La nuit était des plus calmes. Une légère brise venait faire frissonner les branches des arbres et leurs feuilles vertes. La lune était croissante et sa douce lumière éclairait la clairière où vivait le Clan de la Rivière. Les félins assoupis se laissaient bercer par cette tranquillité des plus paisibles, de même que les sentinelles qui veillaient sur leurs compagnons.

Les premiers rayons du soleil venaient à peine colorer le ciel estival que Nuage de Basilic sortit de sa tanière. La nuit avait été courte pour le jeune apprenti qui n’avait dormi que quelques heures, trop impatient de commencer son entrainement pour rester couché auprès des autres novices. Alors il s’assit quelques minutes près de l’entrée de sa tanière pour se débarrasser des plumes qui étaient venues s’accrocher à son pelage durant son sommeil et remettre à leurs places les épis que formaient sa fourrure. Ceci fait, il ne se dirigeât même pas vers la pile de gibier pour se nourrir. Il allât directement vers la tanière de sa meneuse. Personne n’était réveillé, en dehors de lui et de la garde de nuit. Il se doutait donc qu’Étoile de Larmes non plus, ce qui ne l’empêchât pas d’entrer dans son antre. Curieux, il observât quelques instants l’intérieur en pensant qu’un jour lui aussi pourrait dormir à l’intérieur. Ses yeux s’accoutumèrent à l’obscurité et il finit par repérer son chef dont la respiration était lourde et régulière. Il trottinât jusqu’à la chatte et la secouât de la patte. « Étoile de Larmes ? Étoile de Larmes, réveilles-toi. » murmurât-il à son oreille. Comme elle ne réagissait toujours pas, il lui sautât dessus comme il le faisait avec sa mère ou ses sœurs. « Debout ! » dît-il plus fort pour qu’elle sorte de sa torpeur.

Etoile des Larmes dormait tranquillement dans son nid de mousse entouré soigneusement de roseaux. Roulée en boule la meneuse du clan de la Rivière respirait doucement plongée dans un sommeil profond et réparateur. Si agréable... Mais bientôt un semblant de voix parvint à ses oreilles. Elle ne se réveilla pas pour autant. Bientôt elle poussa cependant un grognement étouffé et ouvrit les yeux. Quelque chose venait de s'enfoncer dans son ventre dans aucune délicatesse. Quelque chose de lourd. Et une voix bruyante lui cassa les tympans.

Se rappelant l'identité de ce petit chenapan la meneuse le repoussa, doucement, et se dressa sur ses hautes pattes. Même si elle était frêle de nature la hauteur que lui offrait ses pattes et son épaisse fourrure la rendait beaucoup plus impressionnante que prévu. Elle fixa son apprenti actuel, Nuage de Basilic, de ses yeux dorés et lui ordonna fermement.

- Attends-moi dehors. J'arrive.

Elle attendit qu'il soit sorti, bon gré mal gré, avant de soupirer. Ses moustaches frémirent avec amusement. Ah ces nouveaux apprentis... Ils étaient encore des chatons au début. Elle s'ébroua et fit une rapide toilette pour se débarrasser des brins de mousse pris dans sa fourrure. Une meneuse et une mentor devait prendre soin de son apparence.

Elle prit ensuite le temps de se remettre de ce réveil brutal avant de sortir sans trop faire attendre son apprenti. Elle ne voulait pas non plus être sadique. L'excitation du premier jour était bien normal après tout. Larmes se souvenait très bien de l'enfer qu'elle avait fait vivre à son mentor le premier jour... Nostalgie quand tu nous tiens. Une fois dehors elle rejoignit Nuage de Basilic et lui adressa un regard amusé.

- Allons-y. Ta première leçon sera une leçon de pêche et de théorie. Suis-moi.

Elle se dirigea vers un endroit du camp où les roseaux bordaient la rivière. Elle s'assit ensuite, enroula sa longue queue autour de ses pattes et regarda l'eau cristalline. Sa patte fusa, rapide comme l'éclair et un éclat argenté brilla sur l'herbe. Un autre coup de patte, quelques gouttes de sang, et elle déposa le poisson devant son apprenti avant de le regarder droit dans les yeux.

- Première leçon. Un apprenti ne doit pas manger avant d'avoir fait son travail. La plupart du temps cela consiste à nourrir les anciens. En patrouille tu as le droit de manger avant de rentrer au camp si la situation t'y oblige. Une longue patrouille par exemple. Mais à la chasse tu ne dois jamais manger avant d'avoir nourri les tiens. Des questions ?

Ce genre de choses était aux yeux de la mentor du jeune chat aussi importantes que l'apprentissage du combat, de la pêche ou de la nage.

Étoile de Larmes finît par se réveiller, et son premier geste et de repousser son apprenti. Celui-ci roule par terre puis s’assoit, le regard rivé sur le pelage blanc de son mentor qui se redresse. Nuage de Basilic ronronne, heureux d’avoir eu le dernier mot et de pouvoir commencer son entrainement. Mais il cessa aussitôt que sa meneuse lui ordonnât d’un ton ferme « Attends-moi dehors. J'arrive. », ne lui laissant d’autre choix que d’obéir. Il ressortit en bougonnant légèrement, mais sa bonne humeur revint presque aussitôt, bien que sa meneuse prît tout son temps avant de sortir de sa tanière. Dès qu’il la vît il se mit sur ses quatre pattes, prêt à la suivre. « Allons-y. Ta première leçon sera une leçon de pêche et de théorie. Suis-moi. » lui dit-elle en se mettant en route. Ils se dirigèrent vers la sortie du camp et s’approchèrent de la rivière qui était bordée de roseaux. Larmes s’assît sur la rive et le novice en fît de même, observant le moindre de ses mouvements. Ses yeux dorés qui balayaient la surface de l’eau, sa patte qui plongeât dans l’eau pour en sortir un poisson, et son calme lorsqu’elle le regardât tout en déposant le poisson devant ses pattes. « Première leçon. Un apprenti ne doit pas manger avant d'avoir fait son travail. La plupart du temps cela consiste à nourrir les anciens. En patrouille tu as le droit de manger avant de rentrer au camp si la situation t'y oblige. Une longue patrouille par exemple. Mais à la chasse tu ne dois jamais manger avant d'avoir nourri les tiens. Des questions ? » énonçât-elle. Nuage de Basilic connaissait déjà cette partie du code du guerrier, et il levât les yeux au ciel en soupirant « Oui oui, je sais … » en attendant la permission pour pouvoir essayer de pêcher à son tour. Mais trop impatient, il demandât directement à sa chef « Je peux essayer ? » en laissant son regard vert passer de celle-ci à la surface de l’eau ridée.

Etoile des Larmes retint un ronronnement amusé. Cela crevait les yeux que son apprenti était du genre impatient. Et bien dommage pour lui elle aimait apprendre la patience à ses élèves. Après tout c'était une qualité indispensable. Que ce soit pour la pêche et la chasse, le combat ou même quand on était chef. Après tout sans sa patience infinie elle deviendrait folle en présence de Chauve Souris. Mais c'était le premier jour d'entraînement elle allait se montrer clémente. La chatte acquiesça doucement avant de répondre à haute-voix.

- Oui tu peux. Ne fais pas de bruit, concentre-toi, suis ton instinct. Il faut arriver à calculer le bon moment et ne pas hésiter une fois que tu as trouvé le timing. Si tu vas trop vite tu le manqueras, mais si tu vas trop doucement il risque de partir.

La chatte était attentive au moindre mouvement de son protégé. Elle observait le moindre de ses faits et gestes. Et était bien sûr curieuse de savoir comment il se débrouillerait. Certains apprentis étaient plus rapides que d'autres à l'apprentissage, certains excellaient à la pêche, d'autres au combat. Tous les chats étaient après tout différents les uns des autres. Etoile des Larmes avait hâte de découvrir comment fonctionnait Nuage de Basilic. Et de lui apprendre tout ce qu'elle savait. Son regard se chargea de tendresse. Presque comme une mère...

- N'oublie pas Nuage de Basilic, patience est mère de sûreté, souffla-t-elle trop doucement pour effrayer les poissons.

Son regard se posa ensuite sur l'eau cristalline et un reflet argenté traversa son champ de vision. Une proie assez grosse. Elle coula un regard vers son apprenti se demandant s'il arriverait à l'attraper dès le premier coup. Ce serait une belle première prise qui aurait de quoi  le rendre fier. Mais même s'il le ratait ce ne serait pas grave. Ils avaient plusieurs de lune pour faire de lui un vrai guerrier après tout.