Je m'étais réveillé dans un frisson. La nuit, la neige était encore tombée. La saison des neiges était bien présente, apportant tous ses malheurs. Alors qu'à la saison des feuilles vertes nous mangions tous à notre faim, ce n'était maintenant plus qu'un lointain souvenir. Les félins du clan maigrissaient à vu d'oeil et la réserve de gibier n'était pas bien garnie. Le matin et le soir, une fine couche de glace recouvrait la rivière, si bien qu'il était difficile de pêcher. Alors, nous étions obligés de nous contenter du gibier terrestre, proie que nous ne mangions d'habitude jamais en bonne saison. Le Clan de la Rivière était un clan très spécial par rapport à son mode de vie et aux proies chassées. Si tous les autres clans détestaient l'eau et mangeaient des proies terrestres, c'était très différent pour nous.
Au début, avec la rivière, je craignais que des accidents arrivent. Et j'avais eu raison. Une guerrière du Clan du Vent était tombée dans la rivière et avait été repêchée par une patrouille. Mais ce n'était pas tout, quelques jours plus tôt, ma nièce, Nuage des Lucioles était tombée dans la rivière elle aussi. Heureusement que Regard Lunaire avait été là pour la secourir. Comme les deux félins ne se situaient pas loin du camp, la novice avait vite pu être amenée à Menthe Poivrée où elle recevrait des soins attentifs car, en tombant dans la rivière en cette saison, les risques d'attraper le mal vert étaient bien présents. Et, avec la pénurie de gibier, une épidémie était bien la dernière des choses dont nous avions besoin.

Le matin, j'étais parti avec une patrouille frontalière pour inspecter la frontière avec le Clan du Tonnerre non sans avoir jeté un oeil aux Rochers du Soleil. Avec le manque de gibier, cela pourrait faire un terrain de chasse supplémentaire au Clan de la Rivière, et cela affaiblirait le Clan du Tonnerre, prouvant aux autres clans que le Clan de la Rivière était un clan fort. Je ne savais pas ce qu'en pensait Chauve Souris. Oui, j'avais bien dit Chauve Souris car Etoile des Larmes ne sortait guère de sa tanière ces jours-ci. Pour l'instant, j'étouffais les rumeurs mais je savais que cela ne pourrait pas durer ainsi très longtemps. Certains guerriers commençaient à avoir des soupçons. Au fond, j'étais inquiet pour Etoile des Larmes. La chatte avait reçu un sacré choc lors de la dernière Assemblée et semblait ne s'en être toujours pas remise. Elle était entre de bonnes pattes avec Menthe Poivrée et j'espérais qu'elle serait bientôt sur pattes, apte à diriger le clan comme autrefois. Elle était cheffe depuis peu, la dernière Assemblée étant sa première en tant que cheffe. Ce serait injuste pour elle que son règne se termine aussi vite. Le clan avait besoin de dirigeants forts car le Clan de l'Ombre risquerait de profiter de la situation. Les clans du Tonnerre et du Vent n'étaient pas des menaces à sous-estimer non plus. Il faudrait savoir leur faire face le moment venu. Même le lieutenant du clan, Chauve Souris, semblait distant ces derniers temps. J'espérais que le Clan des Etoiles aurait pitié de nous en cette terrible saison pour le Clan de la Rivière.

La patrouille était rentrée faire son rapport. Il n'y avait rien à signaler et nous avions marqué à nouveau la frontière. Cela faisait d'ailleurs un moment que nous n'avions pas eu de nouvelles des autres clans et les espions n'avaient rien réussi à avoir d'intéressant à ce propos. Bonne nouvelle ou mauvaise nouvelle ? Impossible de savoir, mais je me demandais bien ce qu'ils pensaient de nous, et surtout, ce qu'il manigançaient.
Le midi, j'avais pris un petit poisson, n'osant pas prendre plus alors que la réserve de gibier n'était pas très pleine. J'avais ensuite rejoint la patrouille de pêcheurs dans l'espoir d'obtenir quelques proies mais mon esprit était ailleurs tandis que je pêchais. Nous avions tout de même réussi à rapporter une quantité de proies respectable que nous avions ramené au camp.
M'ébrouant, je pris, pour la troisième fois de la journée la sortie du camp. Je voulais marcher un peu, mettre des distances entre moi et le camp où une atmosphère blafarde régnait. 
Le ciel était entièrement couvert tandis que je marchais. Si bien qu'il fit rapidement sombre et qu'il était difficile de savoir à quel moment de la journée nous étions. Je ne savais pas combien de temps j'avais marché. Toujours fut-il que j'étais arrivé à la Lisière de la Forêt, endroit se situant peu avant les Quatre Chênes et marquant la frontière avec les autres clans. J'avais cligné des yeux, surpris. Alors que je décidai de faire demi-tour et de rentrer, je sentis une odeur de bruyère : l'odeur du Clan du Vent. Un chat, ou plutôt une chatte fut bientôt en vue. Je fis d'un ton poli,

" Bonsoir. "

Mes paupières se lèvent avec plusieurs battements, s'adaptant à cette lumière, si soudaine, mais pourtant présente. La saison des feuilles mortes est là, et nous risquons de perdre des membres durant cette saison. Tant de malheur ! Sans ce si beau monde, pourtant... Pourtant il y a des injustices. Et elles ne peuvent être réparées. Silence, dans la tanière des guerriers. Certains ronflent, d'autres grognes de mépris, et d'autre encore, siffle durant leur sommeil. Lentement, je soulève mon corps, consciente que le jour vient à peine de se lever. Mais le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt ! Chaque matin, même phrase. Je finis par me lever à contre-cœur de ma litière, et je sors avec hâte de cet endroit. J'aime la tranquillité, quand c'est calme...
Je peux très bien partir, laissant mon Clan ici, allant chasser dans les plaines, dans les beaux décors. Mais non, je préfère suivre une patrouille de chasse. Les patrouilles sont doublées, chacun à son propre travail art à faire. Moi, je dois en apprendre plus sur les autres Clans, agissant en toute discrétion. Enfin... C'est mon point fort, donc je sais parfaitement « jouer le jeux » !
Je m'approche de mon Lieutenant, Pelage Fauve, et je me propose pour la patrouille frontalière. Bien sûr, nous ne croisons pas de patrouilles ennemies, car nous agissons en discrétion. Et je suis fière de dire que j'ai pu diriger la patrouille. Ça me fait, toujours plaisir.
A midi, je prends un maigre lapin, que je partage avec un ancien avec joie, discutant de quelques affaires, des nouveautés, de leurs points de vues. Bien évidemment, j'ai aussi mon opinion, mais je préfère la garder pour moi. J'ai donné à manger aux reines, et je sors du Camp, annonçant que j'en aurais pour un bon moment.
Courrir, être libre... Ce que tout félin rêve de faire. La liberté absolue, ayant tout pour soi-même... Ce n'est pas mon rêve. Moi, je suis, j'avance et je me laisse guider par mes pattes, m'emmenant où elles le veulent. La nuit commence à tomber, ou non, en faites je n'en sais rien. Mais il fait plus sombre, plus nuageux... Je n'aime pas ce temps.
Un décor me tire de mes pensées. Je suis tout proche de la Lisière de la Forêt, et surtout près de la frontière du Clan de la Rivière. Cette pensée me fait frissonner, je m'avance donc, assez curieuse. Je sens soudainement l'odeur d'un membre de ce Clan, sûrement aussi étonné que moi de sa présence. Un peu de compagnie ne me fais pas de mal... Je m'arrête donc à quelques queues de renard de la frontière, même si je ne compte pas aller plus loin. Le vent souffle dans mon pelage, et la neige commence à tomber, à nouveau...

« Bonsoir. »

Je secoue vivement la tête et plonge mon regard dans celui du Guerrier du Clan de la Rivière. Alors je pense que le pêcheur me prends pour une femelle impolie et hargneuse. Enfin, hargneuse, ça, je n'en sais rien. Respectueusement, je m'incline face à ce simple guerrier, et je relève la tête, peu après, un sourire sur le visage.

« Bonsoir... Quelle belle soirée, vous ne trouvez pas ?... Au fait, mon nom est Douce Nuit, guerrière du Clan du Vent. Heureuse de faire votre connaissance. »

J'observais mon interlocuteur... Ou plutôt mon interlocutrice. Elle portait l'odeur du lapin et de la lande caractérisant son appartenance au Clan du Vent. C'était une belle chatte avec un corps fin et un pelage noir comme la nuit. Elle disait s'appeler Douce Nuit. Son nom me disait quelque chose. Je l'avais déjà vue lors des Assemblées mais nous n'avions jamais eu l'occasion de nous parler. Elle avait répondu à ma politesse.
Je demeurai méfiant car elle était quand même une guerrière rivale. Néanmoins, son comportement était courtois et respectueux. Cela changeait du Clan de l'Ombre ! Je savais que le Clan du Vent était actuellement dirigé par Etoile du Griffon. Il présentait une menace potentielle en cas de bataille mais ce clan n'avait fait aucune menace au Clan de la Rivière dernièrement. Néanmoins, on était jamais trop prudent. Bien que cette garde constante commençait à épuiser chacun d'entre nous. Nous semblions attendre une guerre qui ne viendrait jamais. Tel était l'état d'esprit du clan à ce moment même. Mais devant cette guerrière rivale, pas question que je la renseigne sur la situation de mon clan. Je n'étais ni fou, ni idiot. Et personne ne devait savoir à quel point le Clan de la Rivière avait été affaibli suite à la dernière Assemblée sinon ce serait un désastre pour nous...
Bien entendu, maintenant qu'elle m'avait adressé la parole, je n'allais pas partir et tourner les talons comme un sauvage. Et ce serait peut-être une occasion pour moi d'en savoir plus sur l'état d'esprit actuel du Clan du Vent. Je me retins de soupirer de lassitude lorsque je répondis,

" Aile de Libellule, du Clan de la Rivière... "

Si chaque guerrier connaissait les effectifs de son propre clan, il était difficile, voire même impossible de connaître les effectifs d'un autre clan à moins peut-être d'être un espion bien renseigné. 
Je regardai autour de moi. Il n'y avait personne, nous étions seuls. Douce Nuit n'était donc pas venue en patrouille accompagnée de camarades. Je ne savais pas si cela devait me rassurer ou au contraire m'inquiéter. Pourtant, l'atmosphère était tranquille, si bien qu'il était difficile de ne pas commencer à se détendre. Tout était calme, très calme. Seul le bruit des chutes brisait ce silence. Nous étions loin des chutes mais nous pouvions tout de même les entendre de là où nous étions.
J'étais tout de même surpris que la femelle ne manifeste aucune hostilité alors que je me trouvais si près de la frontière. Oh, je ne l'avais pas franchie et je n'en avais nullement l'intention. Beaucoup de chats avaient besoin de passer par la Lisière de la Forêt pour aller aux Quatre Chênes à présent. Cela trahissait le caractère de Douce Nuit qui devait être une chatte calme. En tout cas, elle n'avait pas l'air d'être une tête brûlée qui saute sur tout ce qui bouge.
J'adoptai d'abord un air pensif, puis je repris,

" Oui je sais, je t'ai déjà vue aux Assemblées. "

J'étais maintenant gêné, ne sachant quoi ajouter et je ne pouvais pas prendre congé comme ça. Pourtant, ce n'était pas comme si nous avions grand chose à nous dire. Ni l'un ni l'autre ne pouvions révéler les secrets de notre clan. Et certains n'approuveraient carrément pas le fait de parler à un chat d'un clan adverse en-dehors d'une Assemblée. Nous étions chacun de notre côté de la frontière et nous n'avions aucune raison de nous jeter dessus. Seuls, loin de nos camps respectifs, ce serait du suicide. Alors il n'y avait que ça : continuer à échanger des politesses, je ne voyais pas quoi faire d'autre.

" Comment va le clan ? "

« Aile de Libellule, du Clan de la Rivière... »

Lorsque mon « adversaire » prononce le nom de son Clan, je sens comme si il etait en mauvaise passe. C'est tour à fait possible, après l'assemblée, et la révélation... Mais ce ton, me rends curieuse plus qu'autre chose. Je secoue vivement la tête et je me mets alors à observer ce guerrier. C'est un mâle gris, plus grand que moi, et il possède une paire de yeux bleus, lui aussi. J'ai toujours l'impression d'être petite face à un apprenti, ou même un guerrier. Et même devant mes camarades espions. Un sourire amical se dessine sur mon visage. J'aime faire semblant. Car Aile de Libellule croit que je suis une simple Guerrière, alors que je suis une redoutable espionne. Mais je révélerait cette information pour rien au monde.

« Oui je sais, je t'ai déjà vue aux Assemblées. »

J'hoche la tête. Je trouve que nos caractères se correspondent plutôt bien, mais je n'oublie pas le fait que c'est un guerrier du Clan de la Rivière. Je le fixe de haut en bas. Je suis petite, mais je sais parfaitement me défendre. Heureusement que l'idée de traverser les landes ne lui vienne pas à l'esprit ! Je préfère largement le fait qu'il aille nager dans sa rivière. Je me demande d'ailleurs toujours autant : « Comment peuvent-ils aimer l'eau ? »
Une idée me traverse l'esprit, si bien que j'ecarquille les paupières un court instant. Je vais profiter de cette venue pour en apprendre plus sur le Clan de la Rivière. Même si je sais qu'il doit être faible, désormais. Je finis par m'asseoir, en enroulant ma queue noire autour de mes pattes, les oreilles dressées, attentive aux bruits. J'entends les cascades, le bruit de l'eau qui s'écrase contre la terre ou les rochers. J'entends aussi le vent souffler, poussant et dissimulant les différentes odeurs des landes. J'entends aussi des souffles, la respiration, d'un chat ou d'une proie. Je sens le temps passer, mon sang couler, mes paupières se fermer un court instant, et je sens mon poids sur le sol. Tant de petits détails... Puis je me décide, enfin, à parler, mais Aile de Libellule me devance.

« Comment va le clan ? »

Le guerrier m'a devancé. Finalement, on a la même idée en tête. Nos regards se croisent, et ne de quitte plus. Seul une sensation de douceur s'échappe de mon âme. Une sensation de douceur et d'apaisement. Cela ne veux pas dire que je vais révéler des informations sur mon Clan, oh que non ! Je suis douée pour être espionne, et j'ai déjà ma solution dans la tête. Peu d'informations contre beaucoup de questions. Je pense que si Aile de Libellule ne me réponds pas, alors il sera gêné, je pense. Puisque j'ai l'impression qu'il est attentif.

« Oh, mon Clan se porte bien. Et le votre ? »

Pour moi, la politesse est la clef du succès. Je souris au chat gris, à sa silhouette, puis je commence à donner des coups de langues sur ma patte avant droite. Toilette rapide, juste au niveau des oreilles et des pattes. La matte propre, je la frotte avec délicatesse derrière mon oreille et je recommence plusieurs fois le même mouvement. J'entame ensuite une nouvelle question, pour ne pas « perdre du temps ». Je vais surtout le questionner par cette disons absence du Clan de l'Ombre. Je parle donc à Aile de Libellule avec ma jolie voix, essayant d'avoir sa confiance.

« Savez-vous au passage, ce qu'est devenu le Clan de l'Ombre ? J'ai comme l'impression qu'ils ont déserté leur territoire, ce qui ne ressemble pas du tout à Étoile Sauvage. En sais-tu plus ? »

J'avais, sans le vouloir, coupé la parole à la chatte du Clan du Vent. Elle avait ouvert la gueule mais je l'avais devancée. J'avais remué les oreilles comme pour m'excuser, légèrement embarrassé. En vérité, je ne me sentais pas très à l'aise, seul, en présence d'un membre d'un autre clan si loin de mon territoire. 
Douce Nuit répondit que le Clan du Vent se portait bien. Avaient-ils assez à manger en pleine saison des neiges ? Si ce n'était pas le cas, Douce Nuit ne le révélerait certainement pas. Même lorsqu'un clan se portait mal, personne au sein de ce clan ne devait le révéler car ce serait bien et bel suicidaire. Les quatre clans ne coexistaient pas en parfaite harmonie, les guerres se succédaient, sans jamais se terminer. Il en avait toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi. Nous avions la vie dure et nous n'étions pas des chats domestiques. Cette rivalité faisait notre force.
Ainsi, les secrets de chaque clans devaient être préservés. Les espions étaient sans doutes les plus adeptes dans cette matière. Un grade spécial, important et connu de tous. Néanmoins, on ne connaissait les effectifs des espions que de son propre clan et devant les rivaux, les espions se faisaient toujours passer pour des guerrier, ce rang devant rester secret. Connaître les espions d'un autre clan serait un avantage considérable mais cela n'était jamais arrivé jusqu'à présent. La guerrière qui se tenait devant moi, Douce Nuit, pouvait aussi bien être un espionne. Je n'avais aucun moyen de le savoir et je ne cherchais pas à le savoir. Je n'étais qu'un simple guerrier, ce n'était pas mon rôle.
Je répondis,

" Le Clan de la Rivière se porte comme un charme, merci bien. "

C'était un mensonge, mais comme tout guerrier qui se respecte, je ne révélais pas les secrets de mon clan, jamais de la vie. En vérité, notre cheffe, Etoile des Larmes, était plus faible que jamais et ne sortait presque plus de sa tanière. De plus, nous avions du mal avec le gibier. La rivière, qui était notre fierté mais également la zone la plus riche en gibier de toute la forêt en bonne saison commençait à geler, ce qui rendait la pêche difficile. Nous ne pouvions pêcher qu'aux moments les plus chauds de la journée. Le reste du temps, nous nous rabattions sur le maigre gibier de forêt qu'abritait notre territoire. Nous étions dépendants du poisson, si bien que lorsque l'on en manquait, on avait beaucoup de mal à s'approvisionner. Mais avec un peu de chance, ce n'était jamais qu'une mauvaise période, qu'une période sombre pour le clan que nous surmonterions tous ensemble comme chaque année, bien que celle-ci semblait pire que les autres. Avec un peu de chance, dans quelques lunes, alors que la bonne saison serait de retour, les maux ne seraient plus qu'un mauvais souvenir. J'espérais juste que d'ici-là Etoile des Larmes retrouve la raison car, sans un clan uni sous une forte autorité, nous ne pouvions demeurer un clan fort alors qu'il existait des hostilités entre nous. Comme quoi l'ennemi intérieur pouvait parfois se montrer plus destructeur encore que l'ennemi extérieur. 

Douce Nuit mentionna le Clan de l'Ombre. Je fronçai les sourcils, surpris. Alors comme ça, cette activité soudaine avait été remarquée par le Clan du Vent aussi. C'était étrange. Instinctivement, mes poils s'étaient hérissés sur mon échine. J'avais un mauvais pressentiment. Nombreux chats se méfiaient d'Etoile Sauvage, la dirigeante sans pitié de ce clan. Elle était peut-être vieille, mais redoutable. Ce n'était pas une ennemie qu'il fallait sous-estimer. Je me demandais ce que manigançait le Clan de l'Ombre. Cela faisait trop longtemps que nous n'avions pas eu de nouvelles d'Etoile Sauvage. Elle semblait prête à passer à l'action, mais pour quoi ? Je me le demandais. Je craignais ce qui allait arriver mais je ne pouvais rien faire, c'était frustrant.
Eh oui cher lecteur, comment aurais-je pu deviner que quelques jours plus tard, Etoile Sauvage allait conquérir le Clan de la Rivière, mon clan ? Aucun chat rationnel ou sensé d'esprit n'aurait pu imaginer cela, même dans ses pires cauchemars. J'apprendrais plus tard que les projets d'Etoile Sauvage et du Clan de l'Ombre dépasseraient de loin mes craintes mais pour le moment, à quelques jours d'un évènement imminent dont je ne connaissais même pas l'existence, je ne savais rien, comme probablement tous les chats de la forêt à part ceux du Clan de l'Ombre.
Nerveux, je répondis néanmoins sincèrement cette fois,

" Je suis dans l'ignorance moi aussi, en tout cas, ça ne me dis rien qui vaille... "

« Le Clan de la Rivière se porte comme un charme, merci bien. »

Je sens, qu'il ment. Le Clan de la Rivière ne peut qu'aller mal, avec la révélation à l'Assemblée et la saison des feuilles mortes. Vu l'état du guerrier, il manquaient un peu de poisson. Mais je ne dis rien, je préfère ne pas enclencher d'histoires. D'ailleurs, cet Aile de Libellule, il pourrait être un espion. Mais je ne pense pas... Pas du tout. Il faudra que j'aille rendre une petite visite au Clan de la Rivière, dans les jours à venir. Pour vérifier, quoi... Mes moustaches frémissent, mes oreilles frétille, et je porte mon attention sur le guerrier adverse.

« Je suis dans l'ignorance moi aussi, en tout cas, ça ne me dis rien qui vaille... »

Je fronce moi-même les sourcils. Étoile Sauvage préparait sûrement quelque chose dans son coin, et ce quelque chose ne disait rien qui vaille. Surtout venant d'elle, et ce Clan. Tout le monde sait que Étoile Sauvage n'est pas gentille-gentille, et elle est bien démoniaque, c'est son genre. Je secoue légèrement la tête pour me tirer de mes pensées. Je pris alors la parole.

« Venant du Clan de l'Ombre, c'est sur que nous devons plutôt nous inquiéter. »

Je n'oublie pas mon but : en savoir plus sur le Clan de la Rivière. C'est tellement amusant de se faire passer pour une autre ! Mais mieux vaut y aller en douceur, doucement, petit bout par petit bout. C'est tout de même un jeu dangereux, auquel je dois prêter attention.
Je baille, longuement, à m'en décrocher la mâchoire, puis je referme la gueule. Il fait nuit, et le vent glacial souffle dans mon pelage noir, ténébreux. J'avais une petite envie de retourner dans les Landes, mais je préfère être ici, et récolter le plus d'informations possible, pour mon Clan. C'est mon rôle, après tout. Je prends la parole à nouveau.

« ... Surtout après les événements a l'assemblée. Ça a été un choc pour tout le monde... Sauf pour Étoile Sauvage. »



HRP: