Les doux rayons du soleil chauffaient le pelage de Requiem des Lamentations. Ils étaient accompagnés d'un chant mélodieux, d'une pureté incroyable. Sur une basse branche qui tombait devant la tanière des guerriers, un petit rossignol gris chantait à pleine gorge, son buste gonflé, la queue relevée. Bientôt, son doux son atteignit les oreilles de la femelle brune. Elle se releva, quelque peu dérangée par ce réveil. Le regard furibond, elle repéra rapidement l'oiseau, qui était désormais accompagné d'un autre, plus petit. Résistant à la pitié, elle se jeta sur eux et les acheva d'un coup rapide et peu puissant, rechignant à faire couler le sang. Les proies encore chaudes sous les pattes, l'espionne s'étira et se secoua, retenant un bâillement. Puis, avec précaution, elle enjamba ses camarades de tanières, se cognant par-ci par-là, provoquant tout autour d'elle des grognements. En sortant, la luminosité inégalable de l'astre solaire la frappa de plein fouet, et du consacrer plusieurs minutes assises pour s'habituer à ce soudain changement de vision. Requiem se rappela soudain des deux rossignols laissés devant son dortoir. Elle fit donc demi-tour sans se presser, avec son élégance naturelle. En effet, peu de félin serait capable de l'égaler avec son agilité et sa rapidité hors-du-commun.

Les deux oiseaux correctement calés sous son menton, elle retourna tranquillement près du tas de gibier et les déposa en son sommet. Elle s'apprêtait à chasser en solitaire, mais se ravisa quand elle se souvint qu'il ne lui était pas nécessaire de nourrir le clan pour se remplir la pense soit-même. Le tas était bien garnie et le choix plus ardu. Un magnifique carpe la tentait beaucoup, mais une petite truite aux écailles luisantes finit par clore son choix. Requiem des Lamentations s'installa paisiblement à côté du tas de gibier, songeant à ce qu'elle allait faire de sa journée. Peut-être cette fois-ci l'enverrait-on espionner le clan de l'ombre ? De tous les clans, c'était celui qu'elle haïssait le plus, avec leurs manières exagérées et l'impolitesse de leurs apprentis, qui ne cessaient apparemment jamais de jacasser, et qui passaient la plupart du temps lors des assemblées à ennuyer les guerriers. La féline brune replongea ses crocs dans la chair tendre et juteuse de son repas, qui lui paraissait de plus en plus savoureux au fil des bouchées. Les proies chassés pendant la saison des feuilles vertes se conservaient très bien pendant plusieurs jours et leur goût était très réputé. Cela était évident, puisqu'il s'agissait de la saison la plus chaude et la plus agréable de toute l'année. Dans sa vie de solitaire, Requiem' avait acquit une résistance exceptionnelle au gèle. Elle ne perdait pas sa faculté en clan, et chaque hiver, c'était elle la chatte la plus robuste.

La dernière bouchée du succulent poisson fut encore plus délicieuse que les précédentes, mais se retint tout de même de reprendre une nouvelle proie sur le tas. Elle ne pouvait pas se permettre alors que la nouvelle saison se révélait fertile, et que les petits étaient encore plus nombreux que jamais. Elle enterra les restes de l'animal, puis s'allongea paisiblement au soleil, attendant des éventuels ordres de son chef ou de son lieutenant. Requiem fit sa toilette complète, et pendant qu'elle repassait sa langue râpeuse le long de ses pattes, elle vit un guerrier s'approcher. Ou plutôt une guerrière, car sous le pelage tricolore de cette dernière, elle avait deviné Arc-en-Ciel.

- Bonjour Arc-en-Ciel ! Ça va bien aujourd'hui ?

Requiem des Lamentations observaient avec sympathie son amie. Le vent soufflait doucement, et la brise lui apportait la douce odeur des roseaux ainsi que la mélodie tranquillisante de l'eau se glissant au travers les roches. Le soleil brillait, et plus ce dernier montait dans le ciel, plus l'espionne se disait qu'après tout, la saison des feuilles mortes n'était pas trop mal partie. Le clan mangeait à sa faim, et par la grâce du Clan des Etoiles, les poissons abondaient. Si en prime elle pouvait se faire des amies en qui elle pourrait avoir confiance, elle ne dirait pas non. Elle ne voulait plus rester seule, dans son coin, dépendante des saisons chaudes et souffre-douleur des saisons glacées. C'est l'une des raisons qui l'a poussée à devenir membre du Clan de la Rivière. Requiem' reporta son regard dans celui d'Arc-en-Ciel. Elle semblait sincèrement l'apprécier. Elle fut heureuse lorsque la guerrière tricolore l'entendit et lui donna sa réponse d'une voix douce et chaleureuse :

- Bien le bonjour Requiem des Lamentations. Je me porte très bien, merci et toi , dis moi, comment tu vas ?

La féline brune tigrée lui répondit d'un ton amical, tout sourire, les yeux pétillants :

- Je suis en plein forme, merci. Enfin... Tant que les feuilles seront encore là. rajouta-elle, souhaitant être réaliste.

Requiem des Lamentations voulaient faire part de sa crainte pour la mauvaise saison en ces paroles, mais elle espérait tout de même qu'Arc-en-Ciel la prendrait de l'autre côté et s'amusera des feuilles plutôt que de s'en inquiéter. Par ailleurs, la saison des Feuilles Mortes s'imposaient par-ci-par là. Quelques branches d'arbres avaient déjà pris la couleur mordorée, rouge ou brune des feuilles tombantes, et les journées étaient bien plus courtes. Le clan devra se chasser de plus en plus, et même l'espionne devra s'y mettre, car le gel n'épargnera personne. Le soleil brillait moins intensément, alors que la lune illuminait par ses mille éclats le camp de la Rivière chaque soir. Sans penser aux luttes frontalières qui auraient lieux. Mais ce qui arrangeait bien Requiem' en cette saison là, c'était que l'on lui donne toujours des missions d'espionnages à accomplir.

- J'espère qu'aucune épidémie ne se déclarera pas cet hiver,marmonna t-elle en se recevant une feuille rouge sombre en plein dans le museau.

HRP:

Requiem des Lamentations ne put retenir un léger agacement lorsqu'elle crut apercevoir dans les yeux d'Arc-en-Ciel une lueur d'amusement. Mais elle se rattrapa bien vite : la guerrière ne pouvait en rien savoir à quel point les proies étaient difficiles à attraper lorsque l'automne arrivait seul. Lorsque la saison touchait à sa fin, le vent la balayait, et parfois, l'ancienne solitaire devait dormir à la merci des intempéries. Non, les feuilles, aussi belles soient-elles, cachaient le danger des mauvaises saisons. La guerrière tricolore semblait avoir retrouvé son sérieux. Son ton était calme et paré de bienveillance.
[en cours]