Les rayons du soleil réveillèrent Pelage Fauve, endormie, roulée en boule, sous un buisson. Elle cligna des paupières puis bailla à s’en décrocher la mâchoire en s’étirant de tout son long. La guerrière secoua ses membres endoloris à cause de la pluie de cette nuit. Elle se donna quelques coups de langue pour sa toilette et s’extirpa de son nid. Le camp était très calme, c’était l’aube et quelques félins dormaient encore. Ceux qui avaient participé à la patrouille de nuit ne se lèveraient pas avant midi et les mentors attendaient généralement que le soleil soit bien levé pour partir avec leurs apprentis. Comme les directives n’étaient pas encore lancées par Souffle de la Salamandre ou Étoile du Griffon, Pelage Fauve décida de chasser seule pour les reines ou les anciens avant de rejoindre une patrouille. La guerrière se dirigea alors vers la Ferme Abandonnée, au nord de son territoire. Le vent fouettait sa fourrure mais la température était agréable. Une belle journée de saison des feuilles vertes qui commençait. Elle aimait sentir les rafales caresser son pelage brun-roux qui prenait des teintes dorées au soleil et surtout contempler le ciel au-dessus de sa tête triangulaire. Elle avait l’impression que le Clan des Étoiles veillait ainsi toujours sur eux. Je n’aimerais pas vivre cachée sous les arbres ! se dit-elle, reniflant, en pensant au Clan du Tonnerre. Certes, la lande n’offrait pas autant de cachettes mais les guerriers du Clan du Vent sont fiers, et n’ont pas besoin de se cacher comme des souris apeurées. Mais elle avait appris que se camoufler dans certaines situations pouvait la sauver d’un prédateur plus dangereux que les chats ou même gagner une bataille.

Pelage Fauve repéra un lièvre qui sautillait près du Grand Caillou, la femelle fauve pris d’abord soin que le vent n’apporte pas son odeur puis elle le prit en chasse. La course ne dura que quelques secondes avant qu’elle ne l’achève d’un coup de croc précis, à la gorge.

(Ça fait longtemps que je n'ai plus RP, je dois me remettre dans le bain ^^)

Je me réveillais en sursaut, haletant. Je me rappelle encore ce moment qui m'avait inquiété. Ma nuit avait d'abord été sans rêves puis après, j'avais fait un rêve proche du réel comme j'en avais trop souvent fait. Je marchais dans une sombre forêt où on ne voyait pas la lumière des étoiles. Et j'avais entendu un murmure, celui de Rapace Nocturne. Je m'étais tout de suite efforcé de sortir du sommeil. C'était la première fois que je rêvais de la Forêt Sombre depuis de nombreuses Lunes. Rapace Nocturne avait-il essayé de me convoquer ? Quoi qu'il en soit, même si je lui étais reconnaissant de m'avoir élevé, d'avoir fait de moi un guerrier plus puissant qu'un guerrier ordinaire, je marchais désormais avec mes ancêtres, non avec un groupe de chats faméliques qui voudraient juste satisfaire leurs désirs personnels à travers les autres chats. En effet, j'avais découvert, un peu tard hélas, les intentions de Rapace Nocturne. Comme tu le sais cher lecteur, Serres d'Aigle et moi, nous nous étions jadis entraînés dans cette forêt. Mais nous avions rompu le lien. Aujourd'hui encore, je me questionnais, après la mort de celui-ci : Serres d'Aigle avait-il rejoint le Clan des Etoiles ou la Forêt Sombre ? Impossible de le savoir. En tout cas, je ne l'avais jamais vu dans mes rêves et Âme du Dragon sans doutes pas. Sinon, elle me l'aurait dit.

Je savais que le sommeil ne reviendrait pas. Aussi, je poussai un soupir puis je m'étirai dans ma tanière et j'en sortis. Dehors, il était vraiment de bonheur. Le soleil ne s'était pas encore levé et la plupart des guerriers dormaient, excepté les sentinelles et ceux qui devaient partir pour la patrouille de l'aube. Sur le moment, je ne savais pas quoi faire. Je ne pouvais pas tourner et virer dans le camp sans réveiller tout le monde. Tout comme je ne pouvais pas non plus rester planté là comme une potiche. De guerre lasse, je m'engouffrais dans le tunnel d'ajoncs, l'air encore ensommeillé. Je saluai les sentinelles d'un signe de tête. On ne me questionna pas en sortant puisque j'étais le chef. J'avais besoin d'une bonne marche pour réfléchir et me remettre les idées en place. Je secoua la tête d'un air irrité, ça n'allait pas ! Je ne devais pas laisser mes soucis personnels se mettre en travers de mon chemin et de mon clan. Jamais ils ne passeront avant eux et ils ne me perturberont point. L'air déterminé, je me dis que si Rapace Nocturne n'avait pas compris que je ne voulais plus rien avoir à faire avec lui, je lui ferais rentrer le message une bonne fois pour toute. Et puis, il me laissera tranquille, il avait bien dû comprendre que je ne voulais plus de lui depuis le temps.

J'étais sorti depuis un petit moment et, j'avais attrapé deux oiseaux car, même si nous étions en saison des feuilles vertes, le clan n'avait jamais trop de gibier. Depuis que j'avais quitté le camp, le soleil s'était levé et ses rayons réchauffaient mon pelage. La chaleur commençait déjà à monter mais c'était encore supportable. De plus, sur le territoire du Clan du Vent, nous avions la chance d'avoir toujours un peu d'air afin de ne pas avoir une atmosphère trop lourde. Néanmoins, je pensais rentrer avant midi à cause de la chaleur insupportable qu'il y avait en cette saison lorsque le soleil était à son zénith. De plus, en tant que chef, j'avais du travail et je ne pouvais pas échapper à mon devoir comme ça. Et, bien entendu, je devais être là pour la cérémonie du partage, un peu comme tout le monde en fait. Que penserait-on de moi si je m'absentais toute la journée sans rien dire?
Enfin, le soleil n'était pas très haut dans le ciel et j'avais encore le temps.
J'étais maintenant arrivé au Grand Caillou. Avant même d'approcher de la zone, je sentis une odeur féline et je pus mettre un nom sur cette odeur : Pelage Fauve. Peu de temps après, j'entendis un bruit de course. Je dus tourner la tête afin de voir ce qui se passait de mon oeil valide. Cela ne dura pas longtemps, je vis Pelage Fauve courser un lièvre et l'achever d'une morsure fatale à la gorge. Je m'assis non loin, la queue enroulée autour de mes pattes et je lançai d'un ton admiratif,

" Belle prise !"

« Belle prise ! lança une voix familière derrière elle. »

La guerrière se retourna et un sourire fendit son visage lorsqu’elle reconnut le matou assis, la queue enroulée autour de ses pattes épaisses, le regard admiratif. Pelage Fauve l’appréciait beaucoup. Étoile du Griffon était un mâle tigré à l’œil valide ambré, l’autre était recouvert d’un voile blanc mais cet handicap ne le gênait pas, ou du moins, elle ne l’avait jamais entendu s’en plaindre. Il était très massif pour un félin du Clan du Vent et doté de puissantes épaules. La femelle fauve se souvenait qu’il avait un frère, Serres d’Aigle, mort depuis quelques lunes. On lui avait raconté que les deux matous étaient auparavant particulièrement proches.
Pelage Fauve poussa sa prise en dessous d’un buisson puis rejoignit son chef en quelques bonds.

« Merci, j’ai pensé chasser pour les anciens et les reines avant de partir pour une patrouille à midi, miaula-t-elle, la queue haute. »

Si Souffle de la Salamandre apprenait que je chassais sans son consentement, je parie un lapin qu’il trouverait une excuse pour me disputer ! se dit la guerrière. Peu importe de toute façon, leur rivalité ne date pas de la veille. Par contre, ce qui éveilla la curiosité de la femelle fauve était que le meneur était seul. Elle n’avait aucun doute : le vent n’apportait aucune odeur de félins du clan et la vue dégagée ne révélait que l’herbe dansant avec le vent ainsi que quelques rochers et bosquets. Peut-être qu’Étoile du Griffon chassait lui aussi ou bien se dégourdissait-il les pattes. Le poids lourd de la responsabilité d’un chef est un véritable fardeau, prendre l’air lui rafraîchissait sûrement les idées.

« Dis-moi, tu m’espionnes ou bien tu avais quelques affaires à régler tout seul ? plaisanta Pelage Fauve en remuent les moustaches. »

Étrangement, ses propres paroles raisonnèrent dans ses oreilles. Des affaires à régler. Un peu comme elle lorsqu’elle avait quitté quelques lunes le clan à la recherche de Croc de Renard, l’assassin de son père, quatre saisons plus tôt. A son retour, elle avait raconté à ses camarades qu’elle avait cherché en vain son ancien mentor alors qu’en réalité elle l’avait tué. Son dernier soupir fut pour elle un soulagement. Croc de Renard ne fera plus de mal. Personne ne savait qu’elle s’était entraînée avec lui dans la Forêt Sombre, non plus. C’était son petit secret. Mais Pelage Fauve ne voyait pas Étoile du Griffon avoir quelques affaires à régler ou même un petit secret.

Cette chatte se nomme Pelage Fauve, c'est une guerrière de mon clan. Elle avait fait son apprentissage en même temps que mon premier apprenti, Souffle de la Salamandre. Les deux chats étaient rivaux à l'époque... Et aujourd'hui, ils ne s'entendaient toujours pas. Parfois, lorsqu'ils se disputaient, je les tançais d'un air sévère car ce genre de comportements n'était pas bon pour l'ambiance du clan. Et parfois, ils se comportaient comme des chatons venant de sortir de la pouponnière, à ma grande exaspération. Néanmoins, ils restaient de bons éléments et ils étaient tous deux courageux et loyaux à leur clan et c'était ce qui comptait.
Nous nous entendions bien avec Pelage Fauve, malgré le sale caractère qu'elle pouvait avoir de temps en temps. Alors qu'elle n'avait pas eu une vie facile, elle avait de la force de caractère et je ne doutais pas de sa loyauté. Ah... Si seulement je pouvais en dire autant de Reine de Pique... Elle non plus n'avait pas eu la vie facile mais elle avait développé un très mauvais caractère en ce qui concerne la sociabilisation au sein du clan. On se rendait à peine compte qu'elle en faisait partie.
Je me rappelle maintenant ces fous-rires lorsque nous étions dans la tanière des guerriers. Les cérémonies du partages, sentir les corps chauds de ses camarades lorsque l'on dormait...
J'étais plus éloigné maintenant que je dormais seul dans la tanière du chef.

Pelage Fauve avait une apparence particulière. C'était une jolie chatte haute sur pattes au pelage fauve et aux yeux d'un vert émeraude. Tandis qu'elle bondissait dans ma direction après avoir mis sa proie en lieu sûr, j'émis un ronronnement de sympathie mais je me raidis quand elle me posa la question.
Involontairement, elle m'avait rappelé pourquoi j'étais venu ici. Tous les mauvais souvenirs ressurgirent en moi. La Forêt Sombre... Serres d'Aigle... Rapace Nocturne... J'étais venu échapper tout cela.
Bien entendu, excepté Serres d'Aigle, personne ne connaissait ma liaison avec la Forêt Sombre. Je doutais fortement que Âme du Dragon ne le sache même si elle était guérisseuse car elle partageait les rêves du Clan des Etoiles et elle n'avait fait aucune remarque à ce sujet. C'était possible que Reine de Pique connaisse ce lieu. En revanche, je pensais que Pelage Fauve ne devait certainement pas le connaître. Peu de chats y allaient et Pelage Fauve était une guerrière à la loyauté irréprochable. Je secouai la tête. Ce n'était pas le moment de douter des miens, jamais. Quel chef se conduirait de la sorte?
Je répondis à Pelage Fauve, un peu trop brusquement.

" Très bien... Très bien... Je suis juste allé marcher un peu. Au passage, j'ai chassé. Même moi j'aime profiter de la saison des feuilles vertes. "

Je me raclai la gorge d'un air gêné. Sur ce coup, je ne m'étais pas montré très malin. Maintenant, elle allait penser que quelque chose ne va pas. Oh, et puis zut, je n'ai rien à me reprocher moi... Aussi je me détendis et pris un air plus naturel. Pourquoi s'inquiéter? Nous étions en pleine saison des feuilles vertes, nous avions de nombreuses naissance, le gibier était abondant et les apprentis faisaient de beaux progrès. La vie continuait et le clan se portait comme un charme. La prochaine assemblée serait dans un peu moins d'une lune et je pourrais présenter un clan fort et bien nourri. Car, telle avait été mon ambition en tant que chef : faire du Clan du Vent un clan fort. J'aimais mon clan plus que tout et nous affronterions n'importe quel danger en sortant triomphants.
Je me fis plus optimiste et je repris,

" Nous avons beaucoup de chatons cette saison, tu seras certainement mentor d'ici quelques lunes. "

Le grand mâle tigré ronronna mais Pelage Fauve remarqua qu’il s’était raidi. Elle haussa un cil, soucieuse de savoir ce qui l’avait troublé. Je n’ai rien dis de mal, pourtant. Juste une question. Les chefs sont si étranges, parfois ! se dit-elle, un peu agacée de ne pas toujours comprendre les meneurs ou même les guérisseurs. Évidemment, elle savait qu’ils avaient beaucoup de responsabilités ainsi que d’inquiétudes, ils avaient également un lien privilégié avec le Clan des Étoiles que les guerriers ordinaires n’avaient pas. Moi j’étais liée avec la Forêt Sombre et j’ai pu rencontrer ma famille dans le Clan des Étoiles, et je ne suis pas un chef, ou une guérisseuse ou encore une traîtresse, se dit-elle. Une petit voix lui murmura : Peut-être, mais tu as tué ton mentor aussi… Pelage Fauve était consciente de ce qu’elle avait fait, à l’époque, celle la vengeance comptait. J’ai abandonné mon clan pour une quête personnelle alors qu’il avait besoin de moi. Je ne referais plus la même erreur.

« Très bien... Très bien... Je suis juste allé marcher un peu. Au passage, j'ai chassé. Même moi j'aime profiter de la saison des feuilles vertes, répondit-il pressement. »

Étoile de Griffon se racla la gorge, visiblement embarrassé. Ensuite il se détendit, l’air de rien. Pelage Fauve devinait sans mal que quelque chose clochait, le comportement étrange du matou le prouvait, cependant, il n’était pas obligé de se justifier pour tout et n’importe quoi et s’il ne voulait pas se confier à elle, c’était son choix. Elle n’allait pas lui arracher les mots de la gorge, en tout cas. Elle faisait confiance à Étoile du Griffon, une confiance presque aveugle, tout le clan l’admirait et le respectait. Jamais, le mâle brun tacheté ne les trahirait, ce n’était pas dans sa nature dévouée et loyale. Tu ne vois que deux choses chez eux, ce que tu veux voir et ce qu’ils veulent bien te montrer, disait de son vivant Croc de Renard en parlant des chats des clans.

« Nous avons beaucoup de chatons cette saison, reprit-il, tu seras certainement mentor d'ici quelques lunes. »

Pelage Fauve sursauta. Un apprenti ? Un sourire s’élargit sur son visage, elle aimait enseigner aux jeunes ce qu’elle savait et puis, c’était son devoir de guerrière. Le fait qu’Étoile du Griffon la prévienne d’abord prouvait que lui aussi, lui faisait confiance. Elle était très heureuse de cette nouvelle inattendue – même si Pelage Fauve tournait parfois près de la Pouponnière, en regardant avec envie les chatons. Le chef du clan avait dû le remarquer. Le cœur de la guerrière se serra en se rappelant Nuage Bleu, son premier apprenti. Le jeune matou avait été tué par un renard qui habitait dans la lande, alors qu’il allait bientôt recevoir son nom de guerrier. Il avait défendu le clan des prédateurs avec bravoure, il était mort en guerrier. Mais ce nouveau décès avait laissé une plaie invisible sur Pelage Fauve.
La guerrière secoua la tête pour chasser ses idées noires. Beaucoup de félins avait connu la tragédie, elle pouvait se rassurer en se disant que Nuage Bleu la suivait du haut du ciel avec leurs ancêtres.

« Me… Merci, bredouilla-t-elle décontenancée, Je saurais me montrer à la hauteur. »

Pelage Fauve s'abaissa en balançant son arrière-train de gauche à droite.

« Quand je l’aurais bien entraîné, on pourra même évaluer ses progrès avec ton apprenti ! miaula-t-elle en se projetant déjà avec son futur novice. »

Soudain consciente de sa réaction de chaton, elle se releva à la hâte en gloussant doucement, un peu gênée. Elle ensuite planta son regard vert dans celui ambré de son ami, son attitude avait changée. Elle lui était reconnaissante. Avec sa queue, elle lui caressa amicalement la joue.

« Merci, ça vaut beaucoup pour moi, ronronna-t-elle, plus sérieuse. »

En finissant ma phrase, j'avais espéré que Pelage Fauve n'avait pas remarqué ma gêne. Même si je lui faisais jamais confiance, mon secret ne devrait jamais être dévoilé au grand jour. Et, avec un peu de chance, peut-être que moi-même je commencerais à l'oublier, même si j'avais des doutes quant à cela. Oh, je ne voulais pas blesser Pelage Fauve non plus en ne lui révélant pas, mais c'était quelque chose que je ne pouvais pas révéler. Jamais je ne trahirais mon clan mais je ne voulais pas non plus que les autres doutent de ma loyauté en apprenant mon passé.
Si Rapace Nocturne était mauvais, son entraînement avait été très utile. Mais ça, les autres ne le comprendraient pas.
Si Pelage Fauve semblait surprise au début, elle prit ensuite un air plus naturel, à mon grand soulagement.
Son comportement enjoué m'arracha un ronronnement. Mon propre apprenti, Nuage de Grêle poursuivait actuellement son entraînement avec moi. C'était également mon neveu et le fils de Brise de Glace. D'ailleurs, il ressemblait beaucoup à sa mère. Il avait ses forces et ses faiblesses mais je savais qu'il ferait un bon guerrier. C'était en fait mon deuxième apprenti, mon premier étant Souffle de la Salamandre. Après lui, je n'en avais pas eu d'autres.
Pelage Fauve quant à elle avait déjà entraîné Nuage Bleu mais hélas, il était mort avant de recevoir son nom de guerrier. Ce n'était pas la faute de Pelage Fauve et elle méritait d'avoir une seconde chance.

" Je sais et tu le mérites. "

La guerrière fauve avait changé d'attitude. Elle était passée de la joie à la reconnaissance. Bizarrement, j'avais du mal à soutenir son regard à présent. Je me sentais pataud, comme un apprenti essayant les positions de chasse pour la première fois. La fatigue peut-être...
Je songeai que cela restait agréable d'avoir des amis au sein de son clans. Des chats ne jugeant pas que sur l'apparence. Je me rappelle, lorsque j'étais apprenti, avoir peur qu'on ne m'apprécie pas parce que je ne devais pas être agréable à regarder à cause de mon oeil. Aux assemblées, on me dévisageait au début. Mais maintenant, tout ce passait pour le mieux et cela ne me causait pas de problèmes particuliers. Bien entendu, j'avais dû adapter certaines techniques à ma vue. Si ma vue était réduite, j'entendais et je sentais mieux. De sorte qu'il était difficile de me prendre par surprise.

" Du moins, si tu ne te disputes pas devant lui avec Souffle de la Salamandre. "

J'avais remué les moustaches d'un air amusé. C'était vrai que Souffle de la Salamandre et Pelage Fauve se disputaient souvent, cela n'échappait à personne. Parfois, ils se comportaient comme des chatons. Je trouvais cela regrettable car c'étaient des guerriers tous les deux loyaux et ils étaient de bons éléments dans le clan. Ils avaient plus de points communs qu'ils ne le pensaient : tous deux avaient quitté provisoirement le clan à un moment dans leur vie. Mais ces deux-là étaient rivaux depuis qu'ils étaient apprentis. Je me souviens qu'ils se chamaillaient déjà au temps de leur apprentissage. C'était dommage mais au moins, les rivalités poussaient à se surpasser et cela ne nuisait pas au clan.

« Je sais et tu le mérites, dit-il. »

Pelage Fauve sourit. Étoile du Griffon avait du mal à la regarder dans les yeux. Il était son ami, elle l’acceptait tel qu’il était et ne voulait pas qu’il change. La guerrière se souvenait lorsqu’elle était chaton – le matou était tigré était déjà chasseur – qu’elle le trouvait horrible et incapable de chasser ou de se battre à cause de son œil blanc. Pour elle, il aurait dû changer de voie : devenir guérisseur ou rejoindre les anciens puisqu’il ne servait à rien. Souffle de la Salamandre l’eut comme mentor et elle se moquait souvent de lui – elle était très fière d’avoir un vétéran comme Croc de Renard pour tout lui apprendre. Mais Pelage Fauve avait pu voir à maintes reprises Étoile du Griffon se battre, et bien que gêné d’un côté, c’était un combattant puissant et redoutable. Il y avait un feu au fond de son regard qui en demandait encore même lorsqu’il était épuisé. Elle s’était trompée mais son point de vue sur son chef avait totalement changé depuis.

« Du moins, si tu ne te disputes pas devant lui avec Souffle de la Salamandre, miaula-il en remuant les moustaches. »

Pelage Fauve réagit aussitôt à cette pique lancée pour Étoile du Griffon, elle lui fit une pichenette à l’oreille et rétorqua en riant :

« Hé ! Je suis sûre qu’il aime bien nos petites disputes ! »

Pelage Fauve et Souffle de la Salamandre étaient rivaux de longue date, ce n’était d’ailleurs un secret pour personne. Même si le chat noir était le lieutenant du clan, cela ne changeait pas leur comportement vis-à-vis de l’autre. Ils se disputaient très souvent, et la plupart de leurs camarades s’étaient habitués depuis longtemps. La guerrière au pelage brun-roux savait cependant que le chef et son second étaient très proches et se faisaient mutuellement confiance. C’est la relation qu’a chaque mentor pour son apprenti, se dit-elle intérieurement, un peu amère.

La remarque de Pelage Fauve aurait dû me faire sourire, me faire rire car, nous étions tous les deux dans l'amusement. Cette fois, je n'avais pas réussi à dissimuler mes émotions. Et malgré moi, je m'assombris, le regard commençant à s'embraser.
En fait, je me souvenais d'un épisode qui m'avait laissé amer. Si Pelage Fauve m'appréciait bien aujourd'hui, autrefois ce n'était pas la même chose. Lorsqu'elle était chaton, j'étais déjà un jeune guerrier ayant eu un récent baptême. Puis, quelques lunes plus tard, on m'avait confié Nuage de la Salamandre comme apprenti. Nuage Fauve, ayant à peu près le même âge avait été ensuite confiée à un vétéran de mon clan, Croc de Renard. Mon apprenti et elle se disputaient souvent, certes, mais ce n'était pas cela qui m'avait gêné. En fait, Pelage Fauve était, comment dire... Dégoûtée de ma présence? A cause de mon oeil, je m'en doutais. Elle ne l'avait jamais formulé à voix hautes jusqu'au jour où durant une dispute entre Pelage Fauve et Souffle de la Salamandre, je l'avais entendue se moquer de moi par rapport à mon oeil. Cela m'avait rempli de dégoût, de tristesse et surtout, de colère. Cette colère noire s'était emparée de moi. J'étais sorti de ma cachette où j'entendais tout et j'avais feulé,

" Dis-donc toi, je vais t'apprendre le respect ! Je te signale que tu n'es pas encore guerrière. Tu vas passer la lune à t'occuper des anciens. Je parlerais à Etoile des Brises de ton comportement et il ne sera pas contre cette punition. "

Quelques temps plus tard, son comportement envers moi avait changé. Je ne savais pas à quoi cela étais-ce dû. Je rageais lorsque l'on avait ce genre de comportement devant moi. Je me battais aussi bien que n'importe quel guerrier. Et même mieux, j'étais entraîné par un guerrier mort qui en avait plus vu qu'eux tous réunis, ils ne comprenaient donc rien ! Mais à ma grande frustration, j'étais obligé de taire ceci et j'ai dû chasser et me battre le plus férocement possible pour prouver ma valeur auprès de mon clan. Suite à cet épisode, nous avions doublé les entraînements dans la Forêt Sombre avec Rapace Nocturne, même quand Serres d'Aigles n'était pas là. Presque à chaque fois que je dormais, j'allais voir Rapace Nocturne presque à chaque fois que je dormais, me laissant ainsi aucun repos. J'étais à ce moment dans une colère froide, j'avais un désir de vengeance et de pouvoir fort. J'étais de plus en plus agressif au combat. Et surtout, je m'exposais de plus en plus à Rapace Nocturne.
Aujourd'hui encore, j'en gardais un goût amer. Je m'étais à peine rendu compte que j'étais resté un bon moment la mine sombre et pensif, sans répondre à Pelage Fauve. Mais je n'y en prêta aucune attention. L'oeil luisant de colère, je cracha,

" Tant que ça ne tourne pas à la moquerie envers les autres ! Au prochain coup, on va vouloir me mettre à la tanière des anciens non? Après tout, je ne suis qu'un pauvre borgne stupide ! Comme vous devez avoir honte que je sois chef de ce clan... "

C'était à croire que mon exaspération et ma frustration cumulées lâchaient maintenant. J'avais mal dormi, j'avais des soucis et les mauvais souvenirs ressurgissaient. J'étais à bout de ma patience, et surtout, à bout de nerfs. Le comportement de Pelage Fauve avait changé, certes. Mais sa pensée, avait-elle changée aussi? Impossible à savoir étant donné que je ne pouvais pas pénétrer dans son esprit. Peut-être qu'elle se comportait avait moi comme avec n'importe quel autre camarade pour ne pas s'attirer des ennuis.
Mon poil se dressait sur mon échine. Je montrai mes crocs et je plongeai mes longues griffes recourbées dans la terre. Que devais-je faire d'autre pour prouver ma valeur ? Fallait-il que je fasse pousser de l'herbe à chats ou que je décroche la lune ?
Je sentis un grognement monter dans ma gorge, puis je m'interrompis. Dans mon oeil, il n'y avait plus de la colère mais de l'effroi. Qu'étais-je en train de faire? Honteux, je murmura,

"Désolé..."

La gorge nouée, je me dis que ce comportement n'était pas digne de mon rang. Je ne devais pas douter de mes camarades et encore moins m'emporter contre eux. J'avais mal agi, j'avais fait l'idiot.
Ce fut comme si je sentis mes forces me quitter. Mon oeil exprimait désormais la tristesse et la lassitude. Je secouai la tête et je commençai à marcher dans la direction opposée, la queue basse, épuisé par le manque de sommeil. C'était comme si on m'avait vidé de mes émotions ou que l'effort m'avait épuisé.
Ne connaissant pas parfaitement Pelage Fauve, je ne pouvais pas prédire sa réaction. Allait-elle se fâcher? Allait-elle me rattraper pour me dire quelque chose? Allait-elle me laisse aller en songeant que je n'en valais pas la peine? Allait-elle faire autre chose encore?

Pelage Fauve remarqua qu’elle riait toute seule et qu’Étoile du Griffon restait silencieux, le regard noir, comme s’il fixait un ennemi juré. Elle s’arrêta, déconcertée et contemplait l’œil flamboyant de son ami en guettant sa réaction. Déjà, le fait que justement, il n’en ait pas, était bizarre. Elle voulut lui demander ce qu’il avait quand il sortit enfin de mutisme en feulant :


« Tant que ça ne tourne pas à la moquerie envers les autres ! Au prochain coup, on va vouloir me mettre à la tanière des anciens non ? Après tout, je ne suis qu'un pauvre borgne stupide ! Comme vous devez avoir honte que je sois chef de ce clan... »


La guerrière recula. C’était exactement ce qu’elle disait lorsqu’elle était apprentie. Le lui reprochait-il encore aujourd’hui ? Alors qu’elle le considérait être son ami ? Pelage Fauve voyait sa frustration et sa colère par sa fourrure hérissée, ses crocs découverts et ses longues griffes qui raclaient la terre – comme s’il rêvait de les planter dans une proie ou un adversaire. Qu’est-ce qui se passe ? M’accuse-il de m’être moquée de lui, plus jeune ? Comment on en est arrivé là ? se demanda-t-elle, perdue. La femelle haute sur pattes n’aimait pas ce changement brutal d’attitude et ses plaintes. A quoi joue-t-il ? Elle entendit un grondement sourd monter dans la gorge du meneur qui s’interrompu presque aussitôt. Il sembla troublé un instant.


« Désolé…, murmura-t-il. »


D’un air abattu, le grand mâle tigré secoua sa large tête puis tourna les talons, la queue touchant le sol. Pelage Fauve renifla en se détournant, après tout, Étoile du Griffon pouvait être quelqu’un d’autre qui cacherait bien son jeu. Celui qu’elle connaissait n’était peut-être qu’une façade. Le masque était tombé. Elle voulut rentrer au camp, laissant son chef dans la déroute mais un-je-ne-sais-quoi la retint. Non, Étoile du Griffon est bien celui que je crois, il a des problèmes qui le dépassent, se dit-elle en se retournant. Pelage Fauve le rattrapa en plusieurs bonds et lui barra le passage. Elle fouettait l’air de sa queue, agacée. Elle le dévisageait sévèrement, toute lueur sympathique dans ses yeux verts avait disparue.


« Qu’est-ce qui te prend à geindre comme un chaton ?! Tu veux rejoindre la tanière des anciens ? Et bien vas-y ! Le Clan du Vent ne veut pas d’un chef qui refuse de l’être. Souffle de la Salamandre te remplaceras et peut-être fera-t-il un meilleur meneur que toi ! gronda la chatta fauve. »


Ses paroles étaient dures, voir blessantes. Son pelage brun-roux avait doublé de volume et ses babines s’étaient retroussées comme si elle allait plonger ses crocs dans la chair du matou. Mais elle ne s’arrêta pas là…


« C’est vrai que c’est tellement facile de mettre ses échecs sur le dos d’un handicap ! C’est stupide aussi, fit-elle d’un ton sec et froid. »


Sans prévenir, elle se jeta en feulant sur le mâle brun tigré toutes griffes dehors. Grâce à l’effet de surprise, elle put le clouer au sol – il était beaucoup plus fort qu’elle, ça, la guerrière ne pouvait pas le nier. Elle lui donna un violent coup de patte au-dessus de son œil aveugle.


« C’est exactement ce que je te reprochais quand j’étais apprentie ! Je prenais les aveugles, les guérisseurs, et les malades pour des boulets pour le clan. Je te prenais pour un faible et tu l’es resté ! Montre-moi que j’ai tors ! rugit Pelage Fauve qui cherchait à le pousser à bout. »


La grande femelle n’avait jamais combattu Étoile du Griffon ou un membre de son clan – à part son ancien mentor. Mais elle n’avait pas peur, elle pensait que grâce à l’enseignement de la Forêt Sombre, elle était beaucoup plus redoutable et agressive que les autres guerriers. Peu importait qu’elle ait tué un traître au fond puisqu’à présent, elle pouvait mettre son avantage au profit de son clan. Bien sûr, elle ne voulait pas la mort de son ami qu’elle appréciait beaucoup – plus que ce qu’elle croyait. Elle mordit alors sans ménagement le cou du matou tigré en prenant soin de ne prendre que la peau.

(Yeah ! Fauve en mode vénère >:D)

[ Yeah 8D ]

L'attitude de Pelage Fauve changea complètement. Il n'y avait plus aucune trace de sympathie en elle. Comment cette discussion avait pu tourner ainsi aussi rapidement? C'était imprévisible. Maintenant, Pelage Fauve semblait en colère plus que jamais. Et pire... Elle m'attaquait ! Qu'essayait donc t-elle de faire? Ses paroles me blessèrent aussi durement qu'un coup de griffe. Alors, c'était ainsi qu'elle pensait? N'avais-je donc pas plus d'estime que cela? Bizarrement, le comportement de la chatte me semblait bizarre, j'avais la nette impression qu'elle essayait de me pousser à bout, mais je ne fis pas attention. Toute fatigue semblai avoir disparu de mon regard ainsi que toute lassitude. Mon oeil luisait de colère, non de haine pure. Si ses paroles étaient blessantes, elles avaient réussi à me piquer au vif. Alors qu'elle tentait de me mordre. Elle ne semblait pas y aller à fond, sinon elle m'aurait vraiment fait mal. Elle allait voir qui savait se battre, elle ignorait que j'étais entraîné dans la Forêt Sombre ! Dans une technique répétée là-bas, au risque de me trahir, je l'effectua : je me dressa sur mes pattes arrière pour la boxer de mes pattes avants, griffes sorties. Ensuite, je fis une roulade sur le côté pour empêcher mon adversaire d'avoir des prises sur moi. Je m'étais glissé vers son flanc. De là, je pus mettre mes pattes sous elle et je les releva vivement dans le but de la faire tomber. Reculant d'un bond, je feulai,

" Tu oses... "

Une camarade de mon clan m'insultait et m'attaquait ! L'atmosphère était étrange. C'était comme si je sentais Rapace Nocturne près de moi, me feulant des instructions. En glissant l'oeil sur le côté, je remarquai qu'il y avait personne.
Une flamme étrange brillait dans mon regard. Le feu de la bataille? Quoi qu'il en soit, j'avais oublié que j'avais une camarade devant moi. Il me semblait que c'était juste un adversaire à écraser, un adversaire menaçant mon clan, comme sur le champ de bataille. Dans ces moments-là, je n'étais pas sûr de savoir me contrôler. En effet, la situation échappait à mon contrôle, je ne me concentrais plus que sur les mouvements, les jeux de griffes et de crocs. Sans réfléchir, dans un feulement rageur, je bondis, ruai de mes pattes arrières, frappai de mes pattes avant dans un mouvement tant de fois répété dans une sombre forêt où la lumière des étoiles ne brillait jamais. Puis, je mordis Pelage Fauve à la jugulaire.
Qu'étais-je donc en train de faire? Je me rendis compte avec horreur que j'étais en train d'infliger la morsure fatale de Rapace Nocturne. Je reculai d'un bond, dérapant au sol, cette expression d'horreur toujours figée dans mon oeil. Que m'arrivait-il? Pelage Fauve était ma camarade, je ne devais jamais utiliser ce genre de mouvements contre mes camarades, c'était un déshonneur !

" Tu veux savoir ce qui me hante depuis tant de lunes? Il existe un endroit où vont les esprits rejetés par le Clan des Etoiles. Cet endroit s'appelle la Forêt Sombre. Un guerrier de cette forêt, Rapace Nocturne, m'avait entraîné. Il m'avait promis un bel avenir. Il disait qu'il pouvait me fournir un entraînement martial digne de ce nom pour que je puisse me battre au mieux pour mon clan. Mais surtout... Il m'avait promis le pouvoir. J'étais tenté par ses promesses et j'ai accepté. "

Je repris mon souffle. Mon regard était loin. Je semblais fixer une scène qu'étais le seul à pouvoir voir, plongé dans les mauvais souvenirs. J'étais en train de révéler mon secret. Chose que je n'avais jamais partagée avec qui que ce soit. A vrai dire... Je comptais mourir avec. Jamais je n'aurais imaginé le révéler ainsi. D'ailleurs comment aurais-je pu imaginer ce jour et la tournure de ma rencontre avec Pelage Fauve? Faire le premier pas pour révéler le secret, ce fut comme si je m'apprêtais à sauter dans le vide. Après avoir marqué une pause, je repris,

" J'avais soif de prouver ma valeur. J'étais envahi de vengeance. Mais j'ai appris trop tard la nature de Rapace Nocturne. Nous poursuivions les entraînements, comme à notre habitude. Il m'apprenait même à tuer, mais je n'ai rien fait pour couper le lien. "

Je marquai une nouvelle pause, l'air hésitant. Je savais que j'allais révéler le plus gros de mon secret et que je risquai de perdre la confiance de Pelage Fauve pour toujours. Je choisis volontairement de ne pas mentionner Serres d'Aigle. Je ne voulais pas mettre d'autres chats dans ce sac, même si je ne savais pas s'il foulait le Clan des Etoiles ou la Forêt Sombre, s'il représentait une menace potentielle ou non. Mais, c'était un brave guerrier, aujourd'hui décédé. Et je voulais qu'on se souvienne de lui comme un grand guerrier, non comme un chat qui aurait trahi le code du guerrier en suivant des chats qui n'auraient jamais pu lui être loyal. Je ne savais pas pourquoi, mais mon instinct me disais de poursuivre,

" Ce fut lorsque j'ai été nommé lieutenant que tout s'est compliqué. Tu te souviens du signe qu'avait reçu Etoile des Brises? Eh bien, il ne venait pas du Clan des Etoiles même si celui-ci voulait que je devienne lieutenant mais je ne le savais pas. J'ai enfin compris la nature de Rapace Nocturne. Il ne cherchait qu'à me contrôler. J'ai rompu le lien et il l'a mal digéré. Lorsque Etoile des Brises a perdu sa dernière vie, je devais devenir chef. Mais j'avais à ce moment-là peur, peur que le Clan des Etoiles me rejette ou que ce ne soit pas lui qui m'accueille. "

Je fis de nouveau une courte pause. Je me rappelait très bien l'angoisse qui m'avait noué la gorge lorsque j'étais allé à la Pierre de Lune. Le pire de tout était que je ne pouvais pas le montrer. Que Âme du Dragon, qui cheminait près de moi, ne devait rien savoir. J'avais peur que ce que le Clan des Etoiles pouvait lui révéler. En fait, ce n'était pas vraiment pour moi que j'avais peur, mais pour mon clan. Comment le Clan du Vent pouvait-il être dirigé convenablement si son chef n'était pas accepté par le Clan des Etoiles? C'était impossible. J'espérais de tout mon coeur que le Clan des Etoiles me pardonnerait et m'accorderait mes neuf vies. Après tout, j'avais rompu avec la Forêt Sombre et Rapace Nocturne. C'était ce qui comptait non? J'étais soulagé au-delà des mots lorsque le Clan des Etoiles m'avait accordé mes neuf vies.

" Finalement tout s'est bien passé. Alors que je croyais m'être débarrassé de la Forêt Sombre pour toujours, parfois, quand je rêve, j'entends encore les murmures de Rapace Nocturne, je me demande s'il ne veut pas se venger... "

Voilà, j'avais tout dit. Etrangement, maintenant que j'avais tout révélé, je me sentais... Mieux. Je me sentais soulagé. Comme si j'avais fait tomber un fardeau qui pesait depuis bien trop longtemps... Et c'était un peu le cas. En n'en parlant jamais, pas même à Âme du Dragon qui était pourtant ma guérisseuse et ma plus proche conseillère. J'avais accumulé les frustrations. J'avais enduré le poids lourd de mon secret pendant trop de saisons. Le seul chat étant au courant de tout cela était Serres d'Aigle, aujourd'hui décédé. Et encore... A la fin de sa vie, nous nous étions très mal entendu et j'avais justement peur qu'il me trahisse ou révèle notre secret. Donc, en fin de compte, ce partage n'était pas vraiment un réconfort. Si je disais tout cela à Pelage Fauve, je ne le dirais à personne d'autre car comme on dit, un secret partagé n'en est plus vraiment un... Mais je lui faisait confiance. Je savais que si je lui disais tout ceci elle ne le révélerait à personne. C'était sa réaction, encore, que je ne pouvais pas prédire.

" Le Clan des Etoiles sait quels sont les chats destinés à devenir chef. Et il m'a dit que c'était ma destinée et qu'elle se serait accomplie quoi qu'il arrive. Mais comment aurais-je pu le savoir? Lorsque j'étais chaton, tout le monde semblait me traiter en paria. Bon, ce n'étais pas la seule cause, j'avais aussi beaucoup d'ambition. Rapace Nocturne était pour moi un cadeau tombé du ciel. Il m'a aidé à combattre mieux qu'un guerrier ordinaire. Mais j'ai appris une chose : pour être un guerrier, il ne suffit pas de savoir chasser ou se battre. "

J'avais murmuré bas, comme si je parlais à moi-même. J'agitais frénétiquement la queue l'air de dire voilà, tu sais tout, t'es contente maintenant? Et oui, même le chef de clan a ses secrets. Tout le monde en a en fait non? Pourtant, je n'en menais pas large.
Pourtant, après avoir fait mes déclarations, la flamme qui s'était allumée dans mon regard s'éteignit peu à peu et je commençai à me calmer. A reprendre mon air normal en fait.
Je levai mon regard pour le plonger dans celui de Pelage Fauve. J'avais peur de ce que je risquais de découvrir. Perdrais-je sa confiance pour toujours? Je ne l'espérais pas. Cette idée me pinça le coeur car Pelage Fauve était une amie plus précieuse encore que je l'imaginais...

[ Mode Pavé César on
Nan, franchement j'avais de l'ispi' *__* ]

Pelage Fauve su que ses paroles l’avait piqué au vif quand Étoile du Griffon sorti de sa lassitude et de son abattement, remplacés par la colère. Je sais que tu as envie de plonger tes griffes dans ma peau mais tu vas pouvoir enfin me dire ce qui ne va pas chez toi, se dit-elle, contente de l’effet de ses mots sur le matou tigré. Ce dernier se leva sur ses pattes arrière et la martela de coups, griffes sorties. Il roula sur le côté avant que la guerrière ne rispote puis il la fit tomber. Pelage Fauve était déboussolée. Comment connaît-il cette technique ? Seuls les guerriers de la Forêt Sombre et leurs apprentis la connaisse ! M’as-t-il vu l’utiliser ? se demanda-t-elle, en cherchant désespérément une réponse à toutes ses questions.


« Tu oses…, gronda le meneur en reculant d’un bond. »


Étoile du Griffon se rua alors sur elle, comme si elle était une véritable menace pour lui. Toutes griffes dehors, les deux chats se battaient sauvagement. Des touffes de fourrure volèrent, et des gouttes de sang éclaboussèrent le sol. Le matou brun utilisait encore une autre technique de la Forêt Sombre que Pelage Fauve essayait tant bien que mal de résister, ripostant comme elle pouvait. Est-ce qu’il sait que je me suis entraînée dans la Forêt Sombre ? Le Clan des Étoiles lui a-t-il dit ? Ou Âme du Dragon ? Est-ce qu’il veut me faire payer ? Mais la femelle au pelage brun-roux faisait pourtant attention lorsqu’elle combattait avec un rival. C’était impossible, personne ne savait ! Alors comment se fait-il que… ? Son sang se glaça d’effroi quand Étoile du Griffon planta ses crocs dans la jugulaire. Il va me tuer ! Elle lâcha d’un miaulement déchirant en pensant qu’elle allait mourir aussi bêtement. Mais Étoile du Griffon fit un bond en arrière, aussi horrifié qu’elle. Pelage Fauve était à bout de souffle, elle s’assit sur le sol meuble de la lande. Il lui expliqua alors tout.

Quel choc ce fut lorsque le meneur lui révéla qu’il s’était lui aussi entraîné avec la Forêt Sombre ! La force, le pouvoir, l’honneur : ce que lui avait également proposé Croc de Renard si elle promettait de toujours être loyale à lui et à son clan ! Les raisons qui avait Étoile du Griffon à accepter l’offre de Rapace Nocturne – elle se souvenait vaguement avoir déjà entendu ce nom – étaient légèrement différentes. A cause de son œil, il voulait à tout prix prouver sa valeur puis un jour devenir chef. Ensuite, c’était la même chose pour eux deux : être le meilleur combattant pour son clan. La soif du sang. Le mâle tigré était hésitant à tout lui dire, elle s’en doutait : ce genre de secret devait le rester. Il lui avoua que le signe qu’avait reçu Étoile des Brises ne venait pas du Clan des Étoiles, son angoisse lorsqu’elle perdit sa dernière vie et qu’il devait se rendre à la Pierre de Lune, et parfois sa frustration quand son ancien mentor de la Forêt Sombre lui parlait en rêve. La tirade du matou s’acheva sur un murmure. Il était agité mais peu à peu, il se calma : la lueur de colère dans son œil s’éteignit. Étoile du Griffon posa ses yeux sur elle mais Pelage Fauve du mal à soutenir son regard. Et qu’est-ce que je suis censée faire maintenant ? Avouer à celui qui a essayé de me couper la jugulaire qu’en fait, nous sommes pareils ? Des sentiments contradictoires la tiraillaient de part en part. Je m’en débarrasserais donc jamais ? se demanda-t-elle en pensant à la Forêt Sombre. Tous ses vieux souvenirs resurgissaient à la surface. Mon passé n’appartient qu’à moi, c’est mon secret !


« Comme je te comprends, Étoile du Griffon… dit-elle dans un murmure, l’air sombre. Ne t’inquiète pas, je ne dirais rien à personne. Ce serait hypocrite de ma part car… Je me suis aussi entraînée avec la Forêt Sombre. »


Elle était incapable de le regarder en face, comme si elle avait honte. Elle s’était résignée à ne rien dire, à emporter avec elle cette partie de sa vie faite de mensonges dans sa tombe. Mais elle ne voulait plus mentir, pas à Étoile du Griffon.


« Croc de Renard s’y était lui-même entraîné avant moi. Nous avions donc fait un pacte : si je restais fidèle à la Forêt Sombre et au Clan du Vent, il ferait de moi la meilleure combattante de tous les temps, elle fit une pause, remuer tous ces souvenirs lui était insupportable, J’adorais ces entraînements, le combat et… Le sang. Même après mon baptême de guerrière j’ai continué à fouler cette forêt noire. Mais le Clan des Étoiles m’a parlé, j’ai pu voir ma mère et mes frères, dit-elle émue. »


Elle ferma les yeux en se rappelant la douce odeur de Patte d’Ecureuil et ses petits frères. Ces derniers lui avaient assuré qu’ils ne la portaient pas pour responsable de leur mort. Cela avait été un profond soulagement pour elle. Mais aussitôt, son visage s’assombrit en reprenant :


« J’ai compris que je suivais le mauvais chemin et surtout, que mes mentors m’utilisaient à leur compte. J’ai coupé dès lors tout contact avec eux mais Croc de Renard était furieux. J’avais brisé le pacte, je devais être punie, un petit rictus la secoua, Il a tué mon père et ce lâche s’est enfui. J’ai donc quitté le clan pour le chercher et accomplir ma vengeance. Quand je suis revenue, je vous ai dit à tous que je ne l’avais pas trouvé. C’était faux, je l’ai vu en train de comploter avec des solitaire contre notre clan et à nos retrouvailles, je l’ai tué. »


Elle se rappelait encore de tout : la rage qui bouillonnait en elle après des lunes d’attente, le goût du sang chaud lorsqu’elle plongea ses crocs dans son cou, ses pattes couvertes de son sang, ses blessures qui la brûlaient et le voile blanc qui avait recouvert les yeux jaunes de son ancien mentor. Puis enfin, la paix durant plusieurs lunes.


« Je l’ai vu près du cadavre de Nuage Bleu. Parfois, je sens sa présence, je l’entends quand il me parle. »


Elle choisit de taire qu’elle pensait que c’était Croc de Renard qui avait tué son premier apprenti car elle n’en était pas sûre. Et surtout, parce que cela signifiait que les chats morts pouvaient assassiner les vivants. Finalement, elle redressa la tête pour plonger ses yeux verts dans ceux de son chef :


« Je crois qu’on ne se débarrassera jamais de nos vieux démons, fit-elle dans un rire amer, complètement abattue. »



(Le temps des révélations xP)

Maintenant que j'avais pu tout dire, j'étais... Soulagé? Oui, soulagé de ne plus supporter ce fardeau seul. Le pire était ce que je venais de faire. Jamais je ne m'étais pris à un camarade de la sorte et jamais je n'aurais dû le faire. Un goût de bile monta dans ma gorge. Qu'avais-je fait? Etais-je en train de devenir un chat sanguinaire? Si je ne m'étais pas contrôlé, dans le feu de l'action, j'aurais pu tuer Pelage Fauve. Cette idée m'effraya. Je devais me contrôler et suivre la voix du Clan des Etoiles. Pas que pour moi-même, mais aussi pour mon clan. Je me jurai que ce genre d'incidents ne se reproduiraient jamais. Les mauvais esprits auraient beau faire, je restais moi-même. C'était en me connaissait, mes forces et mes faiblesses qu'ils avaient pu me manipuler. Mais pourquoi Rapace Nocturne s'était intéressé à moi au fait? Etais-ce par vengeance personnelle? Dans ce cas, que lui aurais-je fait? Ou plutôt serais-ce pour le plaisir de jouer avec une destinée? La dernière hypothèse semblait la plus probable. Voyez-vous, le destin de ceux qui dirigeront leur clan est tracé à l'avance. Ces chats sont tous choisis par le Clan des Etoiles. Rapace Nocturne le savait. Ce devait donc être pour cela qu'il s'était amusé avec moi. Amusé, ce mot me laissait amer.

Je ne fus pas au bout de mes surprises. Pelage Fauve me raconta son secret. Ainsi, elle aussi était allée dans la Forêt Sombre. Ce devait donc être de là qu'elle tenait sa férocité au combat. Avait-elle reconnu les coups que j'avais utilisé? Probable, probable.
En même temps, je me souvenais de Croc de Renard. Un guerrier assoiffé de pouvoir. Je l'avais déjà vu s'entraîner dans la Forêt Sombre mais je préférais garder ce détail pour moi car la culpabilité me rongeais. Quel dommage qu'il soit devenu le mentor de Pelage Fauve ! Aurais-je dû confier ce que je savais du vétéran à Etoile des Brises ? Non, c'était impossible. Premièrement, je ne pouvais rien dire sans me trahir et avouer que je m'étais entraîné là-bas. Et puis, à l'époque, j'étais l'un des plus jeunes guerriers du clan alors que Croc de Renard était un vétéran respecté malgré sa réputation de guerrier agressif. Etoile des Brises m'aurait-il seulement écouté ? Sûrement pas.

Ainsi, la guerrière brun-roux me confia tout comme je l'avais fait. Je me souviens qu'il y avait une brève période où elle avait quitté le clan. Elle ne nous avait pas vraiment dit ce qu'elle avait fait durant tout ce temps mais les autres avaient pris un peu de temps pour l'accepter à nouveau dans le clan. Même si aujourd'hui, on ne remettait plus sa loyauté en question. Il était ici question de meurtres et de complots. Comment pouvait-on cacher tous ces secrets dans un clan ? C'était un mystère. Il me semblait tout à coup que les secrets explosaient au grand jour, comme lors de la destruction d'un barrage retenant une grande quantité d'eau. Je m'interrogeai. Qui d'autre avait de tels secrets ? Qui d'autre s'était entraîné dans la Forêt Sombre ? Que voulaient-ils à la fin ? Je me rassurai en me rappelant que le Clan des Etoiles était toujours là, lui et qu'il veillait sur les quatre clans de la forêt comme il l'avait toujours fait. Les félins de la Forêt Sombre étaient moins nombreux et n'avait pas autant de pouvoirs qu'eux. "Je crois qu’on ne se débarrassera jamais de nos vieux démons," avait-elle dit d'un air abattu. Je n'étais pas d'accord, je pensais qu'elle avait tort. Je me redressa, l'air déterminé.

" Non Pelage Fauve, tu as faux. Ces chats veulent juste nous contrôler pour satisfaire nos désirs personnels mais nous ne céderons pas à la faiblesse car nous possédons des choses qu'eux n'ont pas et ne peuvent pas comprendre : l'honneur et la loyauté. Grâce à cela, nous sommes de vrais guerriers alors qu'eux ne sont que des traitres qui ne vaillent pas mieux que des chats errants. C'est cela qui fait que nous sommes plus forts qu'eux car nous avons le coeur d'un guerrier. Ces chats sont peut-être nés dans un clan, mais ils n'ont pas le coeur d'un guerrier. "

Mon miaulement était ferme, j'avais regagné des forces à chaque parole. C'était le genre de discours que je faisais pour galvaniser mes troupes, souvent avant de partir en guerre. Enfin... Pour l'instant, nous n'avions pas vraiment eu de guerre jusque-là puisque j'étais chef depuis seulement six lunes à une période où les quatre clans étaient détendus. Il s'agissait plutôt de rixes frontaliers. J'employais ce genre de discours vers la fin du règle d'Etoile des Brises, lorsqu'il arrivait à sa dernière vie et que je prenais de plus en plus de pouvoir dans le Clan du Vent. C'était désormais mon rôle de passer autour de mes troupes, d'encourager les miens, de les galvaniser et de les rassurer. Je ferais tout pour eux et je voulais me montrer digne du Clan des Etoiles. J'espérais que mes discours allaient convaincre Pelage Fauve comme ils arrivaient à me convaincre.

" Nous n'utilisons pas les coups-bas et la manipulation pour vaincre mais le courage et la loyauté car nous appartenons au Clan du Vent ! Nous n'avons rien à craindre de ces félins. Et le Clan des Etoiles veillera sur nous quoi qu'il arrive. Ils ont moins de pouvoirs que le Clan des Etoiles et ils ont de grosses faiblesse, ne l'oublies pas. "

Mon regard s'arrêta sur la blessure de Pelage Fauve à l'épaule que je lui avais moi-même infligé. J'avais honte en repensant à cela et à la manière dont je m'étais emporté. Je me creusai la tête. Qu'utilisait Âme de Dragon déjà pour soigner les blessures? Ah oui, les toiles d'araignées ! D'ailleurs, il me semblait en avoir vu près du Grand Rocher. Je fis le tour et je vis une belle toile au pied de celui-ci. Je l'enroulai autour de ma patte puis je me dirigeai vers Pelage Fauve et je l'appliquai sur son épaule. Sans la regarder je dis,

" Désolé pour tout à l'heure. Je n'aurais jamais dû m'emporter, surtout pas contre toi. "

Et si je n'avais pas su me contrôler à temps? Et si j'avais porté un coup fatal à la guerrière brun-roux? Un frisson d'indignation me parcouru en y pensant. Non, jamais je n'aurais fait cela. Mais Pelage Fauve me pardonnerait-elle ce geste? Après tout, le combat durant lequel nous nous étions affrontés était beaucoup plus violent qu'un combat normal. Même si le champ de bataille, les guerriers n'étaient généralement pas aussi cruels. J'espérais juste que Pelage Fauve ne penserait pas que cela soit ma vraie nature car c'était faux. Si j'étais farouchement loyal et féroce sur le champ de bataille, je n'étais pas un monstre et je possédais aussi un certain sens de l'honneur.

Pelage Fauve avait l’impression que le poids de son terrible secret s’était évaporé. Son fardeau était partagé, deux fois moins lourd à porter. Maintenant, elle portait aussi celui d’Étoile du Griffon et elle n’en revenait toujours pas. Mon excès de colère a finalement porté ses fruits même si je n’imaginais pas du tout que ça finirait comme ça…, se dit-elle, toujours aussi abasourdie. Toutes ces révélations l’avait épuisée. La femelle était cependant inquiète de la tournure inattendue des événements. Et si j’avais fait une erreur en parlent de tout ça à Étoile du Griffon ? Tout à coup, ce dernier redressa la tête, son œil ambré brillait de détermination.


« Non Pelage Fauve, tu as faux. Ces chats veulent juste nous contrôler pour satisfaire nos désirs personnels mais nous ne céderons pas à la faiblesse car nous possédons des choses qu'eux n'ont pas et ne peuvent pas comprendre : l'honneur et la loyauté. Grâce à cela, nous sommes de vrais guerriers alors qu'eux ne sont que des traitres qui ne vaillent pas mieux que des chats errants. C'est cela qui fait que nous sommes plus forts qu'eux car nous avons le cœur d'un guerrier. Ces chats sont peut-être nés dans un clan, mais ils n'ont pas le cœur d'un guerrier. »


La guerrière n’était pas totalement convaincue. Effectivement, on leur avait promis à tous deux le pouvoir et la force. Mais ils avaient accepté pour être plus utile à leur clan. Cela faisait-il qu’ils restaient loyaux, en fin de compte ? Ils avaient aussi coupé le lien avec la Forêt Sombre depuis longtemps. Ils avaient su depuis résister à l’appel du pouvoir et du sang. Enfin… Jusqu’à aujourd’hui, pensa la chatte brun-roux.


« Nous n'utilisons pas les coups-bas et la manipulation pour vaincre mais le courage et la loyauté car nous appartenons au Clan du Vent ! Nous n'avons rien à craindre de ces félins. Et le Clan des Etoiles veillera sur nous quoi qu'il arrive. Ils ont moins de pouvoirs que le Clan des Etoiles et ils ont de grosses faiblesse, ne l'oublies pas. »


Pelage Fauve sourit intérieurement, c’était ce que disait un meneur à son clan avant de partir dans la bataille ou pour leur redonner du courage dans les temps difficiles. Pour la convaincre qu’ils n’avaient plus rien à voir avec les guerriers de la Forêt Sombre mais la femelle haute sur pattes pensait toujours que leur passé faisait partie d’eux, qu’ils ne pouvaient pas amputer cette partie de leur vie ou tout simplement l’oublier, comme si elle n’avait jamais existée car c’était faux. Elle restait là, tapie dans l’ombre, prête à resurgir à n’importe quel moment. Qui essayes-tu de convaincre Étoile du Griffon ? Pelage Fauve haussa les cils d’étonnement quand celui-ci se dirigea vers le Grand Rocher. Qu’est-ce qu’il fait ? Il s’en va ?
Le matou tigré revint dans sa direction en sautillant, une toile d’araignée enroulée autour de sa patte. Elle le laissa l’appliquer sur son épaule sanglante.


« Désolé pour tout à l'heure. Je n'aurais jamais dû m'emporter, surtout pas contre toi, s’excusa-t-il. »


Pelage Fauve vit une blessure qui lézardait le flanc de son chef et y donna quelques coups de langue. C’était étrange que les deux félins viennent en quelques minutes à se combattre violemment puis à se soigner.


« Je sais, miaula-t-elle, je ne pensais pas non plus ce que je t’ai dis, avant. Tu es un chef formidable, et un ami à qui je tiens beaucoup. Tu ne seras jamais seul, Étoile du Griffon. »



(Formidable-euh, foooormidable-euh ! ♪)

[ Conclusion? ]

Pelage Fauve n'avait pas l'air totalement convaincue. Je réfléchissais tout bas. J'étais vraiment surpris par la tournure des évènements. Comment aurais-je pu imaginer tout cela en même temps? C'était inconcevable dans mon esprit rationnel d'enchaîner des situations aussi improbables. Voir tout commencer par une discussion normale, continuer dans un combat et finir dans des paroles amicales. Pour moi, le passé était du passé. Seul comptait l'avenir désormais. Ainsi, j'avais décidé de ne pas reparler de ce que l'on s'était dit quelques instants plus tôt. Mais en vérité, ses paroles m'avaient fait aussi mal qu'un coup de griffe. Me jugeait-elle encore durement? Je continuai à m'appliquer sur ma tâche : soigner l'épaule de ma camarade. Je frissonna en sentant le doux contact de sa langue rapeuse sur ma blessure. Je levai les yeux vers elle lorsqu'elle parla. Et ses paroles me soulagèrent au-delà des mots bien que j'essayai de cacher ma joie. Dans un ronronnement, je lui donnai un petit coup de museau sur le flanc. Je finis d'appliquer le dernier morceau de toile, puis je m'interrompis dans mon geste, comme gêné.

" Merci... J'ai toujours essayé d'agir au mieux pour le clan. J'espère que le Clan des Etoiles me pense digne de sa confiance. "

Les compliments de la jeune chatte en particulier m'avaient gêné. Quand je voyais les membres de mon clan croire en moi, je voulais toujours être à la hauteur de leurs espérances. J'avais connu cet espoir reposant sur moi lorsque Etoile des Brises était au terme de sa dernière vie. Cela m'avait fait vraiment... Bizarre. Je n'étais pas un prétentieux et je ne me glorifiai jamais moi-même car je savais que la perfection n'existait pas et qu'il fallait toujours placer la barre plus haut.

" On dira que l'on est tombé sur un solitaire particulièrement féroce. Comme nous sommes près du Chemin du Tonnerre, toutes les odeurs sont effacées par la puanteur. "

Je m'étais brusquement écarté, comme pour revenir soudainement à la réalité. Il fallait bien dire quelque chose au clan. Même si je n'aimais pas mentir au clan, nous ne pouvions pas avouer que nous nous étions battus en plein territoire, c'était inconcevable et Pelage Fauve devait le savoir.
Pourtant, je me souvins du doux picotement que j'avais senti juste avant. Qu'étais-ce donc? Etais-ce pour cela que j'avais été si pressé de m'écarter? Des vagues de sentiments s'échappaient de moi mais ils étaient si complexes que je n'arrivais pas à les démêler. Je choisis donc de les ignorer.
Reprenant un ton pragmatique qui me ressemblait plus, je poursuivis,

" Tu devais patrouiller après, non? Eh bien, je dirais à Souffle du Dragon que tu es dispensée pour la journée, tu iras voir Âme de Dragon en rentrant. "

J'avais pris un air autoritaire et je commençais à redevenir normal pour ainsi dire. Comme si tout cela ne s'était jamais passé. Je retournais dans ma tête à la vie habituelle et quotidienne du clan et cela faisait du bien en fait. Depuis que j'étais sorti du camp, le soleil s'était déjà bien levé dans le ciel et nous devrions partir bientôt pour être rentré à midi, tout en déterrant nos prises au passage. Quant à moi, mes pattes étaient lourdes à cause de mon manque de sommeil mais en rentrant, je n'avais pas le temps de dormir à nouveau. Tant pis, le devoir m'appelait, je me reposerais plus tard...

Étoile du Griffon donna affectueusement un petit coup de museau dans le flanc de la guerrière en ronronnant. Le matou était tout d’un coup mal à l’aise et s’arrêta.


« Merci... J'ai toujours essayé d'agir au mieux pour le clan. J'espère que le Clan des Etoiles me pense digne de sa confiance, il reprit après une pause, On dira que l'on est tombé sur un solitaire particulièrement féroce. Comme nous sommes près du Chemin du Tonnerre, toutes les odeurs sont effacées par la puanteur. " »


Il s’était écarté brusquement. Dans un retour à la réalité, Pelage Fauve opina de la tête. Il a raison, on ne peut pas raconter que l’on s’est battu, se dit-elle en imaginant la tête de leurs camarades s’ils connaissaient la vérité. Elle se demanda alors ce qu’ils penseraient d’eux. Seraient-ils pris pour des traîtres malgré tout ? Mieux ne valait pas le savoir. En tout cas, il ne fallait pas que ça se reproduise. Surtout pas ! Seul le Clan des Étoiles sait…


« Tu devais patrouiller après, non ? Eh bien, je dirais à Souffle du Dragon que tu es dispensée pour la journée, tu iras voir Âme de Dragon en rentrant. »


Le ton d’Étoile du Griffon était plus ferme, plus autoritaire. Elle retrouvait le chef du Clan du Vent qu’elle avait toujours connu. Dans d’autres circonstances, Pelage Fauve aurait rétorqué qu’elle pouvait se débrouiller mais elle encore trop groggy après tout ce qui venait de se passer. En plus – et ça, elle refusera toujours à se l’avouer – cela rassurait la chatte brun-roux que son ami redevienne lui-même. Elle leva la tête au ciel, le soleil était déjà à son zénith !


« Retournons au camp maintenant, les autres vont s’inquiéter de notre absence, fit-elle en se dirigeant vers son lapin caché sous le buisson. »



(THE END ~)