Je traînais du côté de la place centrale du Camp de la Rivière, pensif. Autour de moi,  j'entendais des murmures s'échanger. C'était une belle matinée de saison des neiges et un soleil timide se levait à l'horizon. Pourtant, je savais que cette journée ne serait pas si paisible.
Cela faisait quelques temps que le Clan de l'Ombre avait pris contrôle du Clan de la Rivière. En tant qu'espion, beaucoup de travail m'attendait et je recevais régulièrement des ordres de la part de mes supérieurs. Espionner tel secteur, savoir ce que faisait tel chat, quelle était son opinion...
Former une nouvelle alliance n'était pas de tout repos. Il y avait toujours des chats qui la contestaient, bien qu'ils soient assez intelligents pour ne pas le crier à voix haute. On entendait parfois des choses bizarres le soir, dans le Camp de la Rivière, des choses plus ou moins alarmantes. J'avais décidé d'enquêter sur cette affaire. J'avais découvert que les rebelles essayaient de se rassembler pour créer un mouvement à l'intérieur même de l'alliance. J'avais attendu d'en savoir plus le rapporter à Etoile Sauvage et Griffe d'Acier. J'avais reçu de nouveaux ordres et on m'avait fait enquêter d'avantage sur cette affaire, ce que je fis.
Espionnant les conversations et faits dans l'ombre, troquant certaines informations, utilisant le chantage, j'avais réussi à découvrir quelques chats appartenant à ce mouvement. Un bon début. Ces chats étaient reliés à une tête. Et à la tête de ce fameux mouvement de rebelles, se trouvait un guerrier blanc du Clan de la Rivière, se nommant Pelage de Givre.

Décidant que j'en savais assez, j'avais donc fait mon rapport à mes supérieurs. Ce mouvement devait vite être dissipé, battu avant qu'il ne commence à prendre de l'ampleur. Nous devions soumettre ces guerriers infidèles et leur inspirer la peur car le Clan de l'Ombre, ce n'était pas n'importe qui. Connaissant notre meneuse, je savais qu'Etoile Sauvage agirait et ne serait pas clémente avec les traîtres. Le nom de la tête du groupe fut très utile. En effet, quelques jours plus tard, deux guerriers du Clan de l'Ombre avaient saisi Pelage de Givre de sa tanière et l'avaient amené à côté de la souche des anciens où il était désormais prisonnier et était gardé en permanence. Cette situation durait depuis plusieurs jours déjà, et on sentait que les guerriers du Clan de la Rivière commençaient à s'inquiéter, se demandant pourquoi Etoile Sauvage faisait durer la situation, et surtout, qu'est-ce qui allait arriver à Pelage de Givre.
Cela faisait plusieurs jours que cette situation durait et personne ne savait ce qui allait se passer, même parmi les guerriers du Clan de l'Ombre. Enfin... Moi si...

En vérité, j'avais été convoqué dans la tanière d'Etoile Sauvage. Notre conversation avait eu lieu dans le grand secret si bien, qu'à part Griffe d'Acier, personne d'autre ne savait ce qui était prévu. Etoile Sauvage allait faire une exécution publique où Pelage de Givre serait tué. Elle m'avait annoncé qu'elle s'attendrait à ce que ce soit moi qui tue Pelage de Givre tandis que Griffe d'Acier l'immobiliserait pour envoyer un signal fort au Clan de la Rivière. Je m'étais incliné et j'avais exprimé mon accord, suivant comme toujours les ordres de ma cheffe. Aux yeux de certains chats, cela pourrait paraître difficile de dissimuler un tel secret et un tel fardeau aux yeux des autres. De dormir dans la tanière de ses camarades, de discuter avec eux en faisant comme si rien ne s'était passé quelques jours plus tôt. Et pourtant, je m'en sortais à merveille. J'étais très doué pour dissimuler mes projets ainsi que mes émotions et j'en étais satisfait. Personne ne se doutait de rien et une catastrophe allait bientôt avoir lieu, je le savais. Du moins, une catastrophe pour le Clan de la Rivière... Comme d'habitude, Etoile des Larmes s'était contentée d'approuver Etoile Sauvage sans réfléchir. La chatte blanche ne servait plus à rien, elle avait perdu le contrôle de son clan et ne le reprendrait probablement jamais, elle était faible. Et, dans la forêt, les faibles ne pouvaient pas espérer survivre. Telle était la loi de notre impitoyable nature.

Du coin de l'oeil, je vis la silhouette singulière d'Etoile Sauvage sortir de la tanière et bondir vers le promontoire pour lancer l'appel. D'un pas tranquille, comme si de rien n'était, je m'étais mis aux premières loges sachant qu'il me faudrait intervenir. J'écoutais les paroles de ma cheffe puis, je m'étais avancé. Pelage de Givre avait été traîné jusqu'au pied du promontoire et avait été jeté sans ménagement. Le chat était en piteux état. Son pelage était terne et on lui voyait les côtes. Il avait été très mal nourri durant son emprisonnement.
Griffe d'Acier, avait immobilisé le chat blanc. J'attendis un instant, puis retentit l'ordre de le tuer. Mon regard froid et indifférent croisa le regard suppliant du chat blanc. Un silence mort régnait dans la clairière si bien qu'on aurait pu entendre les battements d'ailes d'un papillon.
Habile, sans un bruit, je m'étais élancé vers Pelage de Givre. Mes longues griffes recourbées luisaient d'un étrange éclat à la lueur du soleil de la mauvaise saison. Mes griffes redoutables se plongèrent dans le cou du guerrier, puis, je fis descendre mon coup jusqu'au bas du ventre. Je l'avais éventré. Le matou poussa un hurlement d'agonie à glacer le sang. Il convulsa une fois, deux fois. Puis, son regard où brillait naguère la flamme de la vie s'éteignit. Le traître était mort.

D'un geste nonchalant, j'avais posé ma patte tachée de sang au sol. Je ne semblais en rien affecté. Autour de moi, il y eut d'abord un silence. Puis, on entendit des hurlements de triomphes. Des chats du Clan de la Rivière, ayant probablement trop peur de rester silencieux, se joignirent à ce cri. Certains, sidérés, semblaient trop choqués pour réagir. D'autres, laissèrent échapper un cri de terreur. Dorénavant, tout le monde respectait le Clan de l'Ombre. Le plan d'Etoile Sauvage avait marché, ils ne se soulèveraient plus et nous ferions régner la peur au sein de ce clan.
Je sentis des regards se poser sur moi, certains de mes propres camarades me dévisageaient. Je n'y prêtai guère attention. J'étais espion, j'avais suivi les ordres, c'était comme ça.
J'avais tué.

Premier exemple

Ce matin là, comme tous les matins, je pars à la pêche. La routine, quoi. L'arrivée du Clan de l'Ombre ne change pas grand chose, pourtant. Il faut juste leur fournir du poisson et notre tranquillité est assurée.
Récemment, j'ai surpris un guerrier du Clan, Pelage de Givre, tenter de comploter pour trouver un moyen de faire partir l'ennemi. J'ai fait semblant de désapprouver son idée mais, en réalité, je me suis joint à lui et à son petit groupe. Car même si le Clan de l'Ombre ne nous embête pas trop, j'ai un très mauvais pressentiment. J'essaye pourtant de l'oublier, ce fichu pressentiment. J'essaye de voir la vie en rose. Pourtant, mon ventre se noue par la peur à mesure que les jours passent.
Ah, mais ou en étais-je ? Oui, je racontais que ce matin là, je partais à la pêche. Je viens tout juste de revenir au camp. Il est aux environs de midi, et je grignote distraitement un poisson en tentant d'écouter des brides de conversations.

Soudain, je vois une silhouette que je déteste se hisser sur le promontoire. Elle à beau se considérer comme notre chef, celle là, beaucoup de guerriers du Clan de la Rivière ne l'approuve pas. Mais tous se taisent. En ces temps, c'est la seule solution. Ça m'irrite d'ailleurs beaucoup. Se taire, se taire, et encore se taire ! Mais bon, si c'est la ssolution pour nous éviter des ennuis et continuer notre routine, j'accepte.
Que va t-elle encore nous raconter comme bobards ? Qu'elle est fière de cette nouvelle "alliance" ?
Lorsqu'elle commence à parler, les chats se réunissent autour d'elle. La plupart sont mélangé, mais on peut apercevoir deux groupes, chacun composé des guerriers de chaque Clan. Je rejoins le groupe des Riverains, bien évidemment.

- Chats du clan de la rivière et de l’ombre ! Aujourd’hui est un grand jour pour notre nouvelle alliance. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont contre ma présence ici, mais je vous assure que c’est dans l’intérêt de nos deux clans. Mais pour les quelques revêches d’entre vous, j’ai décidé de faire un exemple. Qu’on amène ce renégat. 

Dans l'intérêt de nos deux Clans, tu parle ! Dans l'intérêt de celui de l'Ombre, surtout. Nous, on s'en fout, on est bon qu'à servir du poisson. Mais je me tais et regarde la scène.

Un guerrier au pelage immaculé et d'une maigreur étonnante est traîné au pied du promontoire. Malgré son pelage sale, je le reconnais aussitôt.

- Tue le ! hurle soudain la chef des Ombreux.

Pelage de Givre est maintenu par Griffe d'Acier, tandis qu'un autre matou -dont le pelage me dit quelque chose, d'ailleurs. Malgré sa grande taille, c'est un apprenti, mais je ne me souviens plus de son nom exact- s'avance et lève la patte sur lui. Je ferme les yeux. Cette scène appartient à Pelage de Givre. Je ne veux pas violer son intimité.
Quand je rouvre les yeux, le pelage du chat est taché de sang. Je ferme à nouveau les yeux et murmure doucement:
Tu as trahis les Ombreux et tu es resté fidèle à ton Clan. Puisse que ton courage et ta détermination soit félicité par le Clan des Étoiles. Il t'accueillera. Nous prouverons que tu n'es pas mort en vain.
A vrai dire, je ne suis pas sûre de cette dernière phrase.
Heureusement, je ne connaissais pas assez Pelage de Givre pour avoir le coeur brisé. Si j'aurai été l'un de ses proches, je ne sais pas comment j'aurai réagit, mais je suis certaine que ma rréaction n'aurait pas du tout été approuvée par les Ombreux.

N'empêche, je suis écoeurée. Alors comme ça, ils se croient tout permis ?
Je marmonne, d'une voix assez forte pour être entendue par les Riverains rassemblés autour de moi, mais assez faible pour que les Ombreux, qui se situent de l'autre côté du promontoire, n'entendent pas mes paroles:

- Je ne savais pas qu'ils étaient si nuls que ça. Pour vaincre un chat qui, à en juger son état, n'a pas mangé depuis bien longtemps, ils doivent se mettre à plusieurs pour l'abattre ? Quels minables.

Ma queue bat au rythme de mes paroles. Je me lève, comme pour intervenir, mais en me rendant compte que c'est à moi qu'on peut s'en prendre, je me rassoie. Malgré mon regard fixé sur le lointain, j'ai l'impression de sentir les regards brûlants des Ombreux transpercer ma fourrure. C'est trop tard. Ils m'ont vu me lever.
Nous sommes dans une ère de changements. Comme beaucoup de Riverains, je suis intelligente, mais... j'utilise mal cette intelligence. Moi, je ne l'utilise qu'au combat. Il est temps pour moi de découvrir un autre type d'intelligence. Un type que je n'utilise jamais d'habitude.

Je me lève de nouveau et regarde fixement Étoile Sauvage, en tentant d'adopter un regard mêlé d'agressivité et de soumission. Puis je dis calmement:

- C'était un bon choix. Un guerrier comme celui-là aurait entravé notre nouvelle alliance. Seul les forts méritent de rester een vie.

Avec mon regard bizzare, j'essaye de faire comprendre à la chef ennemie que je respecte ses décisions et j'essaye de me donner un petit style agressif, mais un peu idiote, du genre qui obéirai aveuglement à quelqu'un que je respecte. Un peu comme Griffe d'Acier, d'après ce que racontent certains.
En fait, j'essaye de gagner sa confiance. Qui sais, elle pourrait se dire: "Tiens, en voilà une facile à berner, elle pourrait me donner des renseignements", ou un truc comme ça.

Je me rassoie d'un air toujours aussi calme et j'envoie un regard discret à mes camarades pour leur faire comprendre que je ne crois pas un mot de ce que j'ai dit.
Mon ventre se noue. Mon plan va t-il marcher ?

Nuage des Tropiques se leva en sursaut. La jeune chatte au pelage de nuit avait chaud, très chaud, comme lorsqu'on fait un cauchemar. En fait, elle pensait qu'elle en avait fait un. Elle ne s'en souvenait plus, et d'un autre côté, ne tenait pas à s'en souvenir. Car elle savait très bien la cause de son problème, il ne fallait pas vraiment chercher bien loin. Le clan de l'Ombre et ses membres sanguinaires. Si elle ne pouvait plus avoir de nuit calme, de doux rêves, c'était bien à cause d'eux. L'apprentie n'arrivait plus bien à dormir. La peur dominait. Elle regarda autour d'elle, toujours avec cette même peur collée au pelage. Les ténèbres engloutissaient tout et les émotions qu'elle ressentait lui empêchait de voir convenablement. Sa litière était toute froissée et semblait gémir sous elle. Elle avait du bien gesticuler dans la nuit. Elle laissa les secondes passer. Assise dans sa petite litière, très vieille, elle n'osait presque plus bouger. Elle attendit que le calme revint en elle, que les battements de son cœur, pauvre petit cœur, revienne à la normale. Mais si cela passait, la pauvre apprentie tremblait toujours de tous ses membres.

Elle n'osait toujours pas sortir. La vision d'un membre du clan de l'Ombre lui faisait assez peur pour ça. Depuis une grosse lune, tout avait changé. Absolument tout. Étoiles des Larmes avait ''invité'' ces chats à venir ici, à ce moment, Nuage des Tropiques pensait - ou plutôt espérait – que tout ceci ne serait que temporaire. Mais le clan de la Rivière n'était pas assez fort pour résister, et chaque jour, le sol du clan de la Rivière s'empreignait de plus en plus de l'odeur des chats du clan de l'Ombre. Ils étaient toujours là, se servant dans la pauvre réserve de gibier, enfonçant le destin du clan au plus profond sous terre. Et les conséquences étaient très rudes. En tant qu'apprentie-guérisseuse, Nuage des Tropiques avait pu voir que tout le clan de la Rivière souffrait de la faim. Même les anciens et reines, nourris en premier, laissait voir leurs côtes sous un pelage meurtri. Même elle, avait l'impression que son ventre était plus léger qu'une plume. Les repas étaient rares, trop souvent chapardés. Elle en avait mal au ventre et avait près l'impression de ne plus pouvoir continuer à marcher. La santé de tout le clan était en jeu, pas vraiment prise au sérieux par les occupants.

Et le moral. Le moral était vraiment à zéro chez elle, chez tout le monde. On commençait à comprendre que le clan de l'Ombre ne s'en irait pas, et cela rendait vraiment malheureuse la petite novice. Chaque soir, elle priait le clan des Étoiles d'envoyer un message à Menthe Poivrée mais jusqu'à maintenant, rien n'avait changé. Le clan de l'Ombre menait une véritable tyrannie sur le clan de la Rivière. Plus rien ne serait comme avant. La novice repensait avec nostalgie et regrettait les temps passés. Un simple sourire. Cela faisait combien de temps qu'aucun n'était apparu sur son visage ? Mais, il y avait peut-être une chose qui donnait de l'espoir à l'apprentie-guérisseuse. Ou qui avait donné. Pendant quelques journées, il y avait eu une chance de se sortir dans cette impasse. Mais toute cette chance s'était envolée. Un chat du clan, du nom de Pelage de Givre était le chat le plus courageux qu'elle connaisse. Avec des chats qui étaient de son accord, il s'était dit que la domination Ombreuse ne pouvait plus continuer. Tout le monde était de cet accord, oui, mais le dire vraiment ? Et ils avaient formé un petit groupe.

Ils avaient cherché mille façons d'en finir. Mais malheureusement, les chats du clan de l'Ombre, n'étaient pas seulement méchants. Ils étaient également efficaces. Ils avaient été découverts, par les espions, selon les rumeurs qui couraient à ce sujet dans le clan. Deux guerriers du clan de l'Ombre l'avait emprisonné. Nuage des Tropiques s'était à moitié effondrée en entendant la nouvelle. Quelle chance y avait-il maintenant ? Pourquoi le clan des Étoiles leur infligeait cela ? Il n'y avait plus aucune chance de survie, et sa peur envers le clan de l'Ombre avait énormément grandi. Nuage des Tropiques ne sortait quasiment plus de la tanière. La tanière était le seul endroit où elle se trouvait en sécurité. Elle se rendait bien compte qu'il manquait beaucoup d'herbe médicinales, mais le simple fait de se retrouver seule sur le territoire la terrorisait. Et si elle rencontrait un guerrier du clan de l'Ombre ? De mauvaise humeur ? Elle tremblait rien que d'y penser. Et le pauvre Pelage de Givre. Qu'allait-il lui arriver ? Pourquoi le clan de l'Ombre était-il autant méchant ? Alors elle restait dans la tanière, triant les dernières plantes qui s'effritaient lorsqu'on les touchait. Elle ne servait à rien. Elle en avait conscience.

Elle ne bougeait plus beaucoup. Quelques faibles allés-retours dans le camp. Loin était l'époque où elle pouvait jouer avec Nuage des Lucioles dans le territoire. Les remèdes pourrissaient, s'usaient, s'utilisaient. Elle avait même du soigner un chat du clan de l'Ombre une fois. Quelle lourde tache. Ils se plaignaient sans arrêt, et leur regard glacial lui arrêtait le cœur. La pauvre petite se sentait vraiment mal. Elle décida de se lever de sa litière, avança vers la sortie et regarda le camp. Il n'y avait pas beaucoup de chats présents. Il y avait un grand vide. C'était le matin, son cauchemar l'avait réveillée assez tôt. On n'entendait même pas les oiseaux siffloter. On n'entendait plus rien de joyeux de toute façon. Le soleil, encore très bas vers les collines, illuminait un peu le camp. Il y avait un petit brouillard. Elle sortit de la tanière, heureuse de pouvoir faire quelques pas dehors. Sans le clan de l'Ombre, elle se ressentait libre. Quelques minutes plus tard, elle pris la – sage – décision de revenir à l'abri avant de croiser un chat du clan de l'Ombre. Elle passa la mine sombre devant là où était emprisonné Pelage de Givre. Le camp était donc condamné à vivre dans la peur ?

Lorsqu'elle revint à son point de départ, elle s'installa dans un coin, tête contre le mur, et essaya de prier ses ancêtres. Comme d'habitude, elle suivit cela par essayer de trier la mousse et les remèdes, mais cela ne servait presque à rien. Elle resta dans son coin, seule, avec les mêmes pensées sombres que la journée d'avant. Chaque journée était même, pleine de frayeur. Nuage des Tropiques ne pouvait plus espérer de secours, tout était perdu, et cela se voyait tellement facilement. Le temps semblait tellement long. Deviendrait-elle guérisseuse un jour ? Des bruits de pas la tirèrent de ses pensées. Les chats semblent se diriger vers un unique lieu. Ce n'était pas très dur de deviner où. La Grande Cheffe avait sûrement du convoquer une assemblée de camp. Étoiles des Larmes ne paraissait plus. Elle était comme morte, disparue. Le souvenir de la chatte blanche, majestueuse, présente sur le promontoire, admirée de tous l'attrista. Comme elle savait qu'il était inutile de rater une assemblée si la Grande Cheffe l'avait demandé, elle sortit de la tanière, sa queue entre ses pattes, le regard ambré tourné vers le sol poussiéreux.

Quand elle arriva, il lui sembla arriver dans les derniers. Mais Étoile Sauvage n'avait pas encore donné la parole. Le ventre vide de la novice se noua lorsqu'elle vit un sourire chez la Grande Cheffe. Cela ne pouvait rien annoncer de bon ? Elle ne pouvait pas annoncer son départ ? Ça serait tellement bien ! Elle regarda autour d'elle. Le clan de l'Ombre était tellement fort … Elle écouta avec lassitude les paroles de la chatte au pelage sombre. Les paroles lui faisaient tellement mal qu'elle ne comprit pas tout de suite tous les mots :

« Chats du clan de la rivière et de l’ombre ! Aujourd’hui est un grand jour pour notre nouvelle alliance. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont contre ma présence ici, mais je vous assure que c’est dans l’intérêt de nos deux clans. Mais pour les quelques revêches d’entre vous j’ai décidé de faire un exemple. Qu’on amène ce renégat. »

Nuage des Tropiques crut que le temps allait s'arrêter. Elle ne fit pas attention au paroles à moitié ironiques de la Grande Cheffe. Toute son attention était focalisée sur la dernière phrase. Cela faisait plusieurs jours qu'aucun membre du clan avait pu voir Pelage de Givre. Même sa propre famille. Elle ne pouvait même pas imaginer son état. Pire que tous les membres du clan. Aussitôt, deux chats – du clan de l'Ombre – arrivèrent, en encadrant Pelage de Givre. La novice hoqueta. Sa fourrure était complètement crasseuse, son teint blême, et il était terriblement maigre. Rien de pire ne pouvait lui arriver. Il semblait perdu, sans aucune force. En cet état, il ne pourrait même pas vaincre un chaton. Elle le regarda. Qu'allait lui faire Étoile Sauvage ? Elle aurait préféré rester dans sa tanière pour ne pas voir cet horrible moment. Mais ses yeux étaient braqués sur Pelage de Givre et elle n'arrivait pas à tourner le regard. La peur continuait à tourner autour d'elle. C'était même bien plus fort que la peur. On avait beau dire le clan de la Rivière, ce n'était plus vraiment un clan. Il n'y avait que l'Ombre, l'Ombre qui dominait, l'Ombre qui faisait la loi.

«  Chers guerriers, et chers rebelles. Pelage de Givre, le guerrier ici présent, a été pris en flagrant délit de complot envers moi, votre nouvelle cheffe. Il sera donc le premier exemple de ce nouveau clan ! Que le spectacle commence. »

Les angoisses de Nuage des Tropiques augmentèrent. Les Ombreux s'écartèrent et laissèrent Griffe d'Acier, le cruel lieutenant de l'Ombre, s'approcher. Il maintint Pelage de Givre au sol sous les yeux effarés de Nuage des Tropiques ? Il allait le blesser, peut-être même lui casser un membre. Mais jusqu'où tout cela irait ? Et puis là, un nouveau chat s'approcha. Presque aussi grand qu'un guerrier, d'après la mémoire de Nuage des Tropiques, c'était encore un apprenti. L'air résolu, il s'approcha de Pelage de Givre. Chaque guerrier du clan de l'Ombre allait ''se venger'' sur le pauvre guerrier ? Pourquoi mettre un apprenti en premier ? Nuage des Tropiques ne comprenait rien et était clouée sur place. Le destin en avait vraiment voulu ainsi ? Un des plus forts guerriers du clan de la Rivière était aussi faible qu'un chaton, si cela continuait comme ça, comment le clan de la Rivière s'en sortirait ? Et elle ? Comment pourrait-elle tout surmonter ?

« Tue le ! »

L'ordre fut parfaitement entendu, tout simplement parce qu'un grand silence s'était installé. Elle gémit. Cet apprenti n'allait pas vraiment le faire, hein ? C'était contre le code du guerrier ça ? Le clan de l'Ombre l'avait renié ? Il restait peut-être un peu de bon sens parmi eux ? Mais l'apprenti s'approcha de Pelage de Givre et ...Nuage des Tropiques ne vit rien du tout de la scène suivante, incapable de pouvoir ça, elle avait fermé les yeux. Mais elle entendit tout de même le cri que poussa Pelage de Givre, et avant qu'elle ait pu rouvrir les yeux, elle avait deviné que ça avait été sa dernière parole. Lorsque ses yeux ambrés se rouvrirent sur une scène horrible. Pelage de Givre gisait au sol, l'apprenti devant lui. Mais surtout, il y avait du liquide rougeâtre partout. Une odeur métallique s'empara de la truffe de la novice et si Nuage des Tropiques aurait eu un truc dans le ventre, elle aurait sûrement vomi. Pelage de Givre était mort. Pelage de Givre était mort. Elle n'arrivait pas à le croire. Pas ce brillant guerrier ! Non ! Il allait se relever, il allait tout changer. Mais il ne se relèverait plus jamais. Jamais.

Ses yeux s'embuèrent automatiquement. Elle n'aurait jamais pu croire que le clan allait en arriver là. Qui serait le prochain ? Qui serait le prochain à mourir ? Elle avança de quelques pas restant assez loin tout de même des deux guerriers du clan de l'Ombre. Les yeux du guerrier demeuraient sans vie. Elle espérait que le clan des Étoiles accueilleraient comme il se doit Pelage de Givre, il chassera avec eux maintenant. Elle n'arrivait plus à penser à quelque chose. Seul la tristesse régnait en elle. Pelage de Givre était donc mort. Mais seulement, aurait-il droit à une veillée ? Est-ce que le clan de l'Ombre les laisserait rendre un dernier hommage ? Elle aurait bien voulu demander, mais sa petit voix ne serait jamais sortie de sa bouche. La petite chatte ferma les yeux, les rouvrit. La scène était toujours présente, et s’imbibait dans son esprit. Heureusement, elle n'avait pas vu la partie la plus effrayante de la scène, elle avait eu la lâcheté de fermer les yeux. Elle essaya de respirer calmement, mais cette scène resterait à jamais gravé dans son cœur.

Autour d'elle, les chats du clan de l'Ombre acclamèrent l'apprenti et/ou Étoile Sauvage. C'était vraiment un clan de sauvages, le code du guerrier n'était vraiment rien pour eux ? Ni le clan des Étoiles ? Y avait-il encore des chances de s'en sortir ? Soudain, une voix sortit de l'assistance :

- C'était un bon choix. Un guerrier comme celui-là aurait entravé notre nouvelle alliance. Seul les forts méritent de rester en vie.

Nuage des Tropiques regarda étonnée la guerrière qui avait parlé. C'était Feuille de Menthe. Bien plus jeune que pelage de Givre, elle n'en était pas moins aussi déterminée. Au début, Nuage des Tropiques ne comprit pas vraiment ce que faisait la guerrière. Finalement, elle capta un regard qu'elle leur lança. Nuage des Tropiques hésitait entre trouver cet acte courageux ou stupide. Si elle se mettait en avant, elle risquait de lourdes choses, comme la mort. Pelage de Givre l'avait prouvé. Feuille de Menthe pourrait bien se trouver à la place de Pelage de Givre, dans quelques jours. D'après les ''légendes'' qu'elle entendait, Étoile Sauvage avait la réputation de ne pas se faire berner facilement. Ce que faisait Feuille de Menthe était risqué, très risqué. Quand à elle, elle espérait que les deux chats du clan de l'Ombre s'éloignent pour qu'elle puisse au moins faire une mini-veillée. Elle n'avait plus d'herbes, mais au moins, à elle, il lui restait un cœur.

Certains chats dormaient encore, d’autres discutaient ou rentraient de la chasse. Mais d’autres n’avaient strictement rien à faire là. Menthe Poivrée serra les dents lorsque deux chats du clan de l’Ombre passèrent non loin d’elle, non loin de l’entrée de sa tanière. Devoir faire un travail de précision comme ranger des feuilles lorsqu’on a les griffes crispées de colère, ce n’est pas évident. Elle était trop tendue, elle ne manipulait pas les feuilles comme il fallait, certaines se cassaient, et ça l’énervait encore plus.
Nuage des Tropiques aurait pu l’aider, mais elle n’était pas en état. Tard dans la nuit, elle remuait dans tous les sens dans sa litière, poussant de petits gémissements, secouée de cauchemars. Depuis plusieurs nuits c’était comme ça. C’était dans ces instants là que la guérisseuse se disait chanceuse de ne pas avoir besoin de beaucoup dormir. Elle ferait certainement beaucoup de cauchemars aussi en pareilles périodes. Lorsque la petite s’agitait trop et que la peur envahissait l’antre, Menthe Poivrée s’approchait d’elle pour l’apaiser d’une caresse sur l’oreille, comme une mère calmant son chaton. Puis elle retournait à sa tâche. Ranger les remèdes, encore et encore, au clair de lune.

La matinée était assez avancée maintenant, et Nuage des Tropiques semblait encore traumatisée par ses cauchemars. Elle était sortie pour prendre l’air en dehors de l’antre, mais à en juger par le visage qu’elle avait en revenant, ce n’était pas très efficace. Et la source de ses mauvais rêves était tellement évidente que Menthe Poivrée aurait dire à son apprentie d’éviter de sortir, pour son bien.
Chats du clan de la rivière et de l’ombre !

La voix de sa mère –sa mère !- la fit sursauter. Lorsque la guérisseuse se dirigea en face du promontoire, comme tout le monde, elle fut presque choquée de voir Etoile Sauvage debout sur le Grand Rocher, là où aurait du se trouver sa sœur. D’ailleurs Etoile des Larmes, où était-elle ? Cette question, chaque félin de la Rivière devait être en train de se la poser.
Aujourd’hui est un grand jour pour notre nouvelle alliance. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont contre ma présence ici, mais je vous assure que c’est dans l’intérêt de nos deux clans. Mais pour les quelques revêches d’entre vous j’ai décidé de faire un exemple. Qu’on amène ce renégat.

Les yeux de Menthe Poivrée se réduisirent à deux fentes lorsque Pelage de Givre fit son apparition, épaulé par deux des plus grands guerriers du clan de la Rivière. Il était si maigre, son poil était si terne, emmêlé, et ses yeux reflétaient sa faiblesse. Du fond de la place centrale, Menthe Poivrée se dressa sur ses pattes, comme si son instinct de guérisseuse surgissait. Depuis plus d’un jour, le pauvre malheureux avait été enfermé et privé de nourriture pour tentative de rébellion. On l’avait mis dans un coin, à l’écart de tous, amis, famille, compagnons de tanière et même guérisseuses. Oui, Menthe Poivrée avait essayé plus d’une fois de venir l’aider, mais les guerriers qui montaient la garde la rembarraient à chaque fois, la menaçant si elle était trop insistante. Menacer une guérisseuse…
Chers guerriers, et chers rebelles. Pelage de Givre, le guerrier ici présent, a été pris en flagrant délit de complot envers moi, votre nouvelle cheffe. Il sera donc le premier exemple de ce nouveau clan ! Que le spectacle commence.

Menthe Poivrée écarquilla les yeux. Qu’allait-elle lui faire ? Le torturer devant tout le monde ? À moins que…
Etoile Sauvage semblait ravie, à en juger par le sourire carnassier sur ses babines. Griffe d’Acier surgit d’on ne sait où et plaqua le pauvre guerrier affaibli au sol. Même si la guérisseuse ne connaissait absolument rien en combat, ses muscles se contractèrent par réflexe. Elle aurait volontiers bondi pour s’interposer entre les deux chats pour protéger son camarade, mais si elle le faisait, c’était elle qu’on tuerait. Une question malsaine s’imposa à elle : est-ce que Etoile Sauvage donnerait l’ordre d’exécuter sa propre fille, guérisseuse qui plus est ? La femelle tigrée cessa de respirer. Evidemment que oui.

Un silence abominable régnait dans la combe. Les chats de la Rivière étaient pétrifiés, et ceux de l’Ombre jubilaient de leur puissance. Un autre antagoniste fit son apparition. Il était jeune, ce n’était qu’un apprenti, mais sa stature était déjà impressionnante. Si la guérisseuse se rappelait bien, il s’appelait Nuage du Caméléon. L’ordre d’Etoile Sauvage retentit comme une explosion :
-Tue-le !

Menthe Poivrée était trop choquée pour réagir, ou même prononcer un son. Sa bouche était entrouverte, comme arrêtée au milieu d’un cri. Elle ne regardait pas le pauvre Pelage de Givre mais l’apprenti qui devait l’achever. Elle espérait qu’au fond d’elle, il reprendrait ses esprits et déclinerait l’ordre. Mais bien sûr, s’il faisait ça, ce serait peut-être lui le prochain. Menthe Poivrée avait les griffes profondément enfoncées dans le sol, comme hypnotisée parce cet horrible spectacle. Comme s’il s’agissait d’un cauchemar, et qu’elle n’avait pas d’autre choix que de regarder.
Griffe d’Acier tenait toujours fermement le condamné qui ne pouvait plus bouger et qui criait, implorant la pitié. Lorsque le jeune porta le coup fatal, un cri affreux retentit, et la guérisseuse baissa les yeux, elle tremblait de tout son corps. Elle les rouvrit quand le silence fut revenu. Bien qu’il ne dura pas longtemps.
Des cris d’approbation s’élevèrent chez les Ombreux, de désespoir chez les Rivièreux. D’autres, nombreux, comme Menthe Poivrée ne disaient rien, trop sous le choc pour dire quoi que ce soit. La guérisseuse regarda autour d’elle. Du haut du promontoire, Etoile Sauvage semblait ravie de ce spectacle. Quelque part sur le côté, des proches et de la famille de Pelage de Givre pleuraient et criaient. Même si elle n’avait jamais été proche de lui, la guérisseuse était profondément attristée par cette mise à mort. C’était un guerrier fort, loyal et respecté par tous. Elle avait souvent soigné ses blessures. Et là, cette marre de sang au sol lui disait qu’elle l’avait laissé mourir.

Pourtant elle n’y était pour rien, elle le savait bien, et se le répéter n’avait apparemment pas d’effet. Menthe Poivrée se tourna vers la pouponnière et ce qu’elle réalisa lui mit une boule au ventre. Il y avait des chatons dans cette pouponnière. Des chatons qui auraient pu voir ce qu’il s’était passé. Elle devra s’assurer qu’aucun n’ait rien vu quand l’Assemblée de l’Horreur sera terminée.
- C'était un bon choix. Un guerrier comme celui-là aurait entravé notre nouvelle alliance. Seul les forts méritent de rester en vie.

Toujours debout, les pattes tremblantes, Menthe Poivrée faillit perdre l’équilibre quand elle entendit Feuille de Menthe prononcer ces mots. La guérisseuse n’en croyait pas ses oreilles, et lui lança un regard noir avant d’intercepter celui que la guerrière envoyait à ses compagnons de clan. Elle ne pensait pas ce qu’elle disait. Après tout c’était évident, la femelle était connue pour être rebelle de nature, et dire ça ne lui ressemblait en rien.
Malheureusement, le clan de l’Ombre le savait ça. Et si les félins de la Rivière avaient pu voir ce regard, les autres auraient pu le voir aussi. Et puis Etoile Sauvage ne se laisserait pas avoir si facilement, ce serait mal la connaître. La guérisseuse priait pour que la guerrière ne soit pas la prochaine sur la liste macabre de sa mère.

Avant qu’aucun félin ennemi ne puisse répondre à sa camarade de clan, la guérisseuse déclara, de sa voix la plus forte. Elle s’empêcha de trembler de trop et dit :
-Etoile Sauvage, Pelage de Givre était peut-être un traitre, mais il était un guerrier qui mérite qu’on le veille comme n’importe quel autre.

La guérisseuse fit abstraction des regards qui se tournaient vers elle et commença à se diriger vers le promontoire, en priant pour que ses pattes qui tremblent ne se remarquent pas trop. Ses propres paroles lui arrachaient la gueule mais elle n’avait pas le choix. Si elle disait réellement le fond de sa pensée, on la mettrait à mort immédiatement.
Lorsqu’elle fut assez proche et qu’elle remarqua qu’aucun chat de l’Ombre ne l’en empêchait, elle se mit à la limite de l’immense marre de sang et regarda la dépouille de Pelage de Givre. « Je suis désolée… » prononça t’elle intérieurement.
-Etoile Sauvage, je t’en prie, laisse son clan lui faire ses adieux. Il fut un grand guerrier autrefois… Il a le droit de rejoindre ses ancêtres.

Elle se tut et regarda sa Grande Cheffe dans les yeux. Si elle ne l’avait pas fait, peu d’autres auraient osé le faire. Les yeux jaunâtres de la guérisseuse étaient secs de larmes à présent, et elle devait contrôler son corps pour l’empêcher de convulser. Elle était forte, elle se devait d’être forte. Elle se dressa de toute sa hauteur. Elle ne devait pas flancher. Pas devant sa mère, et encore moins devant la meneuse de l’Ombre. Ses yeux ne flanchaient pas non plus, étaient vides d’émotion, à part l’incitation à l’empathie –du moins, c’est ce qu’elle espérait.

Griffe d'Acier prenait un réel plaisir à faire obéir les gueules de poissons qui s'inclinaient aveuglement la peur au ventre devant lui. Avec le nouveau rôle qu'il s'était auto-attribué, il convoitait de plus en plus le poste de Chef. Bientôt, il serait le chef respecté par l'intégralité des Clans de la forêt, il serait le seul, l'unique, le meilleur des meneurs qui n'aient jamais existé dans toute l'histoire de la naissance des Clans. Mais pour cela, il devait déjà s'entraîner à être encore plus fort qu'il ne l'était déjà. Il ne voulait pas être simplement un bon combattant ni le meilleur des combattants, il avait pour ambition de devenir imbattable. -bien que ce soit physiquement impossible-

Après s'être fait servi tout l'après-midi par quelques guerrières du Clan de la Rivière, le Lieutenant s'était autorisé une petite sieste sur une pierre assez longue pour qu'il puisse y déposa son amas de muscle. Le soir, le Lieutenant avait mené un petit groupe de guerrier, composé uniquement de guerrier du Clan de l'Ombre afin de marquer avec insistance leurs nouvelles frontières et communiquée aux autres Clans leur omniprésence. Une fois la patrouille rentrée sans encombre, Etoile Sauvage avait demandé à le voir. Elle lui céder sans doute sa place de meneuse. Ce ne fut pas le cas. Il y avait un rebelle parmi les guerriers de la Rivière, un chat téméraire qui avait osé défier leurs autorités et qui par-dessus le marché avait tenté d'élaborer un plan contre eux. Griffe d'Acier sera les dents. Les traîtres étaient souvent nombreux dans une tyrannie et c'est pour cette unique raison qu'il avait été choisit être l'un des chats qui devait tué Pelage de Givre. En réalité, c'était à Nuage de Caméléon de porter le coup de grâce, lui il devait seulement l'immobiliser et laisser le jeune apprenti faire le reste. Le Lieutenant bien qu'il aurait préférait le faire lui-même n'était cependant pas jaloux. Si un apprenti était capable de tué un guerrier, alors la peur l'effroi déjà omniprésent chez les membre du clan de la rivière ne ferait qu'augmenter.

C'est ce matin même qu'Etoile Sauvage bondit sur le promontoire pour faire son annonce, Griffe d'Acier bondit à ses côtés et toisa d'un regard noir l'assemblée pour soutenir sa Chef.

« Chats du clan de la rivière et de l’ombre ! Aujourd’hui est un grand jour pour notre nouvelle alliance. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont contre ma présence ici, mais je vous assure que c’est dans l’intérêt de nos deux clans. Mais pour les quelques revêches d’entre vous j’ai décidé de faire un exemple. Qu’on amène ce renégat. »

Une fois ses paroles terminées, deux guerriers amenèrent le traître en question. Encadré par deux puissants élément du Clan de l'Ombre, le matou ne risquait pas de tomber tant qu'il était soutenu par les deux puissants félin. Pelage de Givre n'avait pas était nourrit pendant plusieurs jours, et depuis, il n'avait que la peau sur les os. Bousculer de toute part, il s'étala dans la poussière ensuite s'efforçant à s'incliner.


« Chers guerriers, et chers rebelles. Pelage de Givre, le guerrier ici présent, a été pris en flagrant délit de complot envers moi, votre nouvelle cheffe. Il sera donc le premier exemple de ce nouveau clan ! Que le spectacle commence. »

A ce mot, Griffe d'Acier descendit du promontoire et fila comme le vent, étalant le parjure au sol. D'un geste brusque, le Lieutenant posa sa lourde patte et la laissa s'exploser contre le poitrail de Pelage de Givre, bientôt, Nuage de Caméléon arriva après l'ordre d'Etoile Sauvage en douceur comme le voulait son rôle d'espion. Toute l'assemblée semblait retenir son souffle.

Le matou n'avait pas assez de force pour se débattre, il avait pourtant tenté en vain. L'apprenti plongea ses griffes dans le cou du guerrier et redescendit son coup en bas du ventre du guerrier qui se faisait de plus en plus raide sous les pattes du Lieutenant. Le matou gris poussa un hurlement d'agonie à glacer le sang d'un faible, ou d'une femelle. Il convulsa plusieurs fois puis, son regard brillant s'éteignit. Le félon était belle et bien mort. Griffe d'Acier afficha un sourire mesquin et poussa le corps sans vie du bout de la patte par plaisir.

Après un long silence, vient les acclamations qui s'étaient fait attendre. Les premiers cris spontanés était venus des ombreux, puis le Clan de la Rivière joint leur voix à la leur, cependant les cris de joie semblaient forcés. Certains guerriers avaient fourrés leurs truffes dans la fourrure de leurs camarades pour se lamenter et déverser quelques larmes. Griffe d'Acier se fit une joie de se fondre dans l'amas de guerrier poissonneux pour les bousculer de ses épaules carrés les empêchant de se réconforter l'un, l'autre.

-Etoile Sauvage, Pelage de Givre était peut-être un traitre, mais il était un guerrier qui mérite qu’on le veille comme n’importe quel autre.

Le Lieutenant leva les yeux au ciel, c'était bien trop beau pour que les acclamations durent et se finissent par un silence total où toute les émotions négatives baguenauder tranquillement dans la clairière. Menthe Poivrée, la guérisseuse, c'était avançait vers le promontoire, Griffe d'Acier ne l'empêchait pas, qu'elle dise ce qu'elle avait dire qu'un autre apprenti puisse l'exécuter ensuite. Bientôt, si d'autres guerriers du Clan de la Rivière venait à tenir tête au puissant Clan de l'Ombre, les apprentis recevront tous lors de leur dernier baptême une épreuve qui consisterait à ôter la vie à un des renégats.

-Etoile Sauvage, je t’en prie, laisse son clan lui faire ses adieux. Il fut un grand guerrier autrefois… Il a le droit de rejoindre ses ancêtres. continua t-elle.

Griffe d'Acier grommela. La fifille à sa maman espérait qu'elle éprouve de l'empathie à son égard ? Si Etoile Sauvage acceptait, alors elle serait une traîtresse elle aussi. N'oubliant pas qu'elle avait osé trahir son Clan pour faire copain-copain avec son voisin d'à côté. -Il était d'ailleurs très mal placé pour songer ainsi- Elle ne devait pas accepter. Le Lieutenant contrôla tout ses muscles pour ne pas répondre à la place de sa Chef.

NOOOON !

Le cri d'Aile se perdit dans la marée de chats hurlant leur contentement.

Lorsque la meneuse avait amené le félin du Clan de la Rivière, il semblait impossible à Aile qu'il se fasse exécuter. Le guerrier était sale, affamé et faible et il n'avait aucune chance contre l'apprenti bien entrainé. Nuage du Caméléon allait simplement le blesser, l'humilier devant les siens, mais pas le tuer, non. Aile voulut rejoindre le centre de l'action, mais les félins formaient comme une barrière autour d'elle, leurs corps la repoussant sans cesse. Et voilà qu'il était mort, sans aucun sens sans que personne ne s'en émeuve.

Vous n'êtes que des montres ! glapit-elle désespérément.

Elle se montrait déloyale envers son Clan elle le savait. Mais la loyauté n'était pas de suivre aveuglément son chef surtout lorsque celle ci était voulait simplement satisfaire sa soif de sang. Une rage sourde que la peur ne parvenait pas à calmer s'était emparée d'elle. Qu'elle soit bannie, tuée, sa conscience ne pouvait pas lui dire de ne pas réagir devant une telle ignominie. Elle ne pouvait pas renier tout ce en quoi elle croyait. Elle tenta à nouveau de se frayer un passage, rampant presque entre les pattes des félins.
Pelage de Givre n'était pas un traitre, il avait fait ce qu'il lui semblait juste.
Parvenant au centre, elle jeta un regard horrifié sur le cadavre de Pelage de Givre. Elle se sentait impuissante. Ils ne l’endentait même pas. Elle prit une grande inspiration et voulut avoir l'air sûre d'elle.

Ou voyez vous du bien dans cela ? Un chat est exécuté devant une foule complétement léthargique !

Elle risquait d'être la prochaine et à cette idée son courage faillit.

C'était une nouvelle journée qui se levait au loin, dans les collines nombreuses du clan du Vent. Mais ici, on se trouve encore sur les terres du clan de la Rivière, ou plutôt sur les terres du clans de la Rivière annexées au terres du clan de l'Ombre. Oui, dit comme ça, c'était parfait. Cela se passait sur le nouveau territoire du clan de l'Ombre, une terre fraîchement conquise au parfum de la victoire. Mais il n'y avait pas que ça, le clan de l'Ombre avait également obtenu le droit de vie et de mort sur ses sujets, que dis-je, ses esclaves. Un vent impérieux soufflait sur les conquêtes passées. Un territoire agrandi ne pouvait que leur faire du bien. Cela leur donnerait beaucoup plus de proies, car, chaque Saison des Neiges, le gibier était en manque. Grâce à cette nouvelle possession, le clan de l'Ombre serait le clan qui souffrirait le moins de la faim. Le clan de l'Ombre pourra passer cette Mauvaise Saison sans se fatiguer. Même le clan des Étoiles n'aurait pas pu leur offrir ça. Une vie meilleure pour le clan de l'Ombre, le clan le plus fort de la forêt même. Ou qui le deviendra.

Cette Mauvaise Saison était bien embêtante car elle faisait fuir les proies. Mais avec un nouveau territoire, ce n'était plus trop le problème. Le vrai problème, maintenant, était les conditions météorologiques. Car, hélas, un nouveau territoire n'empêchait pas de neiger ou n'empêchait pas les bourrasques de glacer de la tête aux pattes. Oui, tout cela était bien beau, mais le plus grand adversaire que le clan de l'Ombre devait combattre après la faim était cette température faible, ce soleil absent, le manteau blanc souvent présent au réveil le matin, mais tout ça portait un triste nom : le froid. En ce matin de la Saison des Feuilles Nouvelles, il faisait frisquet, comme à son habitude. Pourquoi espérer un jour ensoleillée lorsqu'on savait pertinemment que la journée prochaine serait toujours aussi froide, glaciale même. Lorsqu'on se levait, on distinguait du gel partout, décorant les tanières. L'eau dans les litières se transformait presque en glaçon les nuits. Un des avantages à avoir ''conquis'' le clan de la Rivière, c'était que toutes les fourrures présentes permettaient de se réchauffer la nuit. Et donc de ne pas attraper plus de maladies de celles qui circulent déjà, voyageant au gré des vents.

Ce matin, le soleil se levait doucement, comme fatigué par un long voyage. Les nuages allaient et venaient, partant d'un peu partout, sous le vent en action. Les branchages s'envolaient parfois, et dans le camps, le bruit du vent passant sur les branches des arbres semblaient être des cris d'effroi. Quelques chats étaient déjà sortis, profitant du calme et de la solitude du matin, regardant l'astre brillant se lever au loin.Quelques cris de moineaux résonnaient, tellement que le silence était mot d'ordre. Les rayons du soleil commençaient à entrer dans la tanière des guerriers. La tanière la plus remplie de tout le clan, sûrement. On y était vraiment serré là-dedans. Il faudrait qu'elle demande qu'on l'agrandisse parce que là, c'était impossible d'y dormir. Bon, elle savait que c'était en partie à cause du clan de l'Ombre qu'elle était trop petite puisque ça faisait du monde en plus. Mais quand même. C'était vraiment petit, tout comme la litière. Il y en avait peut-être pas assez pour tout le monde, mais pour le clan de l'Ombre, il devait en avoir assez. Ces chats-là n'avaient jamais vu le mot «séjour confortable» ? A croire que c'était passé à la trappe. Nuée de Cendres n'aimait pas beaucoup dormir là-bas.

Dormir à côté des Riverains n'étaient pas très rassurant, mais pour l'instant, les Ombreux leur faisaient assez peur pour qu'ils s'inclinent la tête dans la poussière devant eux. Mais un jour, on ne savait jamais, ils pourraient en avoir marre – après tout, ça, c'était assez facile à comprendre – et pourraient se venger la nuit. Pour l'instant, l'occupation se faisait accepter mais pas avec joie. De toute façon, il fallait devoir y vivre avec, qu'on le veuille ou non. Les Ombreux resteraient là très longtemps, même peut-être indéfiniment si les deux autres clans ne s'y intéressaient pas. Enfin, il y avait quelques jours, quelque chose, ou plutôt quelqu'un avait mis du piment dans cette affaire. Il fallait vraiment être aveugle pour comprendre que chaque chat du clan de la Rivière détestait de tout son cœur les chats du clan de l'Ombre. Leurs regards en disaient bien plus long que des paroles. Le clan de la Rivière n'aimait pas cette occupation, encore ça, ça se comprenait. Le clan de l'Ombre ne faisait pas le moindre geste pour se faire aimer. Ils se servaient beaucoup dans la réserve de gibier, et cela, sans beaucoup chasser en compensation. La belle vie, quoi.

Alors, il y avait eu cette histoire. Un certain Pluie de Grive, non … Pluie de Givre ? Ah, Pelage de Givre. Pelage de Givre, oui. Donc ce guerrier, du clan de la Rivière évidemment, avait formé une petite rébellion. Oh, rébellion, c’était trop gros pour ce misérable acte. Un petit groupe irait mieux. Donc Pelage de Givre qui, comme tout le monde, n'aimait pas le clan de l'Ombre, avait persuadé quelques autres guerriers de comploter contre les occupants. Bon, si Nuée de Cendres était encore là aujourd'hui, c'est qu'il y avait eu un petit problème, ou plutôt un gros. Ne vous inquiétez pas, lorsque je dis gros problème, ce n'était évidemment pas pour l'espionne. Elle était bien assez forte pour se débrouiller seule. Oui, donc Pelage de Givre n'avait pas été assez discret. Elle avait eu l'honneur de pouvoir essayer d'apprendre quelques informations. Elle savait également que Nuage du Caméléon avait été dans le coup, et de surplus, bien plus impliqué qu'elle, ce qui l’inquiétait un peu. Il semblait parler souvent avec Étoile Sauvage, et d'après lui, c'était elle qui lui avait dit le ''secret'' sur ses parents. Donc cela ne l'étonnait pas trop que Nuage du Caméléon la suive comme un toutou.

Revenons à Pelage de Givre et pas aux problèmes personnels de Nuée de Cendres. Donc ce pauvre chat n'avait pas pu échappé à l’œil des espions du clan de l'Ombre. En quelques jours, Étoile Sauvage avait eu assez d'information pour ''arrêter'' le pauvre guerrier. La force des Ombreux avait été contre le courage de Pelage de Givre, et, sans surprise, c'était les guerriers de Étoile Sauvage qui avaient gagné. Pelage de Givre, en tant que chef de la petite bande, avait été mis à part pour recevoir une dure punition. Mais personne ne savait quand. Ce qui était sur, c'était que Étoile Sauvage le punirait. C'était tellement clair. Connaissant sa cheffe, Nuée de Cendres devinait que Pelage de Givre allait recevoir un traitement … disons pas très agréable. La cheffe du clan de l'Ombre se montrait rarement indulgente, et était la seule cheffe qui méritait de régner sur la forêt. Les autres n'étaient que des faibles, qui tremblaient à la vue d'un combat. Pff. Il fallait appliquer une punition exemplaire à Pelage de Givre pour arrêter de donner de l'espoir aux chats du clan de la Rivière. Ce serait bien mieux pour tout le monde.

Aujourd'hui était donc un nouveau jour pour les maîtres, pour les Ombreux. Une belle journée en perspective à rêver des douceurs de la vie. Une journée fraîche de la Mauvaise Saison, mais une bonne journée quand même. Nuée de Cendres se leva donc ce matin-là, avec une petite migraine à la tête. L'odeur de poisson toujours présente lui montait quelque peu à la tête. Elle remua la truffe avec dégoût et sortit doucement e la tanière, n'essayant pas d'éviter les chats du clan de la Rivière encore endormi. Lorsqu'elle sortit dehors, elle fut soulagée par l'odeur de poisson absente grâce au vent. Les rayons faibles du soleil lui piquèrent un peu les yeux. Puis, elle s'habitua à la lumière présente. Elle regarda au loin, le soleil, et vit qu'elle s'était levée un peu plus tard que d'habitude. Vivre ici la rendait un peu plus paresseuse. Enfin, ce n'était pas vraiment un problème. L'espionne décida de faire un petit tour pour se rafraîchir les idées. Uhm … Près de la Rivière, ce serait parfait. Le bruit de la Rivière la réveillait complètement. Elle commença à sortir du camp lorsqu'elle entendit l'appel d’Étoile Sauvage pour une assemblée des ''deux camps''.

Elle ne put s'empêcher de soupirer. Elle avait besoin un peu de solitude là. Mais tant pis, de toute façon, l'assemblée ne durerait pas très longtemps, et ça serait surtout pour annoncer encore une fois que cette alliance était la meilleure chose qui pouvait arriver pour le clan de la Rivière. De la routine quoi. Elle revint vers la place du camp, entraînée par cette marée de chat arrivant pour écouter Étoile Sauvage, qui, fallait bien l'avouer, avait tout de même beaucoup d'autorité. Et Nuée de Cendres la respectait beaucoup. C'était sa cheffe, et elle lui serait loyale jusqu'au bout malgré que celle-ci avait révélé à Nuage du Caméléon ce qui les séparerait ensuite. La cheffe lança d'une voix forte, entendue de toute part du camp :

« Chats du clan de la rivière et de l’ombre ! Aujourd’hui est un grand jour pour notre nouvelle alliance. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont contre ma présence ici, mais je vous assure que c’est dans l’intérêt de nos deux clans. Mais pour les quelques revêches d’entre vous j’ai décidé de faire un exemple. Qu’on amène ce renégat. »

Si le début était comme le pensait Nuée de Cendres, la suite fut … surprenant ? Elle s'en fichait un peu. Elle savait donc maintenant que Pelage de Givre allait être puni pour ce qu'il avait fait. Son complot allait donc se retourner contre lui. Pelage de Givre avait donc été emmené quelque part, gardé constamment par deux chats du clan de l'Ombre, et n'avait pas reçu de proie depuis au moins trois jours. Il n'avait vu également personne. C'était comme un prisonnier. D'après ce que Nuée de Cendres entendait, Pelage de Givre serait le seul qu'on blâmerait. Ce qu'elle ferait serait assez intimidant ? Escorté par deux guerriers, à la silhouette plutôt trapue, Pelage de Givre arriva. Ou plutôt fut tiré de force. Son pelage blanc était devenue gris par négligence et son teint était tout blafard. Depuis quand n'avait-il pas vu la lumière du jour ? Et mangé ? Étoile Sauvage ne l'avait pas raté. Et ce n'était que le début de la punition. Il allait regretter d'avoir voulu se mettre contre le clan de l'Ombre. Il fallait bien un début à tout, et voici le début. À son approche, un couloir se forma entre les chats présents.

« Chers guerriers, et chers rebelles. Pelage de Givre, le guerrier ici présent, a été pris en flagrant délit de complot envers moi, votre nouvelle cheffe. Il sera donc le premier exemple de ce nouveau clan ! Que le spectacle commence. »

On déposa le pauvre guerrier au centre, qui n'avait même plus la force de rester debout. Griffe d'Acier, son lieutenant, s'approcha de lui et le maintint au sol. Qu'est-ce qu'avait prévu ensuite la cheffe du clan de l'Ombre ? Pelage de Givre demandait grâce. Il n'était plus le fort guerrier d'autrefois. Il était devenu tout vulnérable. D'une simple pichenette, un écureuil pourrait le battre. Elle voyait le visage horrifié des chats du clan de la Rivière et elle sourit : ça leur fera passer le goût de se rebeller pendant un petit instant. Comme tout le monde, elle regarda la scène comme un véritable spectacle. Il ne manquait plus que la souris qui ferait office d'apéro. Grâce à sa silhouette fine, elle pouvait avancer sans trop embêter les Ombreux - embêter les Riveux, là elle s'en fichait – et se mettait aux premières loges. Elle voyait bien le visage plein d'effroi de Pelage de Givre, et pas une seconde, la pitié lui effleura l'esprit. Elle s'en fichait complètement.

« Tue le ! »

Le tuer ? Whaou, c'était un peu vache ça. Mais c'était ce qu'il méritait après tout, comme ça, il ne pourrait même plus se venger. Pendant quelques secondes, elle crut que l'ordre était adressé à Griffe d'Acier – ce qui pouvait être logique – mais elle vit que sa cheffe regardait quelqu'un d'autre de ses yeux perçants. Lorsqu'elle dirigea son regard comme Étoile Sauvage, elle faillit s'étrangler. Étoile Sauvage regardait son apprenti. Elle ne s'attendait pas que Nuage du Caméléon tue Pelage de Givre hein ? Elle savait qu'en quelques lunes, il était devenue froid, très froid, impassible, beaucoup plus manipulateur, mais de là à tuer. D'ailleurs, il n'avait jamais tué personne à ce que Nuée de Cendres se rappelait : il n'y avait quasiment aucune broutille de frontière. Cela n'allait pas commencer aujourd'hui ? ''Il y a un début à tout.'' Elle s'attendait à ce que Nuage du Caméléon demande pourquoi lui ou un truc comme ça, mais il n'en fit rien. L'incompréhension totale montait en l'espionne. Qu'est-ce qu'elle avait laissé passer ? Plus les jours passaient, et plus tout cela était compliqué. Ses yeux bleus semblaient sur le point d'exploser. Nuage du Caméléon s'approcha de Pelage Givre sans aucune hésitation.

Nuée de Cendres, bien complètement attristée – pas par le sort de Pelage de Givre, hein – regarda lassement son apprenti avancer. Lorsqu'il fut à portée du chat, en quelques secondes, il le tua. Nuée de Cendres avait regardé ce spectacle, beaucoup moins amusée qu'il y a quelques minutes. La mort du guerrier ne l'importait guère, pour ne pas dire qu'elle s'en fichait complètement. Le sang se répandit sur le sol et sur les pattes de Nuage du Caméléon. Son regard n'arrivait pas à quitter son apprenti. Ni lui, ni Griffe d'Acier avait l'air surpris. Apparemment, elle n'avait pas été convié à cette charmante réunion. De toute façon, elle se serait interposée. Pour l'avenir du clan de l'Ombre, peut-être qu'un apprenti ferait plus peur au Riveux. Mais elle, elle n'arrivait pas à digérer ça. Comme si les entraînements n'étaient pas assez dur comme ça. Son apprenti. Tout ça à cause de ce foutu secret. Tout avait changé. Si il n'y avait pas eu ce secret qui avait rendu Nuage du Caméléon collé à sa cheffe, ce n'aurait peut-être pas lui qui aurait été choisi. Elle n'arrivait pas à croire ce qu'il était devenu. Pourquoi c'était à elle qu'on lui refilait tous ces problèmes ?

Les exclamations de contentement jaillirent chez les Ombreux. Nuée de Cendres les aurait volontiers accompagné, mais là, elle se sentait terriblement fatiguée. Elle naviguait dans la totale incompréhension. Une voix se fit entendre. Une certaine Feuille de Menthe, guerrière de la Rivière. Elle aurait voulu rire de ces paroles. Maintenant, on faisait ami-ami avec Étoile Sauvage ? Mais oui, c'est ça. Cette guerrière finirait peut-être comme Pelage de Givre. Mais Nuée de Cendre ne préférait pas, si c'était pour revoir son apprenti en action. Non merci. Étoile Sauvage réglerait facilement son problème avec la jeune guerrière totalement stupide de croire qu'elle pourrait berner le clan de l'Ombre. Nuée de Cendres n'arrivait même plus à ressentir une émotion à part du vide en elle. Complémentent choquée. Elle se rendait également compte qu'elle n'aurait même pas pu changer ça si elle avait su. Le jour du baptême de Nuage du Caméléon, elle avait été tellement contente, tellement. En tant qu'espionne, ça allait être son seul apprenti. Son seul apprenti, et elle n'arrivait pas à avoir un peu d'autorité. Pourtant, elle essayait de se persuader que ce n'était pas une corvée. Pourtant, entraînement après entraînement, ça devenait bien plus dur.

Feuille de Menthe n'était pas la seule à parler au dessus de tout le monde. Une autre personne s'adressa à Étoile Sauvage. Menthe Poivrée, la guérisseuse du clan de la Rivière. Qu'est-ce que le clan de la Rivière avait du mal à comprendre dans ''occupation Ombreuse, on se tait si on veut rester en vie'' ? Alors, cette demoiselle là voulait le veiller ? Et l'enterrer avec ça ? Avec les tous petits morceaux qu'ils restaient ? Encore un problème que devrait régler Étoile Sauvage. Nuée de Cendres, elle, était toujours bloquée à la même case. Elle entendit un hurlement pas très loin d'elle. Nuageuse Aile. Nuée de Cendres aimait bien cette petite, malgré que celle-ci soit un peu contre le sang. C'était peut-être pour a qu'elle l'aimait bien, pour sa douceur. En tout cas, si l'apprentie continuait comme ça, son espérance de vie allait vite se réduire. Elle arrêta quelques secondes de penser à lui, avec tous les regrets entremêlés et s'avança vers Nuageuse Aile. Elle lui miaula doucement :

« Calme -toi, sinon tu aggravas les choses. Il faut comprendre que Pelage de Givre avait comploté contre nous, et que, à cette heure-là, ça serait peut-être toi ou des membres du clan de l'Ombre qui serait mort. C'était lui ou nous, comprends-le. »

Cette version était un peu simplifiée des choses, et que Étoile Sauvage avait une soif de sang qui semblait presque contagieuse dans tout le camp. Elle, elle aussi pet-être qu'elle était assoiffée de sang. Mais pour elle ce n'était pas le problème principal de faire un débat là-dessus. Nuage du Caméléon était devenu le pion d’Étoile Sauvage. Elle n'arrivait pas à supporter qu'ils se voient pour préparer des événements comme ça, surtout sans lui demander son avis.

Premier exemple

Les chats de la Rivière ont l'air choqués par mes paroles, en particulier Menthe Poivrée, qui me lance un regard noir. Mais bientôt, dans ses yeux brillant d'intelligence, je vois de la compréhension. Mon coup d'oeil est passé. Mais je vois aussi de... du... comment dire ? J'ai l'impression qu'elle ne comprends pas pourquoi j'ai dis ça. Menthe Poivrée est, selon mes souvenirs, une chatte calme et patiente, et intelligente. Elle comprend vite. Je lui expliquerai après.
Seulement, ça sera difficile à expliquer. J'aurai l'air idiote, si je disais, par exemple: "Je me suis levée pour protester, mais je me suis rendue compte que c'était à moi qu'on pouvait s'en prendre. Donc j'ai sortis la première excuse qui me passait par la tête."
Car je sais que cette excuse ne marchera pas. Enfin... pour quelques uns, peut être. Les Ombreux, c'est tout dans les muscles, rien dans la cervelle. Il n'empêche que je suis contente qu'apparemment, ma remarque n'est pas été trop entendue. Du moins, personne n'a fait attention à moi. Pour une fois, je dis tant mieux.

Étoile Sauvage est pitoyable. Elle crois quoi ? Nous faire peur ? C'est un peu raté. Ils ont dû se mettre à deux pour tuer un pauvre chat incapable de survivre à l'attaque d'un écureuil. Excusez moi, mais ça, si c'est censé nous faire peur, c'est tout le contraire. Du moins pour moi. J'espère que les autres pensent la même chose que moi, qu'ils entretiennent cette haine en secret, en jouant aux petits chats soumis alors qu'ils n'ont qu'une envie, leur enfoncer la tête dans la rivière jusqu'à ce qu'ils se noient.
Au moins, Pelage de Givre n'a pas trop souffert. Les Ombreux n'ont pas daignés le torturer, commemoi j'aurai fait avec un Ombreux. Nous n'avons pas les mêmes idées, alors.

Ma haine contre la chef ennemie - car non, cette chatte vulgaire et complètement stupide n'est pas MA chef. Celle que je juge être ma chef n'est, certes, pas dans son état normal, mais elle a de la logique, elle, au moins - ne cesse de grandir. Alors comme ça, Madame organise un petit spectacle juste parce que Madame a des envies assassines ? Oh mais bien sur, il faut satisfaire les envies de Madame. Pauvres Ombreux ! Je n'aimerai pas être à leur place. Sans leur chef, ils ne sont rien, mis à part des pauvres chatons déboussolés. Ils obéissent aveuglément, ils sont incapables de réfléchir par eux mêmes. Oh que oui, ma vision des Ombreux n'est pas charmante. Stupides, pouilleux, sales, dégoûtant, ne pensent qu'à eux. Voilà ce que je dirai si on me demandais de les décrire.

Avant, je les admirai - et oui ! -, je trouvais que je leur ressemblais un peu. Mais il a suffit de leur arrivée pour changer mon point de vue. Comme quoi il suffit d'être proche pour découvrir leurs faiblesses. Par exemple, ils sont trèèès paresseux. Font-ils comme ça, chez eux ? Attendent-ils que la nourriture leur tombe du ciel ? Dans ce cas, je comprends pourquoi ils meurent de faim, en hiver. Parce qu'ils restent au fond de leur tanière en songeant qu'un autre fera le sale boulot ? Qu'ils seront toujours servis comme des rois ?

En fait, le seul point fort du Clan de l'Ombre, c'est leur chef. Elle les dirigent à la baguette, et ces idiots lui obéissent aveuglément. Je suis sûre que, si elle leur demandais de sauter du haut d'une falaise, ils obéiraient. Mais Étoile Sauvage a aussi des faiblesses, il suffit juste de les trouver. Par exemple, cette idée de faire assassiner un matou tout faible et déjà à moitié mort par deux guerriers en pleine forme. Elle s'est fait ridiculiser, la pauvre chatte ! Bien sûr, elle a aussi effrayé des Riverains. Mais pas moi, en tout cas. Ce n'est pas l'assassinat de Pelage de Givre qui va changer quelque chose à ma vie. Je continuerai d'ignorer les Ombreux. D'ailleurs, on raconte qu'ils font subir des mauvais traitements aux Riverains, mais quels mauvais traitements ? Moi, je suis toute la journée à la pêche, ou alors je dors entre les racines de mon ceriser. Je ne rentre au camp qu'à la nuit tombée, pour me reposer, ou vers midi lorsque je ramène mes proies. Quand à la nourriture, je ne souffre pas trop de la faim, car il m'arrive de grignoter des poissons en cachette lorsque les Ombreux ont tout mangé. Mais je ne partage pas mon secret. J'ai trop peurs que les autres Riverains soient comme Pelage de Givre: indiscrets. Alors je ramène le plus de poissons possible au camp chaque jour. Personne ne peut se douter que je me constitue une mini-réserve au cas ou les Ombreux auraient la stupide idée de tenter de nous faire mourir de faim. De toutes façons, ils n'oseraient pas faire ça, car ils sont dépendants de nous, en quelques sortes. C'est nous qui leur fournissons à manger, non ? Donc ils sont bien dépendants de nous, car ces cervelles de grenouilles sont incapables d'attraper le moindre petit poisson.

Inutile de dire combien le Clan de l'Ombre m'agace. Et me fait pitié, aussi. Mais la vie n'est pas trop dur. Pour les plus discrets et les plus intelligents d'entre nous, du moins.
Mais je ne suis pas une sans-coeur. Le départ de Pelage de Givre m'attriste, bien que je ne le connaissais pas vraiment. Il a fait ça par loyauté. Il a juste manqué de discrétion. Et d'intelligence. Il n'avait pas le bon plan...

Menthe Poivrée se lève soudain. Elle miaule une pjrase que je n'entends pas vraiment car je n'écoute pas. Mon attention est portée vers une jeune minette du Clan de l'Ombre qui a protesté. J'incline discrètement la tête. J'admire son courage, songe t-elle vraiment que c'est sa vie qui peut payer ? Les Ombreux sont tellements lâches qu'ils n'hésiteraient pas à tuer l'un des leurs. N'empêche, je retiens bien que cette petite peut devenir une alliée.
Menthe Poivrée s'est approchée du corps du défunt.

- Étoile Sauvage, je t’en prie, laisse son clan lui faire ses adieux. Il fut un grand guerrier autrefois… Il a le droit de rejoindre ses ancêtres.

Je doute qu'Étoile Sauvage accepte. Mais je l'espère car, moi aussi, j'aimerai veiller le corps de ce chat trop courageux qui s'est sacrifié pour tenter de sauver son Clan. J'espère qu'il n'est pas mort en vain.

Je me tasse et me force à rester assise. Cette fois, je ne me mêlerai pas de leurs affaires ! Mais je ne peux m'empêcher de lancer un miaulement de soutient.

- En effet.

Du haut de mon perchoir je regarde ce magnifique spectacle que me procure ce premier sacrifice. Je n’ai rien à dire : cette exécution était parfaite. J’ai tranquillement observée la technique de Nuage du Caméléon, même s’il est vrai que face à cette dépouille vivant il n’a pas besoin d’user de ses meilleures techniques. Il est calme et placide, comme je l’espérais. Un vrai guerrier du clan de l’Ombre s’était éveillé en Nuage du Caméléon. Un sourire sadique et carnassier étire mes lèvres, je suis décidément très fière de lui. Malheureusement toutes les réactions que j’observe ne sont pas celles que j’avais prévues. Certes la pluparts des chats du clan de la rivière affichent un mine aussi attristée qu’effrayée, mais il semblerait que certains ombreux n’ait pas totalement compris de quel côté il valait mieux être. J’ai droit de vie et de mort sur n’importe lequel de mes sujets, et ce qu’il soit de l’Ombre ou de la Rivière. Une guerrière de ce clan de bouffeurs de poissons prend la parole pour appuyer mon geste. J’émets un discret ricanement, qu’espère-t-elle gagner avec de telles paroles ? Ma reconnaissance ? Ha ha ha !

Ce sont les paroles de Menthe Poivrée, ma fille, qui interpelle ma moquerie intérieure. Elle souhaite veiller ce renégat. Une mine dégoûtée remplace ma précédente satisfaction. Décidément, elle a beau être ma fille elle ne partage visiblement pas mes idéaux. Enfin, il serait tout de même préférable de l’avoir à mes côtés. Je jette un rapide coup d’œil à Griffe d’Acier pour vite comprendre ce que mon lieutenant en pense : accepter serait faire preuve de faiblesse. Mais en même temps accepter ne serait-ce pas faire croire aux riviérains qu’ils ont des droits, même si ce n’est pas vrai ? Mettre un clan que l’on a assouvit dans sa poche permet d’étouffer les futures rébellions dans l’œuf. Petit à petit le doute s’installe dans mon esprit. Que faire pour être aussi machiavélique que faussement amicale envers mes nouveaux esclaves ? Un cri indigné parvient à mes oreilles. Nuageuse Aile semblait indignée. Je la toise durement, ne voulant pas prendre la peine d’écouter ses vaines paroles. Nuée de Cendre semble reprendre l’apprentie un peu trop aventureuse à mes yeux. Ne se rend-t-elle pas compte qu’elle risque ainsi d’être la prochaine sur la liste ?

Je m’assois sur le promontoire, toisant l’assemblée avant de décider de prendre la parole. Je pense qu’il y a quelques règles à remettre en place.

« Menthe Poivrée je comprends très bien ton point de vue aussi je ne vous empêcherait pas de veiller Pelage de Givre. Sachez simplement que ceux qui le veilleront seront privé de repas pendant une journée entière. Quant à toi Nuageuse Aile sache que je ne comprends et n’approuve pas ta réaction. Je pense que nettoyer la litière des anciens te rappellera ta place et ton devoir. L’assemblée est terminée. »

Je descends avec grâce de mon piédestal en toisant les membres des deux clans réunis. Je passe à côté de Feuille de Menthe à qui je donne un coup d’épaule violent. Je lui susurre doucement :

« Ne crois pas que cette hypocrisie te sauvera, petit tétard. »

Je m'étais étendu devant la tanière des guerriers, songeur. Cela faisait quelques temps déjà qu'un terrible évènement s'était produit au sein du Clan de la Rivière : Etoile Sauvage et le Clan de l'Ombre en avaient pris le contrôle. Ces brutes abusaient de leurs pouvoirs sur les félins du Clan de la Rivière et ceux qui se rebellaient risquaient leur vie. Et nos dirigeants authentiques dans tout cela ? On n'entendait plus parler d'Etoile des Larmes ni de son lieutenant, Chauve Souris. Etoile des Larmes semblait inexistante, elle avait perdu peut-être à jamais le contrôle de son clan. Cette alliance était en réalité une prise de contrôle. Comment en était on arrivés là ? C'était un mystère. 
Je n'avais pas manifesté d'hostilité particulière envers le Clan de l'Ombre pour éviter de subir des représailles. En fait, je n'avais rien manifesté du tout. Je m'étais effacé dans cette affaire. Et j'essayais de prendre le plus de distances possible entre ces chats et moi. Cette alliance était contre le code du guerrier. Etoile Sauvage semblait défier le Clan des Etoiles. En parlant de nos ancêtres, c'était comme s'ils nous avaient abandonnés. Menthe Poivrée semblait n'avoir reçu aucun signe. Comment le Clan des Etoiles avait-il donc pu accepter tout cela sans broncher ? Le désespoir. C'était un mot qui qualifiait bien notre situation. Je me demandais comment cette alliance allait évoluer et ce qui se passerait dans les lunes à venir et surtout si, un jour, le Clan de la Rivière allait retrouver sa liberté. Il ne fallait pas prendre espoir. J'espérais que Etoile des Larmes, finirait par retrouver ses moyens et chasserait Etoile Sauvage de ses terres avant qu'il ne soit trop tard...

En parlant d'Etoile Sauvage, celle-ci été montée sur le promontoire pour convoquer une assemblée de clan. Les félins s'étaient généralement regroupés par clan. Quant à moi, je m'étais retrouvé assis à côté d'Hymne du Faucon, une guerrière du Clan de l'Ombre. J'avais compris que je me sentais irrésistiblement attiré par la chatte et je ne le cachais plus. Hymne du Faucon, savait-elle ce qui allait se passer aujourd'hui ?
Je vis que le prisonnier avait été amené, Pelage de Givre. Je retins une grimace. Pelage de Givre avait contesté l'autorité d'Etoile Sauvage en essayant de se rebeller. J'ignorais ce que la meneuse ferait de lui. En tout cas, il était en piteux état. Le pauvre guerrier semblait à peine capable de se lever et il était tenu au sol par la brute qu'était le lieutenant du Clan de l'Ombre, Griffe d'Acier. J'étais inquiet, qu'allait-il devenir de Pelage de Givre ? Je m'attendais à ce que Griffe d'Acier lui donne une bonne correction en publique, qu'il le blesse, l'humilie ou encore qu'Etoile Sauvage le bannisse à tout jamais du clan. Je vis un grand chat tigré faire son apparition peu après Griffe d'Acier. Ce félin était particulièrement grand et costaud, plus déjà que certains guerriers. Pourtant, si ma mémoire était bonne, ce n'était qu'un apprenti du nom de Nuage du Caméléon. J'étais un peu perdu, ne sachant pas où Etoile Sauvage voulait en venir. J'avais jeté un coup d'oeil vers ma voisine avant de poser mon regard sur la meneuse du Clan de l'Ombre. Je n'étais visiblement pas assez fourbe pour connaître le raisonnement de cette vieille femelle ou encore pour l'anticiper. Toutefois aujourd'hui, la chatte faisait froid dans le dos.

Retentit l'ordre... De tuer Pelage de Givre. J'avais réprimé un hoquet de surprise. C'était à l'apprenti qu'elle avait ordonné cela. Mes yeux ne quittèrent pas la scène que je découvrais avec horreur. Pelage de Givre poussa un cri à glacer le sang et quelques secondes plus tard, c'était fini, Pelage de Givre était mort.
J'étais trop choqué pour réagir. Jamais je n'aurais pensé que la situation allait dégénérer aussi vite. Le Clan de la Rivière était de toute évidence perdu. Je dégluti discrètement en comprenant le pouvoir d'Etoile Sauvage ainsi que la nature de cette chatte. J'avais réprimé un haut-le-coeur en voyant le corps de Pelage de Givre ainsi que l'apprenti qui avait la patte tachée de sang et qui semblait indifférent. Autour de moi, des cris de triomphes retentirent. Certains même laissèrent échapper des cris d'horreur. Quant à moi, j'étais demeuré silencieux. L'intervention de Feuille de Menthe ne m'avait pas échappée, elle allait certainement être la prochaine sur la liste. Une apprentie du Clan de l'Ombre protesta et Menthe Poivrée prit la parole demandant à veiller le corps du défunt. Je regardais la guérisseuse d'un air angoissé. Elle était certes respectée grâce à son statut mais elle risquait gros. A ma grande surprise, Etoile Sauvage accorda ce droit.
Alors que l'assemblée se dispersait, j'étais resté à ma place, comme figé. Mon regard incrédule se posa sur Hymne du Faucon. C'étaient après tout les siens qui avaient fait cela. La chatte était-elle dans le coup ? Si, autrefois, j'aurais été plus prudent, aujourd'hui, pour une raison que je connaissais au plus profond de moi-même, j'avais tout de suite écartée cette idée de mon esprit. Je n'arrivais tout simplement pas à croire qu'Hymne du Faucon soit de la mèche avec cette barbarie. Je m'étais tout de même approché d'elle pour lui murmurer,

" Tu étais au courant ? "

Le soleil était déjà haut dans le ciel. Dès le matin, j'ai rejoints une patrouille de pêche, pour tenter d'attraper quelque chose. J'étais quand même revenue fièrement au Camp avec un poisson dans la gueule. Et il était plutôt gros, je l'avoue. J'étais donc dans un coin du Camp, à l'ombre, allongée et surtout un peu cachée. Je n'aimais pas rester au centre du Camp, au milieu de tout le monde... Ce n'était pas du tout mon genre.
Un appel retenti dans la clairière. Étoile Sauvage était sur le promontoire, avec un sourire sur le visage. Tour cela ne me disais rien qui vaille... Je faisais comme tout les chats présents : je m'étais rassemblée au milieu du Camp, attentive à la meneuse du Clan de l'Ombre. J'étais excitée de savoir ce que la meneuse avait à dire.

« Chats du clan de la rivière et de l’ombre ! Aujourd’hui est un grand jour pour notre nouvelle alliance. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont contre ma présence ici, mais je vous assure que c’est dans l’intérêt de nos deux clans. Mais pour les quelques revêches d’entre vous j’ai décidé de faire un exemple. Qu’on amène ce renégat. »

Deux Guerriers avaient surgit de nul part, un guerrier blanc au milieu d'eux. Mais.... Que faisait Pelage de Givre au milieu ? Qu'avait-il fait ? Mon bonheur avait retombé directement, et mes oreilles étaient baissées. Que vont-ils lui faire...? Le pauvre... Oh, j'avais peur, peur de ce qui allait arrivé.

« Chers guerriers, et chers rebelles. Pelage de Givre, le guerrier ici présent, a été pris en flagrant délit de complot envers moi, votre nouvelle cheffe. Il sera donc le premier exemple de ce nouveau clan ! Que le spectacle commence. »

Ma pupille était dilatée, et à ce moment, je m'étais faite toute petite. Mes oreilles étaient rabaissées, par la peur.

« Tue-le ! »

Je lâche un cri de surprise. Un apprenti s'approchait du rebelle, celui-ci gémissant et suppliait le chat. L'apprenti planta ses griffes dans la gorge du guerrier blanc et descendu la patte, éventrant le félin, sous un cris atroce. Je me faisais encore plus petite en voyant le chat se faire secouer quelques secondes par des spasmes violents et retomber lourdement au sol. Il était mort.
Les larmes tombaient sur mes joues, et je reniflais bruyamment. Je secouait la tête aussitôt. Il faut se ressaisir, car un mauvais pas et c'est moi qui prendrai. Je tournais la tête de gauche à droite, cherchant quelqu'un, une sœur, ou qui que ce soit. Mais non, pas de parents, pas de cousin, pas d'oncle, pas de tante, pas de frère et de sœur. J'avais envie de me blottir contre ma mère, et oublier tour ça... Mais ce n'est pas possible. Elle était morte, par ma faute... Je secouait la tête à nouveau.
Menthe Poivrée avait parlé, et demandé à veiller Pelage de Givre. Feuille de Menthe approuvait l'acte de la meneuse, et je me retenais de feuler. Pour qui elle se prend, elle ?! Un autre félin parla : Il s'agissait de Nuageuse Aile, une apprentie du Clan de l'Ombre. Une Guerrière lui ordonna de ne plus parler, et mes oreilles se rabaissèrent. Pourquoi devons nous rester petits, soumis...
Je ne voulais plus voir ça. Tout le monde c'étaient dispersés, et moi, je restais plantée là, à ne rien faire, bloquée et choquée. Mais qu'allons-nous devenir...

Réellement. Elle avait réellement était choquée par la scène qu'elle venait de voir. Certes, elle avait déjà été confrontée à la mort, petite la première fois pendant un tragique accident, ou lors des combats. C'était parfois brutal, mais généralement involontaire. La mort, c'était le lot des chats sauvages, un fardeau qu'il fallait accepter avec la douleur qu'elle engendre, oui. Mais ce meurtre, ce pseudo-combat qui n'était rien d'autre qu'un assassinat, déloyal et ignoble, commis de plus par un jeune apprenti, ce fait de se prendre pour une puissance supérieure, d'ôter volontairement la vie, de commanditer de qui meurt et qui vit, ça non, elle ne pouvait pas l'accepter.

L'apprentie dressa les oreilles vers Nuée des Cendres qui lui parlait. Au moins, la guerrière ne semblait pas contre son point de vue. Aile prit soudain conscience de l'odeur de peur qui régnait autour d'elle, venant principalement du Clan de la Rivière. Lâches. Entre préserver sa vie, et sauver celle d'un autre il fallait choisir la sienne. Ils auraient pu empêcher cela, si ils s'étaient tous jetés sur Nuage du Caméléon. Mais le Clan de l'Ombre les aurait ensuite maitrisés et ce n'était que reculer pour mieux sauter. songea t-elle.
La guerrière lui parlait gentiment et avait raison de surplus mais Aile rabattit ses oreilles sur son crâne, prête à passer ses nerfs sur elle. Chez elle, on explosait et on réfléchissait ensuite.

Elle n'en eut pas le temps, Etoile Sauvage la réprimanda dans le flot de paroles qui annonçait la fin de l'Assemblée. Aile baissa la tête. Elle s'en tirait bien. Elle aimait bien rendre service et s'occuper des anciens était un moindre mal. Elle ne voulait pas envenimer inutilement la situation, mais elle savait qu'elle avait raison et ne put s'empêcher de feuler à mi voix :

Excuse moi de ressentir des sentiments.

Elle se sentait vraiment mal. Elle ne se dispersa pas avec les autres félins, fixant avec un gout de bile de souris le cadavre. Elle croyait en des principes et des idéaux et ne pouvait pas les ignorer dés qu'il fallait les défendre. Si un autre catastrophe devait se reproduire, elle ne pourrait pas l'en empêcher. Mais elle ne voulait plus se rendre complice.

Fichus bouffeurs de poisson ! Pourquoi leur Camp est-il si proche de la rivière ?! J'ai faillit mettre ma patte dans l'eau !Je m'ébroue en grommelant. Je n'aime pas vraiment ces bouffeurs de poisson, mais vraiment pas ! Je saute par dessus cette rivière et continue mon chemin, vers le Camp. Je frémis un instant, en rentrant dans ce Camp adverse. Le soleil est haut dans le ciel, assez pour qu'il soit midi. Je me dirige donc vers le tas de gibier, mais un appel retenti : Assemblée des Clans. Génial, il ne manquait plus que ça...
Comme tout le monde, je m'assieds près du promontoire, attentive. Vas-t-on attaquer un Clan ? Si oui, lequel ? Pitié, pas le Clan du Tonnerre... Surtout pas ! Et Plume de Faisan, comment vas-t-il ? Mange-t-il à sa faim ? Est-il en sureté ? Personne ne sait pour nous deux, enfin je crois... Et je l'espère. Je secoue la tête et je me tire de mes pensées, juste au moment ou Étoile Sauvage prend la parole.

« Chats du clan de la rivière et de l’ombre ! Aujourd’hui est un grand jour pour notre nouvelle alliance. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont contre ma présence ici, mais je vous assure que c’est dans l’intérêt de nos deux clans. Mais pour les quelques revêches d’entre vous j’ai décidé de faire un exemple. Qu’on amène ce renégat. »

Mon regard dérive sur un chat blanc immaculé. Qui est-il, et surtout, qu'a-t-il fait ? Il est maigre, preuve qu'il n'a pas été nourrit depuis deux ou trois jours. Je ne ressent aucune émotion à ce moment. Aucune pitié, aucune excitation, rien. Je me contente de fixer le corps faible du matou.

« Chers guerriers, et chers rebelles. Pelage de Givre, le guerrier ici présent, a été pris en flagrant délit de complot envers moi, votre nouvelle cheffe. Il sera donc le premier exemple de ce nouveau clan ! Que le spectacle commence. »

Je suis au premières loges. Le rebelle est devant moi, et plonge un regard triste dans Étoile Sauvage. Oh, non... Celui-là, il va morfler. En voyant le sourire de la meneuse, je devine qu'elle ne vas pas s'arrêter à un bannissement ou à une humiliation. Le châtiment est bien pire...

« Tue-le ! »

J'avais raison. Le châtiment est pire. Je suis le regard d'Étoile Sauvage pour voir qui elle fixe. Nuage du Caméléon ? L'apprenti espion de Nuée de Cendres. Griffe d'Acier était juste à côté... Pourquoi ne pas l'avoir choisi lui ? Quoique, ça ne me fais ni chaud ni froid. La victime tremble de peur tandis que le grand félin s'avance vers lui et s'arrête juste devant. Mes oreilles sont dressées. D'un coup, Nuage de Caméléon sort ses griffes et les plantent dans le cou du chat blanc et descend d'un coup sec sa patte, éventrant littéralement Pelage de Givre. Après quelques spasmes, le corps sans vie du guerrier retombe lourdement au sol. Des cris de stupéfaction fusent dans le camp, mélangé à des cris de satisfaction. Je ne dis rien, fixant le sol coulant à flot. Une voix parle alors.

« C'était un bon choix. Un guerrier comme celui-là aurait entravé notre nouvelle alliance. Seul les forts méritent de rester en vie. »

Je reconnais cette voix : c'est celle de Feuille de Menthe, une Guerrière rebelle qu'on a déjà remarqué lorsque nous sommes arrivés dans le Clan. Elle s'est tout de suite énervée et a hurler. Depuis, cette femelle m'insuporte, et rien que de l'entendre parler, je fronce le museau. Qui croyait-elle berner avec ses belles paroles ? Étoile Sauvage l'a déjà remarqué, et l'autre n'est pas futé. Une autre voix recouvre toutes les autres. Il s'agit de Menthe Poivrée.

« Étoile Sauvage, Pelage de Givre était peut-être un traitre, mais il était un guerrier qui mérite qu’on le veille comme n’importe quel autre. Étoile Sauvage, je t’en prie, laisse son clan lui faire ses adieux. Il fut un grand guerrier autrefois… Il a le droit de rejoindre ses ancêtres. »

Oh, la fifille à sa maman. Elle est triste ? Tant mieux. Je glousse sous ses paroles. Croyait-elle vraiment qu'Etoile Sauvage accepterait ? Si oui, il y aurait une contrainte, forcément. Voyons, elle ne rate pas une occasion pour punir des membres, c'est son caractère. Et puis, quels ancêtres ? Le Clan des Étoiles ? Stupide ! Le Clan des Étoiles aime faire souffrir des chats, et j'ai remarqué ça depuis longtemps. Personne ne mérite sa place là bas, à moins d'être cruel. Un cri surgit de nul part.

« NOOOON ! Vous n'êtes que des montres ! Ou voyez vous du bien dans cela ? Un chat est exécuté devant une foule complètement léthargique !  »

« Calme -toi, sinon tu aggravas les choses. Il faut comprendre que Pelage de Givre avait comploté contre nous, et que, à cette heure-là, ça serait peut-être toi ou des membres du clan de l'Ombre qui serait mort. C'était lui ou nous, comprends-le. »

Nuageuse Aile... Cette apprentie est dégoûtée rien qu'à la vue du sang. Je pense qu'elle aurait du être espionne, ou quelque chose dans ce genre. Nuée de Cendres a intervenu très rapidement, et sa version simplifiée des choses était plutôt.... Bien. Je tourne la tête vers Étoile Sauvage. Celle-ci bondit de son perchoir en parlant une dernière fois.

« Menthe Poivrée, je comprends très bien ton point de vue aussi, je ne vous empêcherais pas de veiller Pelage de Givre. Sachez simplement que ceux qui le veilleront seront privé de repas pendant une journée entière. Quant à toi Nuageuse Aile sache que je ne comprends et n'approuve pas ta réaction. Je pense que nettoyer la litière des anciens te rappellera ta place et ton devoir. L'Assemblée est terminée. »

Voilà, il faut payer pour rendre hommage à un mort. Cette attitude, c'est du Étoile Sauvage tout craché. Nuageuse Aile a marché sur un chemin dangereux et elle en a payé le prix. Elle a donc droit à une petite punition.
Je reste déboussolée par les événements, en tout cas, au moins un peu. Je me lève et j'emprunte la sortie du Camp. Bientôt, j'irais voir Menthe Poivrée, ou quelqu'un, car si mon ventre commence à grossir en saison des feuilles mortes, c'est que j'attends sûrement des petits. Alors, dans ce cas, je serais la prochaine à recevoir un terrible châtiment.

Quelques temps après une "escapade" nocturne avec Aile de Libellule, je sentais mon ventre gonflé peu à peu, de jour en jour. Je n'étais pas mécontente, au contraire. Avoir des petits seraient extraordinaire pour moi, après Petit Ébène. Mais, ce qui était le plus embêtant, était la réponse de mon 'nouveau compagnon lorsque je lui dirais qu'il va devenir père. Je ne sais pas comment ils vont être, ni comment nous allions les appeler. Je ne sais même s'il y aura que des mâles, que des femelles ou une portée mixte. Ce que je sais encore moins, c'est quand ils vont arriver et combien y en aura. Je ne sais même pas si ça va bien se passer. D'accord, j'ai déjà eût un accouchement, ce n'était pas tous les mêmes. D'ailleurs, je me demandais aussi comment allait réagir l'Alliance. Le Clan de la Rivière nous rejetera ? Aile de Libellule n'abandonnerai pas son clan, je serai séparer de ma famille ? Et si lui venait alors, il serait aussi séparer de sa famille. Mais on sait tout les deux que aucun d'entre nous ne veux être séparer. Non, bous on veut rester ensemble. Enfin, j'espère que c'est ce qu'il veut.

Je sors de la tanière des guerriers, je croyais que j'allais être tranquille, mais non. Étoile Sauvage montait sur le promontoire. Je m'approcha de Aile de Libellule, dans la foule pour le saluer. Le meneur d'une rébellion dans le Clan de la Rivière venait de se faire tuer par Nuage du Caméléon, sous le ordre de ma cheffe. Je poussa un léger cri qui ne se fit entendre que par mon voisin. Mon air horrifié pouvait se lire sur mon visage. Mon compagnon me demanda si j'étais au courant. Je me tourna vers lui, au bord des larmes et fit un "non" bref. Je me releva alors que l'Assemblée s'éloignait déjà. Je passa une patte sur mon visage et demanda à Aile de Libellule.

" - Il faut que je te parle."

Sur ces mots, je me dirigeais vers la sortie du camp.