Je me léchais les babines comme si je venais de savourer une proie succulente. J'étais pensif. En effet, j'avais beaucoup à penser. A commencer par l'organisation du camp en prévision de la mauvaise saison où tous les clans allaient souffrir de disette. Les lapins retourneraient dans leur tanière. Et même si nous avions les oiseaux et les rapaces, cela ne suffirait pas pour que nous mangions tous à notre faim. Et puis, l'hostilité entre les clans serait de nouveau présente. J'espérais que les tensions ne seraient pas trop importantes car après les guerres éclateraient. Et les guerres en saison des neiges faisaient plus de mal que de bien. Mais si nous avions besoin de nous battre, nous le ferions. Sous mon règne, le Clan du Vent était un clan craint et respecté. Je voulais faire en sorte que pas un intrus ose franchir nos frontières sous peine de recevoir une bonne leçon. Mais il fallait bien s'attendre aux difficultés. Nous autres chats sauvages, avons la vie dure. S'il n'y avait pas tout cela, nous mènerions une vie douillette de chat domestique !
Néanmoins, j'étais satisfait, le clan était fort. Il y a quelques jours, nous avions baptisé deux nouvelles apprenties : Nuage de Myrtille et Nuage d'Ange qui avaient pour mentor Fleur de Lune et Moustache de Mulot. Les apprenties seraient bien entraînées. Les résultats étaient déjà concluants.
Concernant les plus vieux, Nuage de Grêle et Nuage de Feuilles étaient apprentis depuis quatre lunes. Si tout se passait bien, ils seraient guerriers dans deux lunes. Je sentis un ronronnement monter dans ma gorge. Nuage de Grêle était mon neveu et mon apprenti. J'étais fier de lui. J'étais sûr que si Brise de Glace pouvait le voir depuis le Clan des Etoiles, elle serait fière elle aussi.

Soudain, je sentis mes pensées divaguer. Elles ne se dirigeaient non pas vers les deux félins blanc mais vers une belle chatte au pelage roux : Pelage Fauve. La guerrière et moi avions eu un froid dernièrement pour des raisons trop compliquées à expliquer. Dernièrement, nous nous étions réconciliés. Je me sentis rougir sous ma fourrure en pensant à la jeune guerrière. Si Rapace Nocturne avait été là, il m'aurait sérieusement réprimandé. Mais je m'en moquais car je n'avais plus aucun lien ni avec lui, ni avec la forêt sombre. Le Clan des Etoiles me guidait désormais. Après l'attaque du renard, Pelage Fauve avait été blessée à la patte. Je l'avais aidée à rentrer au camp où elle avait été examinée par Âme du Dragon. Heureusement, elle ne s'était rien cassé, elle s'était juste déboîtée l'épaule. Elle lui était toujours douloureuse et Pelage Fauve boitait encore, mais d'après la guérisseuse, dans quelques semaines, ce ne serait plus qu'un mauvais souvenir. En entendant cela, je n'avais pu que me sentir soulagé. Je savais que la guerrière s'inquiétait beaucoup au sujet de sa patte. D'ailleurs, je ne lui avais pas beaucoup parlé dernièrement. Je ne lui avais même pas avoué mes sentiments pour elle. Il faudrait que je le fasse. Mais je ne trouvais pas le bon moment, ni les bons mots. Et si ce n'était pas réciproque ? Et si elle me rejetait après cela ? Je ne devais pas penser à tout cela. Je devais prendre mon courage à deux pattes et y aller. C'est ce que je ferais. Sinon, je savais que je le regretterais toute ma vie.

Après une petite course dans la lande où j'avais pu attraper un lapin, j'étais maintenant arrivé aux champs, un territoire neutre. Ce même lieu où j'avais rencontré Etoile des Larmes par hasard et où elle m'avait annoncé qu'elle était devenue cheffe après la retraite de Etoile des Neiges et que Chauve-Souris était le nouveau lieutenant du Clan de la Rivière. Je regardais tout autour de moi d'un air peu intéressé. Si c'était un territoire neutre, je n'étais pas le moins du monde concerné par sa situation. Je bâillais d'un air ennuyé, me demandant ce que je faisais ici. Je m'apprêtais à partir lorsque je sentis un fort fumet de chat. D'une chatte domestique pour être précis. J'étais surpris. Elle était vraiment très aventureuse. Si elle s'était trouvée sur mon territoire, elle aurait été chassée. Or, ce n'était pas le cas. Donc, je n'avais pas à la chasser. Je suivis sans mal sa piste jusqu'à ce que je la voie. Puis, je surgis de derrière elle,

" Tu t'es perdue ? "

Amusé, je pensais que je n'aurais pas été étonné qu'elle s'enfuie immédiatement, rien qu'à ma vue. Premièrement, j'étais arrivé par derrière. Deuxièmement, j'avais la puissante odeur de chat des clans. Ensuite, avec mes allures de chats sauvages et l'orbite blanche qui me servait d'oeil gauche, je n'avais pas l'air du plus accueillant de tous les chats sauvages.

Tout était si malheureux. La redondance des évènements faisait penser à une boucle temporelle vicieuse qui obligera le monde à tourner toujours rond, sans que rien ne vienne perturber sa course. Jour et nuit s’enchainait de plus en plus rapidement, apportant avec eux la fatigue qui caractérisait les saisons difficile. Cyanure soupira. Chaque année, tout recommençait et tout devenait plus difficile à supporter pour Maman qui ne paraissait jamais s’arrêté de travailliez. Aujourd’hui, elle avait des cernes si noires que la petite blanche c’était demander si elle ne s’était pas déguiser en ce drôle d’animal qu’elle avait vu la dernière fois à la télévision avec Jack. Comment s’appelait-il déjà ? Un panda ! Voilà.

Maman qui paraissait si vieille, malgré son jeune âge. Maman qui était si fatiguer, malgré tout son courage. Maman qui ne l’avait pas vu ce matin, alors que la douce Cyanure lui avait lancé un petit miaulement d’encouragement pour cette dure journée. Elle l’avait simplement oublié, oublier de lui souhaiter une bonne journée à elle aussi, oublier de lui dire au revoir, alors que son fils lui, n’oubliait jamais. C’était anodin, futile, mais ce salue oublié avait vexé la domestique qui était parti boudé loin de sa petite maison bleu. Tout était relatif sans le terme « loin », Cyanure-Madeleine était juste parti s’assoir dans les champs à quelques minutes de la maison de Jack, lasse d’aller se promener dans les forêts qui entourait sa demeure et de se faire agresser à chaque fois qu’elle posait une patte sur une pauvre feuille morte.

Le peu de fois où la chatte blanche c’était rendu sur le territoire des chats sauvages, qui étaient la source des histoires les plus farfelu des chats des villes, elle s’était faite agresser par des mâles peu aimable. Tonnerre ou Ombre, cela rêvait au même. Aussi aimable que des blaireaux mal léché. A présent, elle avait peur de ne plus pouvoir aller se promener en bord de foret sans avoir affaire à l’un d’eux. Partager entre l’envie de rester tranquillement dans son nid douillet et aller se promener dans les bois pour sentir la tendre odeur de la sève caresser ses narines, la jeune chatte était en proie à de longues réflexes telles que « Comment faire pour profiter des dernières saveurs de l’automne sans tomber sur eux ? »

Peu de solution semblait pointé le bout de leur nez et les territoires sur lequel la chatte pouvait encore se balader sans attiré l’attention diminuait jour après jour. Le champ, ressèment ensemencer proposait un lieu calme, mais dénué de végétaux, laissant tous les êtres vivants à la vue de tous. Malgré elle, son instinct de chat la poussait à ne pas rester trop long en cet endroit, aussi calme et agréable était-il, elle était certaine de tomber sur un autre chat sauvage qui lui ferai encore la moral. Par ailleurs, elle était tellement occupé à penser, à se plaindre de ne plus mouvoir autant qu’elle aurait pu le faire, elle ne s’aperçue pas qu’un chat était subitement apparue à côté d’elle. Comme par magie

- Tu t'es perdue ?

Tout son corps se crispa, réprimant de justesse un sursaut, elle ne put cependant camoufler la stupeur sur son visage lorsqu’elle l’aperçue. Il n’eut aucun doute que le grand matou devait être amusé en regardant la pitoyable réaction de la chatte domestique qui se croyait toujours seule. Tout en elle traduisait la faiblesse des chats de salon, elle n’était jamais sur ses gardes, elle ne l’avait pas sentie approché malgré l’odeur de la terre et des fleurs sauvage qui l’entourait et elle restait encore là a admiré son œil blanc au lieu de se mettre en position de combat. Au lieu de cela, elle se força à sourire, penaude.

- Non, non. – affirma-t-elle. – Je me promène juste.

Cyanure se força à regarder l’œil valide du chat. Combien de combat avait-il dû faire dans sa vie pour avoir une tel dégaine. A le voir ainsi, la blanche se confortait dans l’idée qu’elle était bien là où elle était. Toujours au chaud, toujours soignée, toujours propre. C’était là l’avantage des chats domestique, quand bien même l’odeur de la nature les attirait irrémédiablement vers l’extérieur. Cependant, la présence du chat sauvage, quelques soit son nom ou son clan, ne pouvait signifier qu’une chose. Elle avait encore violer les frontières d’un territoire.

- Veillez m’excusé – soupira-elle – Je suppose que je suis sur votre territoire et que je dois partir.

Elle aurait bien rajouté un « encore », mais elle ne se sentait pas en position de rajouter quoi que ce soit, lasse de se faire encore prendre sur une terre qui lui était interdite. Et puis, elle avait déjà assez de soucis avec les chats de clan.

Je vis tout le corps de la chatte domestique se crisper. Elle était visiblement surprise. Son visage trahissait ses émotions. Et maintenant, elle se mit à fixer mon oeil invalide, comme hypnotisée. Dans les clans, il n'était pas rare de se retrouver avec des apparences peu commodes. Cicatrices principalement. J'étais grand et imposant. J'avais un oeil blanc et des cicatrices près du museau et sur le flanc. En comparaison, la chatte domestique était bien chétive. Je savais que je pouvais la battre facilement. Vu son état propre, on voyait qu'elle était chouchoutée par les bipèdes et menait une vie bien douillette, sans doute ne s'était-elle jamais battue de sa vie. En comparaison, j'avais des allures de chat sauvage. En mon for intérieur, je ne pus m'empêcher de me sentir dégoûté en voyant la vie que menaient les chats domestiques. Manger de la pâtée répugnante et sortir que quand on nous y autorise. Ce n'était pas une vie et je me demandais bien comment des chats pouvaient bien accepter de vivre ainsi. C'était presque à croire que les chats domestiques et les chats sauvages n'appartenaient pas à la même espèce. Elle ne se mit même pas sur ses gardes et continuait à fixer mon oeil. Mes soupçons se confirmèrent : elle ne s'était jamais battue de sa vie. Sinon, elle aurait senti ma présence et elle se serait immédiatement mise en position de défense. Elle ne me connaissait pas et j'aurais très bien pu lui faire du mal. Mais quel intérêt aurais-je à la battre ? Elle ne faisait partie d'aucun clan. Elle aurait pu représenter un danger pour le gibier si elle était sur mon territoire mais ce n'était pas le cas. Ici, il n'y avait aucun territoire à défendre. Néanmoins, je ne pus que me sentir amusé devant tant de naïveté.

" Non, non. N'as-tu pas senti qu'il n'y avait pas de marquage ? "

J'étais un brin surpris. Cette chatte était-elle au courant que des clans de chats sauvages vivaient dans la forêt ? Dans ce cas, elle avait dû entendre les rumeurs des autres chats domestiques comme quoi nous mangions des os et elle ne se serait pas aventurée si loin. D'ailleurs, c'était rare de voir des chats domestiques près du Clan du Vent. La ville étant près du territoire des bipèdes, c'était plutôt par là qu'ils se situaient. Des solitaires vivaient dans les granges vers le nord de notre territoire mais il n'y avait pas d'autres étrangers. Que faisait-elle donc ici alors qu'elle semblait si faible et si fragile ? Comme tout chat sauvage, je n'éprouvais que du mépris pour les chats domestiques et leur mode de vie. Ils feraient mieux de rester dans la ville des bipèdes ! D'ailleurs, le code du guerrier disait qu'un guerrier devait rejeter la vie douillette d'un chat domestique. Donc ce dégoût était commun à tous les clans. La chatte en question empestait l'odeur du bipède et des croquettes. Même si nous n'étions pas sur mon terrain, elle s'en était drôlement bien approchée. Et elle ne devait en aucun cas y pénétrer sous peine de subir une bonne correction. Au sein du clan, je mettais un point en avant sur la défense des frontières. Un clan sachant se protéger, un clan où les étrangers ne peuvent pas passer, un clan où on n'ose pas franchir les frontières, c'est un clan fort. C'était ce que mes mentors m'avaient enseigné et c'était véridique. Je pris un air sévère pour l'intimider et lui faire comprendre qu'en temps normal elle ne s'en serait jamais tirée à si bon compte,

" Si tu avais pénétré sur mon territoire, tu aurais été chassée. Estime-toi heureuse car le Clan de l'Ombre lui aurait été beaucoup moins clément et ses guerriers n'auraient pas hésité à te faire subir des blessures qui t'aurais fait passer l'envie de revenir. "

Au sein des clans, chaque jour était un combat. Mais les chats domestiques, tant ils étaient habitués à leur confort, ne pouvaient pas le comprendre. Ils semblaient contents de leur vie auprès des bipèdes à recevoir à manger quand bon leur semblait. Pourquoi venir embêter les autres ? Ils ne pouvaient pas connaître le manque de nourriture, ce qui montrait bien leur égoïsme. Mais ces chats ne seraient jamais libres, ne sauraient jamais ce qu'être un guerrier signifiait et ne sauraient jamais ce qu'ils manquaient. Et pourtant, ce qu'ils vivaient, ce n'était pas une vie. Heureusement que j'étais né dans un clan car je ne me voyais pas vivre ailleurs. Les chats domestiques et les chats errants ne valaient pas grand chose selon moi. Ils n'avaient aucun honneur et ne connaissaient pas le code du guerrier. Les battre ne nous donnait aucun mérite, aucune fierté, au contraire des guerres avec les autres clans qui eux, savaient se battre et respectaient tous le code du guerrier, même le clan le plus farouche et avec la plus mauvaise réputation de la forêt : le Clan de l'Ombre. Je devinais très bien que la chatte domestique à côté de moi n'avait pas dû comprendre grand chose à mes paroles. C'était normal puisqu'elle n'était pas née dans un clan. Elle n'avait probablement jamais entendu parler du code du guerrier, ni du Clan des Etoiles. Où allaient les chats domestiques quand ils mourraient ? Sûrement pas au Clan des Etoiles en tout cas, ce dernier n'acceptait que des guerriers à ma connaissance. La colère se reflétait dans mes prunelles,

" Vous autres, chats domestiques, représentez un danger quand vous chassez sur nos terres. Vous avez tout ce qu'il vous faut chez vos bipèdes et vous ferez mieux d'y rester car pour nous, c'est une question de vie ou de mort. "