorsque j'étais à la frontière. Au début, je pensais que l'idée était bizarre mais ça valait le coup d'essayer et ce serait efficace. De plus, ainsi, nous avancerions plus rapidement vers notre destination car au fond, je voulais atteindre la Pierre de Lune le plus rapidement possible. Nous serions peut-être bruyants mais la neige étouffait une partie des bruits, nous étions sur notre territoire et notre but n'était pas de chasser. Et, même lorsque nous serions en territoire ennemi, le passage était libre à tous les clans voulant se rendre à la Pierre de Lune. Bien qu'il y ait des tensions entre les clans, le Clan du Vent n'aurait rien le droit de nous dire.
En attendant la réaction de mon mentor, je fermai les yeux m'imaginant mentalement le parcours que nous effectuerions. Nous passerions probablement au passage sous le chemin du tonnerre pour ne pas avoir à la traverser, tout en faisant attention à ce qu'il n'y ait pas de guerriers rivaux dans le coin car ce passage devait rester secret pour le Clan de l'Ombre. Une fois les limites du territoire franchies, je ne connaissais pas le chemin, il faudrait suivre Nuée de Cendres et le mémoriser pour être capable de l'effectuer la prochaine fois que j'irais à la Pierre de Lune bien que je me doutais qu'il faudrait se diriger vers le nord. Je serais attentif car, en-dehors des frontières, tous les repères et les renseignements pourraient m'être importants par la suite.

Nuée de Cendres continua à avancer, dans la neige. Cette chose blanche qui étaient en fait des milliards de flocons l'horripilait vraiment. Elle essaya de se concentrer sur sa marche, mais la neige s'entêtait à se raccrocher à ses coussinets, ce qui lui donnait de plus en plus froid. Enfin, des fois, on est à un tel niveau qu'on ne peut plus avoir froid. Le camp était derrière, laissant encore tous les chats endormis et la patrouille de l'aube sûrement déjà partie. Nuée de Cendres était contente de partir à la Grotte de la Vie. Cela lui donnait l'occasion de changer un peu d'air, de revoir cette endroit légendaire, et de se détendre aussi un peu. Ce n'était rien de plus qu'une petite balade, elle n'avait pas besoin de se poser pleins de questions sur la journée. Rien à prévoir, à part un petit itinéraire. Une journée simple en perspective. C'était peut-être ce qu'avait besoin l'espionne. Se calmer, ne pas être stressée, une journée où elle pourrait totalement décompresser. Elle regarda devant elle. Elle savait qu'elle était sur le territoire du clan de l'Ombre, mais partout, tout se ressemblait. Les arbres sans feuilles et la neige. Tout se ressemblait. Si elle avait été doté juste de la vue, elle aurait été presque incapable de se repérer.

Elle regarda les traces qu'elle faisait dans la neige, bientôt suivies ensuite par celles de Nuage du Tigre et Nuage du Caméléon. La neige n'était pas très pratique et ralentissait un peu la progression. Ce n'était vraiment pas pratique, mais ils n'avaient pas le choix. Il fallait supporter ce temps pour arriver vers les Hautes-Pierres. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'y était pas allée. Elle sentit un peu de chaleur en elle lorsqu'elle repensa à cet endroit qui était le seul endroit pour avoir un contact avec le clan des Étoiles. Les guérisseurs et chefs pouvaient avoir peut-être un relation privilégiée avec des rêves, ils leur fallait tout de même venir là-bas de temps en temps. C'était un très bel endroit, avec un côté mystérieux très attachant. Il fallait au moins voir ça une fois dans sa vie. Et puis, ça donnait une occasion de changer un peu de paysage, d'aller vers les collines.

Au loin, les collines semblaient être un peu plus proches. L'espionne savait, pour avoir un peu vu ce panorama, que ces collines annonçaient ensuite les montagnes, les grandes montagnes. Mais personne n'étaient jamais allés là-bas. Il y avait certes une petite légende qui disait que six chats étaient allés là-bas, mais cette affirmation disparaissait dans le temps. Il fallait être fou pour aller là-bas, il faisait encore plus froid et il y avait encore plus de neige. Les montagnes n'étaient décidément pas pour Nuée de Cendres. Les collines lui allait assez bien. La forêt également. Pourtant, malgré ses réticences, les montagnes fascinaient l'espionne. Qu'est-ce qu'il y avait derrière ? Le monde s'étendait-il au delà des montagnes ? Nuée de Cendres aurait bien voulu être dans les nuages pour en savoir plus. Pour voir l'étendue du monde. Mais elle se doutait bien que c'était bien trop grand pour sa petite taille de chat. Elle entendit son apprenti lui proposer s'ils pouvaient courir afin de se réchauffer.

Nuée de Cendres resta pensive quelques instants. Courir. Oui, elle savait ce que c'était. Mais l'espionne le faisait surtout pour attraper une proie, pas pour parcourir une distance. Lorsqu'elle poursuivait du gibier, c'était instinctif. Là, l'instinct n'allait rien faire dedans. Mais en même temps, l'idée de chaleur était pas trop mal non plus. La chaleur … Cela faisait bien longtemps qu'elle n'en avait pas ressentie, de la vrai. Et courir leur permettrait d'arriver plus vite à la Grotte de Vie – et de retourner au camp plus vite aussi. Mais après tout, c'était elle qui avait abordait le sujet du froid. Elle avait un petit peu froid aussi … Mais les deux apprentis, sans aucun doute avec beaucoup plus d'énergie à revendre qu'elle, ne sentaient pas la neige. Elle hésitait toujours lorsque Nuage du Tigre fit remarquer que ça risquerait de les fatiguer. La balance penchait un peu des deux côtés, pourtant, elle devait faire une décision. Elle soupira en remarquant qu'elle s'était dit qu'elle ne devait pas se prendre la tête aujourd'hui. Finalement, l'espionne lança :

« C'est vrai que ça peut nous fatiguer, mais je vous ai donné des herbes fortifiantes. Cela devrait aller. »

Et pour illustrer sa réponse, elle pressa le pas, dépassent le trottinement. Heureusement que les herbes fortifiantes existaient. Même si elles n'étaient pas réputées pour leur goût assez … disons exotique, elles étaient assez efficaces. Et elles permettront sûrement de rester toute la journée sur patte. Le territoire commença à défiler autour d'elle, tout semblait aller plus vite. C'était la première fois qu'elle courait et qu'elle regardait en même temps le paysage. Elle miaula :

"Nous arriverons bientôt au chemin du Tonnerre."

Notre progression était gênée par la neige. Nous avions bien fait de partir à l'avance car le mauvais temps nous ralentissait. Alors que les flocons tombaient du ciel, je m'ébrouai, agacé, pour me débarrasser de la neige collée à mon pelage. Je n'aimais pas la saison des neiges. Il faisait froid et le gibier manquait. De plus, mon pelage brun ne se fondait plus sur le paysage comme pour le reste de l'année. Cela rendait les manoeuvres furtives bien plus délicates et la majeure partie des espions devaient redoubler de prudence pour ne pas se faire repérer.
Si nous courrions, nous risquerions de nous enfoncer dans la neige, c'était vrai. Si mon entraînement d'espion me rendais plus agile, Nuage du Tigre n'aurait pas autant de facilités que Nuée de Cendres et moi pour avancer. Néanmoins, connaissant bien le paysage, je savais que sur le chemin que nous empruntions le terrain était plat. Nous serions en revanche contraints de ralentir une fois arrivés sur le Chemin du Tonnerre où il y avait des pentes mais ça aurait au moins le mérite de nous faire gagner un peu de temps pour le début du voyage et les herbes fortifiantes nous donneraient assez de forces pour supporter cela. Nous n'avions pas à nous plaindre. Les guérisseurs et les chefs devaient puiser leur propre force en eux-mêmes pour faire ce voyage. Ils ne pouvaient pas manger et n'avaient pas le droit aux herbes fortifiantes. Si eux pouvaient le faire, nous pouvions le faire, nous aussi et sans problèmes !

Nuée de Cendres accéléré l'allure. Si, lorsque j'avais commencé mon entraînement j'avais peiné à la suivre, aujourd'hui, je n'avais plus aucun problèmes. Je sautais avec agilité au-dessus des obstacles. Depuis que j'étais chaton, j'avais grandi, beaucoup grandi. Je possédais de grandes pattes ainsi que de larges épaules. Mes griffes semblaient avoir poussé plus vite que le reste de mon corps et on pouvait voir des muscles puissants sous mon pelage. Avec pareil physique, certains devaient se demander comment j'arrivais à être discret. Et pourtant, j'étais très agile. C'était l'entraînement spécialisé des espions qui me rendait efficace dans ce domaine. 
Le territoire défilait autour de nous. Nous courrions vite mais j'avais encore envie d'accélérer l'allure, de dépasser mon mentor et d'arriver directement à la Pierre de Lune. Mais je ne le fis pas, je fis taire ces pensées et je n'en laissai rien paraître, adoptant un visage dénué de toute expression. Je n'aimais pas laisser paraître mes sentiments car je n'aimais pas que l'on pénètre dans mes pensées. Je savais que laisser les ennemis déchiffrer nos pensées pouvait se retourner contre-nous. Le mieux était de ne pas pouvoir être anticipé. De réfléchir intérieurement et de frapper au moment où l'ennemi ne s'y attendait pas car la surprise était la meilleure arme de l'espion. Il ne servait à rien de foncer tête baissée, mieux valait prendre le temps de réfléchir avant d'agir. On appelait ça la patience.

Alors que je suivais Nuée de Cendres, j'entendis un bruit au loin, un bruit reconnaissable indiquant une information précise : nous approchions du Chemin du Tonnerre et donc, de la limite de notre territoire. Quelques foulées plus tard, Nuée de Cendres confirma inutilement cette information. A l'approche du Chemin du Tonnerre, nous avions ralentis, sur nos gardes car nous approchions du territoire ennemi. Alors que le chemin fut en vue, je me dis que nous allions passer par la grotte pour ne pas avoir à traverser le Chemin du Tonnerre tout en veillant à ce que personne ne nous épie car ce passage ne devait être connu que par le Clan de l'Ombre. Je proposai à mon mentor,

" Je peux regarder si la voix est libre. "

Lorsque mon mentor fut d'accord, je partis en éclaireur, regardant à droite, puis à gauche de mon regard vert perçant. J'avais également humé l'air et dressé les oreilles. Lorsque toutes les vérifications furent effectuée, je fis signe à Nuée de Cendres et Nuage du Tigre que la voix était libre. Mon regard s'était perdu dans les landes. Nous quittions notre territoire. Notre voyage commençait ici.



Spoiler:

Nuée de Cendres regarda le ciel. Elle n'avait pas vraiment vu le temps passer.. Pourtant en cette saison, il était facile de ruminer toutes les cinq secondes pour le mauvais temps. Penser chaque secondes au froid qu'on devait affronter, se rappeler de la neige. La neige … L'espionne ne savait pas si elle préférait cet état de ''poudreuse'', ou la neige entièrement glacée. On ne s'enfonçait pas dans la neige glacée comme on le faisait en cet instant. Mais dans l'autre type de neige, si on ne s'y enfonçait pas, on glissait tout simplement si on n'était pas préparé. Il était facile de se remémorer de nombreuses glissades. Pour y marcher convenablement, il fallait tout simplement utiliser ses griffes pour rester debout. Mais c'était pas très pratique non plus. La neige était tout simplement traite. Pendant la chasse ou des patrouilles, marcher sur une brindille cachée sous les flocons pouvait facilement révéler une présence. Un beau coup dur. On ne savait jamais ce qu'il y avait en dessous.

Depuis qu'ils avaient commencé à courir, elle avait un peu plus chaud. Mais elle ne savait pas vraiment si ça allait leur permettre d'aller plus vite. Depuis plusieurs minutes, elle avait l'impression de courir, tourner au rond. Toujours les mêmes arbres dénués de feuilles, toujours les mêmes buissons tout pouilleux, et puis, toujours cette neige aussi blanche que les nuages d'été. Heureusement, d'ailleurs, que la neige n'était pas noire. Ça serait vraiment horrible. Mais, au moins, chacun avait un prédateur. La souris avec les chats comme prédateurs, ceux-ci avaient les blaireaux … et la neige, avait elle, le début de la Saison des Feuilles Nouvelles, comme annonciatrice de sa disparition prochaine. Nuée de Cendres regarda autour d'elle, il n'y avait qu'un paysage. Qu'un petit paysage qui ne servait à rien. Mais sur les monts des Hautes Pierres, qui étaient, comme par hasard ''hautes'', on pouvait voir toute la forêt. Cela changeait agréablement.

Elle regarda au loin. Il y avait le chemin du Tonnerre. Elle reconnaissait cet endroit avec un baisse de nombre d'arbre, idem pour le gibier. On ne venait par ici que pour patrouiller ou aller aux Hautes-Pierres. C'était loin du camp, et puis il y avait l'odeur atroce des monstres. C'était ce qui faisait fuir toutes les proies. Plus on s'en approchait, et plus on pouvait sentir l'angoisse qui régnait dans cet endroit. De loin, on pouvait voir de grandes formes, de grandes formes dangereuses, même. Les montres étaient des créatures dangereuses qui dévoraient même les Bipèdes. Nuée de Cendres frissonna. Nombreux avaient fini leurs vies sous les roues de ces horribles montres. D'ailleurs, elle en distinguait trois : les vraiment tout gros et tout, les moyens, et ceux où on voyait facilement le Bipède ''mangé'', et qui allait plus vite que les autres. C'était bizarre.

Heureusement, les trois chats du clan de l'Ombre n'aurait pas vraiment besoin de tester cette expérience. Le clan de l'Ombre, connaissait depuis des générations les tunnels qui ornaient de temps en temps les chemins du Tonnerre. C'était plus que pratique. Ça permettait tout simplement de rester en vie. Le clan de l'Ombre avait plus de savoir que les autres grâce à ces détails, c'était vraiment pratique pour envahir un autre clan sans perdre la moitié des guerriers en chemin. Mais cela faisait trop longtemps que les bruits de bataille ou que les cris de guerre avaient disparu de la forêt entière. Bien trop longtemps. C'était un peu trop calme, l'atmosphère générale des quatre clans. Elle regarda Nuage du Caméléon qui lui proposa d'aller en éclaireur. Après que l'espionne eut hocher la tête, il repartit. Elle jeta un regard loin devant son apprenti, loin devant. Les collines …

Tout ce que l'espionne pouvait voir, c'était que c'était assez … haut ? Grand ? Derrière, il y avait les montagnes qui, à cette époques, devaient être remplies de neige. Encore plus qu'ici. Mais ils n'avaient pas à aller jusqu'ici. Mais bientôt, ils seraient aussi haut que les plateaux du clan du Vent. Nuage du Caméléon revint bientôt en annonçant que la voix était libre. Parfait. Elle ne voulait pas se mettre en retard. Ils n'étaient pas au bout de leurs peines. Pas encore. Elle reprit la tête de la troupe après avoir remercié son apprenti du regard. Ils arrivèrent au tunnel sous le chemin du Tonnerre. Elle pria le clan des Étoiles pour qu'aucun montres ne dévient à cet instant précis. Lorsqu'elle pénétra, elle fut tout de suite envahie par l'impression de vide, d'angoisse, de peur qui régnait dans cet endroit. Elle ne s'y sentait jamais à l'aise. Et si le tunnel s'écroulait ? Elle s'efforça de ne pas trop y penser et continua à marcher. Après plusieurs queues de renards de marche, elle atteignit la sortie.

Lorsqu'elle regarda, elle se sentit toujours mal à l'aise. Ce n'était pas à cause du chemin du Tonnerre, mais c'était le fait de savoir qu'elle n'était sur aucun territoire de clans. Le territoire du clan de l'Ombre était derrière eux à présent. Leur monde également. Ici, c'était autre chose. Mais c'était assez inconnu. Cela faisait longtemps qu'elle n'était pas venue par là. Mais la mémoire faisait partie des atouts des bons espions, elle s'en souviendrait. Elle s'en souvenait. L'espionne commença à marcher sur ce nouveau relief. Elle voyait tout de suite que ça allait monter. Les coussinets des Ombreux n'étaient pas habitués à monter sur ce sol. Mais elle y était bien arrivée, tout devait bien se passer, non ? Elle lança :

« Il reste encore du chemin à faire, mais je pense que vous y arriverez quand même. Faites attention à ne pas glisser. »

Nuée de Cendres et Nuage du Tigre traversèrent le passage à leur tour. Après nous avoir laissé le temps d'observer les alentours, Nuée de Cendres reprit la tête de la patrouille. Si Nuée de Cendres et moi étions habitués à passer du temps près des frontières, ce n'était pas le cas de Nuage du Tigre qui suivait l'entraînement d'un apprenti-guerrier. Cela devait être tout nouveau pour lui. Moi-même, je ne m'étais pour le moment jamais aventuré très loin hors des frontières, il faudrait donc que je me montre prudent. Une fois sortis de mon territoire, la zone était radicalement différente. Finie l'humidité et le sol doux des marécages. Il commençait à y avoir du relief. La végétation se fit de plus en plus dense. Bientôt, les herbes furent si hautes qu'il nous était facile de nous y camoufler. Ces terres sauvages semblaient bien hostiles comparées à mon territoire. De plus, des brises glaciales soufflaient sur les landes. Je me demandais comment le Clan du Vent pouvait supporter de vivre ici. On était toujours à découvert si bien qu'il existait peu de cachettes. Si le Clan du Vent avait des espions, ce qui était certainement le cas, ils devaient user de techniques bien différentes des nôtres.
Je restais sur mes gardes, humant l'air pour guetter l'odeur d'une patrouille éventuelle. Je n'étais plus sur mon territoire. Ici, les intrus étaient punis. Excepté pour aller à la Pierre de Lune, la route était libre à ceux qui voulaient s'y rendre. Malgré les dernières tensions, le Clan du Vent ne pourrait pas nous attaquer, nous ne faisions que passer.

Appliquant les conseils de mon mentor, je fis attention à l'endroit où je posais mes pattes. L'herbes commençait à se raréfier et le paysage à devenir rocailleux. Du givre recouvrait les rochers si bien que glisser était une tâche facile. Nous avions continué longtemps à marcher ainsi. Traversant les landes, passant par des champs, prenant garde aux bipèdes lorsque nous étions passés près de leurs fermes, mais surtout aux chiens qu'ils laissaient parfois en liberté. Le trajet semblait ne pas en finir mais personne ne renonça. Nous étions tous déterminés à arriver à notre destination : la Grotte de la Vie. Quant à moi, j'avais pris soin de mémoriser notre trajet et notre environnement dans les moindres détails sachant que cela me serait utile par la suite. Entre deux nuages, on pouvait voir que le soleil déclinait sur l'horizon. A moins que nous ne soyons en retard, je devinais que nous étions bientôt arrivés à notre destination. De là où on était, on pouvait voir les Hautes Pierres et elles se rapprochaient de plus en plus. Je me retins d'accélérer l'allure : nous étions dans les temps, inutile de gaspiller ainsi de l'énergie. Cette immensité rocailleuse imposait le respect. Et à l'intérieur se situait la mystérieuse Grotte de la Vie où les guérisseurs s'aventuraient toutes les demi-lunes.

Finalement arrivés à destination, j'observais notre environnement, curieux. Le soleil se couchait et je savais qu'il faudrait encore attendre que la lune se lève pour entrer dans la Grotte de la Vie où Nuage du Tigre et moi suivrions Nuée de Cendres dans les ténèbres de la grotte souterraine. L'effet des herbes commençait à s'atténuer et je commençais à ressentir la faim. Je devinais que cela devait être également le cas pour Nuée de Cendres et Nuage du Tigre. Avions-nous le droit de chasser avant de communier avec le Clan des Etoiles ? Nous n'étions pas sur un territoire ennemi et nous ne devions pas jeûner comme les chefs lorsqu'ils s'y rendaient. Je ne laissai rien transparaître de mes émotions. Mon regard froid se posa sur mon mentor alors que j'attendais ses explications sans mot dire.

Nuée de Cendres n'était désormais plus sur son territoire natal, celui qu'elle connaissait par cœur, celui qu'elle aimait. En passant dans le tunnel sous le chemin du Tonnerre avec tous ces monstres, elle avait coupé le lien du sol qui l'unissait aux terres qui l'avaient vue naître. Les terres de l'Ombre étaient maintenant loin derrière elle, encore plus à chaque pas. Les marécages n'étaient plus qu'un souvenir ainsi que les arbres ou plutôt les pins, et les buissons. Tout cela avait disparu. Elle était comme dans un nouveau monde. Mais si on pouvait dire une chose de certaine, c'était qu'elle n'était plus chez elle.

On se serait cru sur les terres du clan du Vent. Un vent âpre avec des belles bourrasques continues ne cessait de faire frémir les quelques herbes. Oh, Nuée de Cendres n'arriverait pas à supporter de rester dans un endroit pareil trop longtemps. Ce n'était que pour une journée heureusement, elle ne s'éterniserait pas dans ce coin paumé et … aéré. Tellement aéré que des brindilles normalement droite se couchait contre le sol poussiéreux. Même le sol avait ses défauts ici. Rien n'était comme le bon territoire du clan de l'Ombre. Tout était pour le moins étrange.

Et puis, il y avait ses collines. Arrivés au but les trois chats seraient bien plus haut que les plateaux du clan du Vent. Mais celui-ci avait quand même les mêmes conditions météorologiques avec un vent à faire envoler les petits chatons jusqu'au clan des Étoiles. Et encore si il n'y avait eu que le vent, l'espionne grise aurait été bien contente. Il y avait aussi la neige, et les flocons qui étaient bien plus légers qu'un chaton. Et un peu de neige dans la face par ci, de la neige sur les pattes par là. C'était vraiment horrible.

Donc, en prenant déjà en compte la neige qui n'était pas du tout facile à vivre, il y avait autre chose : les collines. Oui, revenons à ces collines. En gros, qu'est-ce que c'est ? Et bah tout simplement une grosse pierre où il faut monter et descendre. Monter était fatiguant, on y revenait toujours harassé de fatigue. Descendre allait lorsqu'on glissait. Glisser était aussi le danger lorsqu'on montait : on risquait de revenir au point de départ. Les collines étaient en fait un véritable piège que même une espionne digne de ce nom peinait ouvertement à triompher.

Donc, résumons un peu la piètre situation où se trouvait nos trois Ombreux. Neige, vent, montée. On était presque à se demander pourquoi tant d'efforts après tout. Oui. Le but en valait toutefois la peine. On disait bien : ''après l'effort, le réconfort''. L'effort était déjà fourni depuis longtemps, mais elle devait continuer à espérer d'y arriver bientôt. Au réconfort. A la destination tant attendue. La pierre de Lune. C'était le but de cette expédition, après tout, ils venaient pas juste pour le ravissement de voir le paysage blanc vu de plus haut que d'habitude. La grotte de la vie était au bout du voyage.

Un vent venu de nulle part s'ajouta aux bourrasques déjà présentes. L'espionne décida de tourner la tête vers la gauche pour éviter d'avoir ses yeux bleus recouverts de neige. Au lieu de regarder ses pattes sur le chemin monotone, elle était forcée d'attacher de l'importance à ce qui se passait autour : c'est à dire le ciel. Oui, lorsqu'on est sur un truc potentiellement haut, il y a du ciel à côté. Contrairement à ce qu'elle aurait pu croire, le soleil n'était pas en train de commencer sa chute vers l'horizon mais il l'avait presque terminée !

Le ciel. Le ciel lui aussi avait changé. Il n'était pas bleu clair ou bleu marine, environ comme la couleur des yeux de Nuée de Cendres. Non, ce ciel était presque noir, bleu des ténèbres. La nuit qui allait bientôt tomber en somme. L'espionne ne savait pas si c'était parce que la journée s'était passée très vite ou que c'était parce qu'on était dans la Saison des Neiges que la nuit était déjà là. La journée s'était passée assez vite. Partir du territoire, arriver ici. Elle regarda devant elle et vit un rocher en forme de souris (d'après elle).

Elle se souvenait assez bien de ce repère. La pierre de Lune se trouvait plus très loin d'ici. Cette marche allait enfin avoir un sens. Il faisait assez froid. Elle avait l'impression que cette sensation se rependait au plus profond de son cœur. Elle ne savait pas ce que pensait les deux apprentis qui cheminaient à côté d'elle. Aucun des deux ne s'étaient plaints jusqu'à maintenant. Les deux avaient marché jusqu'ici et encore plus loin sans aucuns doutes. Elle était vraiment impressionnée de cette résistance. En tout cas elle, elle avait sûrement opposé quelques résistances lors de son précédent voyage.

Après toutes ses lunes passées, l'espionne se souvenait du chemin. Malgré la nuit qui arrivait, elle avait l'impression d'y voir plus clair … en elle. Cet arbre cette roche étrange avec des points noirs, des éclats transparents et du rose … Tout devenait familier au regard de Nuée de Cendres. La fin était toute proche, elle en était sure. Il restait combien de temps, quelques minutes ? Elle revoyait déjà l'immense caverne devant elle. Les ténèbres, la lumière. Un peu de tout ça à la fois. Après tout ce temps, elle allait revoir la Grotte de la Vie, la pierre de Lune.

Elle souhaitait bon courage à Esprit Chanteur pour faire ce trajet toutes les demi-lunes. Pouah ! Il faisait maintenant calme et le soleil commençait à disparaître. Soudain, elle repéra du coin de l’œil la caverne. Elle arrêta la troupe et regarda avec plaisir l'endroit. Ils étaient enfin arrivés. Pour l'instant, les trois étaient aux ''Hautes-Pierres''. Appelées comme ça sûrement parce que c'était grand. Trop grand pour qu'elle s'y sente à l'aise en tout cas. Les deux apprentis s'arrêtèrent. Ils n'entrèrent pas. Ils avaient au moins appris quelque chose avant de venir. Sans rien dire, elle enroula sa queue et attendit. Elle miaula :

« Cela arrivera bientôt. Les journées sont assez courtes. »

Il fallait attendre que le jour soit complètement parti. Et là, elle voyait encore à l'horizon les disque jaune. Les ancêtres voulaient qu'ils attendent. Peut-être pour réfléchir. Ce n'était pas dur pour Nuée de Cendres, dès qu'elle restait à rien faire, ses pensées divaguaient dans tous les sens. Les montagnes, les grandes montagnes derrière qui étaient assez proches occupaient son esprit. Est-ce qu'il y avait d'autres chats là-bas ? Des chats comme eux ? Mais vivre là-bas … Il faisait bien trop froid ! Il fallait être des parfaites cervelles de souris. Elle, elle n'irait jamais là-bas.

Elle regarda autour d'elle. Elle avait un peu oublié qu'elle devait respecter la responsabilité qu'on lui avait confié. Encore avec des chatons, elle aurait eu fort à faire. Mais avec des apprentis … à cette âge là, on devenait facilement autonome. Elle n'avait eu aucune remarques à faire. Mais l'espionne ne savait pas si elle aurait aimé en faire, elle se sentirait un peu plus utile quand même. Elle servait pas à grand chose là. Elle aurait pu tout simplement leur dire exactement le chemin et rester au camp. Elle soupira. Les journées devenaient franchement compliquées et elle n'avait rien pour se reposer.

À se torturer ainsi l'esprit, elle n’arriverait à rien de bon. Elle essaya de penser à autre chose et regarda la chute du soleil vers un monde inconnu. Oh, le disque ne se voyait plus en entier. Le soleil était déjà passé pour plus de moitié de l'autre côté. Mais déjà, quelques étoiles commençaient à apparaître au dessus des têtes. On disait que chaque étoile représentait un de ses sages ancêtres qui surveillaient les clans depuis le ciel. Et en ce lieu élevé, les étoiles seraient bien plus nombreuses, bien plus présentes. On y voyait bien plus de ciel que de terre.

Et puis, finalement, un éclat de lumière blanche se montra. La lune. Ce n'était ni la demie, ni la pleine. Sinon, ils auraient du faire le chemin avec Esprit Chanteur et Nuée de Cendres ne savait que penser d'eux. C'était plutôt neutre. Elle devrait les respecter mais à voir le guérisseur toujours dans sa tanière, ça la fatiguait un peu. Elle s'était relevée sans s'en apercevoir. Presque guidée par un instinct. L'entrée de la grotte semblait attirante. Elle jeta un dernier coup au soleil, mais celui-ci avait complètement disparu. Mais la lune était présente, elle, offrant une belle lumière céleste. L'espionne annonça :

« C'est l'heure. Suivez-moi. »

Elle s'avança vers l'ouverture de la grotte, où l'unique couleur était le noir. Tellement intense. Lorsqu'elle passa, elle eut l'impression d'être avalée. Mais ce n'était que le début. Il y avait déjà cette sorte d'entrée où il faisait tout noir pendant plusieurs vingtaine de secondes. Le noir. Elle ne ''voyait'' que ça. Et puis, lorsqu'elle était dans cette grotte étrange, elle avait l'impression que pleins de sentiments contradictoires naissaient en elle. Une atmosphère pesante régnait toujours ici. Mais c'était peut-être le prix à payer pour découvrir le sanctuaire de leurs ancêtres. Elle se sentait plus proche d'eux que jamais.

Oh, un jour, elle serait bien plus proche qu'elle ne pourrait l'espérait. Mais elle voulait quand même que ce jour arrive dans longtemps. Elle avait tant à faire encore dans le clan de l'Ombre. Elle ne voulait pas le quitter tout de suite. Mais un jour, sa place serait parmi les étoiles du ciel. Plus tard. Elle aperçut soudain une lumière au fond. Le noir allait bientôt se terminer. Enfin. Ils arrivèrent bientôt dans une nouvelle pièce. La pièce la plus importante de tout ce qu'il pouvait y avoir dans la forêt. Ici était le lien entre le monde des mortels et entre le clan des Étoiles.

Le noir était maintenant derrière elle, l'endroit illuminé devant elle. Lors de sa première visite, elle s'était demandée comment après tout ce noir il pouvait y avoir cette lumière blanche. La lumière de la lune … C'était alors qu'elle avait levé la tête vers la voûte et avait aperçu un trou dans la paroi et aperçut la lune ainsi que quelques étoiles. Mais le vrai clou du spectacle, c'était la pierre froid, aux couleurs bleu-grises au milieu. La Pierre de Lune. Elle murmura :

« Bienvenue à la Grotte de la Vie. »

J'étais du même avis que Nuage du Tigre. Moi aussi, j'avais hâte de rentrer à l'intérieur pour voir la Pierre de Lune pour la première fois de ma vie ! La course du soleil dans le ciel paraissait interminable. A croire que le temps était élastique, et qu'il pouvait ralentir. Mais Nuée de Cendres avait raison : l'hiver, les journées étaient courtes. Si bien que le soleil se coucherait bien plus vite que lors de la saison des feuilles vertes. 
On voyait encore le disque jaune à l'horizon. Nous devions attendre que le soleil soit entièrement parti et que la lune se lève avant d'entrer. En attendant, le coucher de soleil offrait un joli spectacle. Le ciel se tintait de diverses couleurs avant de se coucher. Le peu de chaleur qu'il y avait commençait à partir. Le temps se rafraîchissait, l'horizon s'assombrissait. Le jour laissait place à la nuit. Mais les guerriers du Clan de l'Ombre étaient habitués à la nuit si bien qu'elle ne nous paraissait guère effrayante. 
On commençait à voir des étoiles dans le ciel. En ce lieu, on se sentait proche des guerriers de jadis. Il y avait un contraste entre la terre et le ciel. Il y régnait une atmosphère étrange, presque mystique. Je ne savais pas comment décrire ça. C'était comme si nous étions à la frontière de deux mondes : le monde terrestre ainsi que le monde céleste.
Mon regard s'arracha de la Toison Argentée pour se poser sur Nuée de Cendres. La chatte venait d'annoncer le signal de départ. J'avais échangé un regard avec Nuage du Tigre avant de la suivre. Nous arrivions enfin au bout de notre voyage.

La chatte s'engouffra dans un sombre tunnel. Je la suivis de près tandis que Nuage du Tigre fermait la marche. A peine étais-je entré dans la grotte que le noir m'oppressait. L'atmosphère était glaciale et nulle lumière de brillait. C'était à croire que cet endroit n'avait jamais connu la lumière du jour. Je ne voyais même pas le bout de mon museau. Ma vue ne servait à rien comme si j'étais aveugle. Je devais compter sur mes autres sens comme l'odorat et l'ouïe pour suivre Nuée de Cendre. Tant que je ne perdais pas son odeur, je ne me perdrais pas. Les bruits de pas de Nuage du Tigre m'indiquèrent qu'il était toujours derrière moi.
Mes moustaches effleurèrent les parois de la grotte et me guidaient en même temps. Plus nous avancions, plus j'étais conscient que nous nous enfoncions sous la terre, sous des couches et des couches de roche. C'était impressionnant. J'avais pris de nombreux tunnels jusqu'à aujourd'hui mais cette expérience-la n'avait rien à voir avec ça.
Le chemin ne semblait plus en finir. Comment savoir depuis combien de temps nous nous enfoncions sous cette masse rocheuse alors que nous n'avions même pas de repères ? J'espérais que Nuée de Cendres savait où elle allait et qu'elle ne s'était pas perdue. Le tunnel commençait à rétrécir, si bien que Nuage du Tigre et moi commencions à avoir du mal à passer avec nos larges épaules. Nuée de Cendres, plus fine, n'aurait pas de problèmes. Et si elle nous conduisait à un tunnel sans issues ? Je chassai cette sombre pensée de mon esprit. Ce n'était pas la première fois que l'espionne était allée à la Pierre de Lune. Bien que j'aie des doutes sur ses capacités, elle savait au moins retrouver son chemin.

Je finis par voir une lumière au loin. Les ténèbres se dissipèrent et le tunnel s'élargit. Je devinais que nous arrivions à notre objectif. Nous avions débouché sur une pièce circulaire. Au centre trônait une pierre imposante et lumineuse. L'une des plus grandes merveilles des clans. Il s'agissait de la Pierre de Lune. On me l'avait souvent décrite mais elle était bien plus prestigieuse que ce à quoi je pensais. Sa simple présence imposait le respect.
A côté de moi se tenaient Nuage du Tigre et Nuée de Cendres. Le pelage gris de cette dernière brillait d'un éclat argenté comme si elle appartenait au monde mystique du Clan des Etoiles. Il régnait une ambiance surnaturelle. J'observais la Pierre de Lune, la gueule entrouverte avec un regard fasciné. C'était donc là où les chefs se couchaient pour recevoir leurs neuf vies et où les guérisseurs se rendaient chaque demi-lunes pour partager les rêves du Clan des Etoiles. C'était donc là où les chats des clans étaient les plus proches du Clan des Etoiles. Je me sentais irrésistiblement attiré vers la pierre sans que je sache pourquoi. Je prenais mon mal en patience. D'ici quelques minutes, je connaîtrais une expérience hors du commun. Je savais que Nuage du Tigre, Nuée de Cendres et moi, nous nous coucherions contre la pierre pour partager les rêves du Clan des Etoiles.

Spoiler:

Malgré son murmure, Nuée de Cendres eut l'impression que sa phrase résonna dans toute la caverne. Ce qui faisait l'effet de ne pas être seul. C'était peut-être le cas. Le clan des Étoiles était normalement là, autour d'eux, que des ombres, peut-être. Ce clan céleste était avec eux, autour d'eux dans la Grotte de la Vie. C'était un lieu totalement sublime et on aurait presque l'impression que des étoiles allaient venir les regarder. Les tunnels noirs permettant de venir ici étaient maintenant derrière elle, mais loin dans son esprit. Il y avait bien une chose, là, qui attirait son regard.

La Pierre de Lune. Son influence était telle qu'il était impossible de détourner les yeux. C'était comme si la seule action de notre vie était de regarder cette Pierre. Car venir ici ne suffisait pas pour communiquer avec leurs ancêtres, la Pierre de Lune était le véritable lien entre la terre et le ciel. Entre les quatre clans et le clans des Étoiles. C'était tout de même étrange que la Pierre de Lune soit aussi loin de la forêt ? Pourquoi leurs ancêtres avaient voulu mettre leur sanctuaire aussi loin ? Pour s'être « calmer » avant ?

C'était la deuxième fois. Deuxième fois qu'elle entrait dans la Grotte de la Vie. La première fois, elle avait eu environ le même âge que les deux apprentis ici présents. De toute façon, les apprentis ont presque tous les même âge avec environ sept lunes d'écart. Elle se rappelait encore de son pelage gris et de ses yeux bleus, sa petite facette, perdue dans le noir du couloir menant jusqu'ici. Elle avait ressenti un peu de peur, mais elle n'avait rien dit. Et puis, lorsqu'elle avait vu la Pierre de Lune, elle s'était reflétée dedans, comme une véritable guerrière du clan des Étoiles.

Il faisait étrange par ici. Comme une énergie mystique. Mais ce n'était pas vraiment désagréable en soi. Cela nous avertissait presque du pouvoir concentré en ce lieu. Mais Nuée de Cendres admirait beaucoup – et respectait également – cet endroit. Elle dirigea son regard vers la lune toute blanche qui permettait d'avoir un semblant de lumière ici. Elle pouvait aussi, grâce au trou dans la voûte, distinguer quelques constellations. Un groupement d'étoiles, ou peut-être, un groupement de chat du clan des Étoiles. Ici, tout était tellement mystérieux. Elle laissa les deux apprentis se familiariser avec la Grotte de la Vie.

Elle s'approcha de la Pierre de Lune, va pour s'y recueillir mais pour y voir le reflet. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'était pas venue, elle se sentait un peu nostalgique. Esprit Chanteur avait l'honneur (et la dure tache!) d'y aller assez souvent pour communier avec leurs ancêtres. Le voyage était assez dur, mais là, ça en valait la peine. Mais bon, elle, y venir une fois ou deux dans sa vie, ça lui convenait parfaitement. Elle était déjà contente de pouvoir admirer cet endroit, elle n'allait pas être exigeante. La forêt paraissait bien loin à présent.

Oui, les arbres, les sapins, les marécages. Tout ça était loin à présent. Physiquement par les montagnes, et moralement par cet endroit qui la séparait du reste du monde. Elle n'était ni vraiment dans la forêt, ni dans le clan des Étoiles, mais entre les deux. Bon, elle n'allait pas attendre beaucoup plus longtemps, les apprentis voulaient certainement commencer les choses ''sérieuses''. La, uhm, disons rencontre. Elle s'approcha de la Pierre de Lune. C'était sûrement ''l'objet'' le plus précieux au monde. Après tant de lunes, elle se souvenait, heureusement, du plus gros à faire. Le mode d'emploi, était finalement tout à fait simple.

Il fallait ''juste'' s'allonger au pied de cette pierre froide. En vérité, c'était un peu plus technique que ça mais le principal y était. Après, normalement, on s'endormait. Nuée de Cendres n'avait jamais su pourquoi on s'endormait sur cette pierre, peut-être qu'ici, le pouvoir du clan des Étoiles était tel, qu'il arrivait à nous faire endormir. Et même des rêves, aux significations variées. D'ailleurs, les rêves, ça avait été toujours un souhait d'en faire pour Nuée de Cendres. Rêver, c'était quand même un truc d'étonnant ! Finalement, elle lança d'une voix douce aux deux apprentis :

« Donc, vous vous allongez au pied de la Pierre de Lune. Normalement, vous vous endormirez ensuite. Le reste se fera tout seul. »

Elle les laissa se diriger en premier, car, pour une raison de responsabilité, elle préférait s'endormir en dernier. Puis, elle s'approcha de la pierre de Lune. Elle s'y allongea doucement, avant de fermer les yeux, elle murmura dans sa tête : « Clan des Étoiles, voici deux apprentis qui sont venus à vous, occupez-vous en bien. » Et elle s'endormit. Apprentie, elle avait fait exactement la même action, totalement excitée. Mais après, elle avait été un peu intimidée. Qu'est-ce qui allait se passer ensuite ? Alors, elle avait concentré toutes ses pensées pour savoir si elle serait espionne un jour, ce qui avait été son unique obsession.

Oh, à l'ordre de ce jour, elle ne se souvenait plus vraiment de ce qui s'était passé. C'était un peu trouble maintenant tout ça était tellement vieux. Elle se souvenait d'avoir vu rapidement quelques chats, accompagné d'une poussière très brillante. Et puis, elle avait fait un rêve de quelques secondes où elle s'était vue, plus grande, juste en bas du promontoire, avec un groupe de chat autour d'elle. Même si cela n'avait été juste visuel, elle avait appris qu'elle deviendrait espionne, ou du moins, elle vivrait jusque là. D'ailleurs, ça s'était « réalisé ».

Aujourd'hui, Nuée de Cendres n'avait pas vraiment de grand vœu en tête. Elle estimait que le savoir pouvait être dangereux. Par exemple, lorsqu'elle avait vu cette vision apprentie, cela aurait pu être en conséquence qu'elle se relâche dans son travail. Heureusement, cela lui avait donné l'envie de s'impliquer plus. Prenons un autre exemple, si elle voyait sa mort en vision, elle vivrait les dernières lunes complètement démoralisée alors qu'elle aurait pu les vivre joyeusement. Tout ça que pour dire, moins elle en savait, ça valait peut-être mieux. Malgré tout, elle s'était endormie et rêvait dans une sorte d'endroit réconfortant.

Elle se sentit juste entendre : « Merci clan des Étoiles de veiller sur nous. » Elle se réveilla. Elle ne savait pas combien de temps elle s'était endormie. Quelques minutes ? Une demi-heure ? La lune s'était un peu déplacé d'après ce qu'elle pouvait voir dans le ciel. Elle regarda autour d'elle, apparemment, elle s'était réveillée première. Elle n’avait pas eu grand chose à voir aussi. Elle s'installa en souriant sur le côté en enroula sa queue autour d'elle pour se réchauffer. Elle attendrait calmement que les deux autres se réveillent. Elle se sentait beaucoup moins fatigué maintenant.

Spoiler:


Mon regard restait posé sur la pierre. J'étais fasciné. J'écoutais les conseils de Nuée de Cendres d'une oreille distraite. Je sentais mon coeur battre la chamade. Le moment était venu de se coucher près de la Pierre de Lune pour recevoir un rêve du Clan des Etoiles. Mille et une question se posaient dans ma tête mais je savais que je n'arriverais pas à satisfaire ma curiosité pour le moment.
Nuée de Cendres nous avait laissé avancer en premier. Sans doute monterait-elle la garde ou se coucherait-elle en dernier. J'avançais d'un pas mesuré, le visage ne trahissant aucune émotion. Je cachais mon excitation grandissante alors que je m'approchais de la pierre. Cela allait être un grand moment, et je le savais. Après tout, qui n'aurait pas hâte de rencontrer le Clan des Etoiles pour la première fois de sa vie ?
J'avais attendu un instant, jetant un coup d'oeil à Nuage du Tigre et Nuée de Cendres. Puis, j'avais imité mon camarade en me couchant près de la pierre comme mon mentor l'avait indiqué. J'avais posé mon museau contre la pierre. Il était étrange de sentir sa surface froide mais je n'avais pas bronché. Repliant mes pattes sous moi, j'avais fermé les yeux en attendant que le Clan des Etoiles vienne à moi et me convoque dans un rêve. C'était comme cela que ça se produisait. Même si j'en faisais l'expérience pour ma première fois de ma vie, j'avais souvent entendu les anciens ainsi que les vétérans décrire les gestes que l'on devait accomplir une fois que l'on était dans la Grotte de la Vie. 

Les minutes passèrent. Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé. Je ne saurais le dire encore aujourd'hui. Toujours est-il, que lorsque je m'étais réveillé, je ne me situais plus à la Pierre de Lune mais dans une zone inconnue. J'avais d'abord été confus, puis j'avais compris que je rêvais, bien que je ne m'étais pas rendu compte que j'avais plongé dans le sommeil. Les oreilles dressées, je regardais autour de moi avec avidité. Je me situais dans des plaines lumineuses, parsemées de poussière d'étoiles. Pourtant, nul guerrier ne vint à ma rencontre. J'avais attendu un instant, puis j'avais miaulé,

" Fleur d'Automne ? "

Fleur d'Automne était ma mère, morte en me donnant naissance. Je ne l'avais jamais connue, je ne l'avais jamais vue. Mais on me l'avait déjà décrite si bien que j'aurais sans doute était capable de la reconnaître si je la voyais. Lorsque j'étais parti pour la Pierre de Lune, j'avais secrètement espéré la retrouver ici. Oh, j'aurais été content de voir n'importe quel membre du Clan des Etoiles. Mais j'aurais aimé plus que tout rencontrer Fleur d'Automne. J'attendis un instant, les étoiles brillèrent, mais nulle ne me répondis. J'attendis encore... Toujours personne. Je sentis un poids dans mon ventre. Une sensation désagréable, douloureuse. Je ne m'étais pas encore débarrassé de toutes mes émotions mais elles impliquaient décidément la souffrance. J'avais compris que je ne pouvais rien espérer à ce moment même. Je ne pouvais compter que sur moi-même et sur mon clan.

Je m'étais retourné en entendant une voix venir d'une direction opposée. J'avais laissé les sons me guider. Les murmures semblaient se rapprocher, puis s'éloigner, comme s'ils me narguaient. Pourtant, je savais que je m'approchais de mon objectif. Je sentis le terrain changer. La lumière se fit de plus en plus faible. La zone commençait à se boiser. Les bois étaient sombres, et de plus en plus touffus. Cela aurait pu intimider un autre félin pourtant moi, je n'avais pas rebroussé chemin. Poussé par une force indescriptible, j'avais continué d'avancer dans ce territoire inconnu. Bientôt, je ne voyais même plus la lumière des étoiles. La forêt avait débouché sur une clairière. Au centre, je vis un chat, ou une chatte poser son regard sur moi. Je sentis des fourrures remuer tout autour de moi. Les murmures se firent de plus en plus fort, bien que je n'en comprenais toujours pas les paroles. Le bruit se fit plus fort, plus puissant. J'avais comme une envie de rejoindre ces chats. Le chat assis au centre de la clairière me lança un miaulement puissant...
Subitement, j'ouvris les yeux. J'étais revenu dans la Grotte de la Vie. J'avais senti Nuée de Cendres et Nuage du Tigre remuer autour de moi. Je m'étais levé. Ce rêve fut... Plus ou moins perturbant. Je n'aurais pas été capable de le décrire avec des mots. Pourtant, mon visage inexpressif ne trahissait rien de ce qui venait de se passer. Mon regard vert se posa sur mes camarades. Notre voyage s'achevait ici. Maintenant, il ne nous restait plus qu'à faire le chemin en sens inverse pour rentrer au camp...