Je me rappelle ce jour. C'était pour moi, une agréable journée, comme beaucoup d'autres. A vrai dire, depuis quelques lunes, les clans semblaient prospérer. Mais heureusement que toute la vie ne ressemblait pas à cela : du gibier, du bon temps, des activités quotidiennes... Sinon, quel ennui ce serait !
En sortant de ma tanière le matin, je constata non sans satisfaction qu'il y aurait du mauvais temps aujourd'hui. Un peu de fraîcheur ferait du bien au beau milieu de ces saisons chaudes. Et la pluie apporterait de l'eau.
Aujourd'hui, je ne partais pas en patrouille et je ne restais pas au camp. Non, j'avais une autre idée en tête.
Je me dirigea vers la tanière des apprentis. La plupart des novices dormaient encore mais quelques uns étaient déjà partis. Je reconnus le parfum ténu de Nuage de la Rive, l'apprenti espion de Reine de Pique. En effet, les espions et les guerriers partageaient la même tanière.
Je sentis un parfum familier et je ne pris pas longtemps pour repérer une boule de poils blancs ébouriffés. Je la secoua de la patte en murmurant,

" Debout, c'est l'heure de l'entraînement. "

Vous voyez ce chat ? Il s'agit de Nuage de Grêle, mon apprenti et également mon neveu. C'est le fils de ma soeur, Brise de Glace, décédée en mettant bas. En sa mémoire, je m'étais promis de surveiller Nuage de Grêle de mon oeil valide et je l'avais pris pour ainsi dire sous mon aile. Je ne remplaçais pas le rôle de parent, pas du tout. J'étais une sorte de tuteur pour le guider vers le chemin des guerriers.
Une fois que le jeune félin commença à se réveiller, je me dirigeai vers l'entrée du camp.
Cela faisait deux lunes maintenant que Nuage de Grêle était mon apprenti. Mes responsabilités m'empêchaient parfois de m'occuper de lui aussi souvent qu'un simple guerrier mais, même avec mes devoirs, je ne le négligeai pas. De plus, m'occuper de mon apprenti me faisait généralement le plus grand bien. Après une séance, je me changeais les idées, et Nuage de Grêle était un apprenti enthousiaste avec qui il était toujours plaisant de faire les choses.
Une fois qu'il fut arrivé devant moi, je lui fis un signe de la queue, et nous sortions du camp.

A mesure que nous avancions sur le territoire, le temps se fit de plus en plus couvert. On voyait déjà des gros nuages noirs s'approcher et on entendait l'orage. Nuage de Grêle devait sans doutes se demander pourquoi je le faisais sortir par ce temps. Il devait croire que j'étais fou et il aurait été bien mieux au chaud dans sa tanière. Mais, non, je n'étais pas fou. En ce jour, nous nous concentrerions sur la chasse au gibier aérien. Type de gibier que j'avais plus mis en avant depuis que j'étais chef. Nous avions développé des techniques pour attraper les oiseaux afin de ne pas dépendre que du lapin car je savais qu'une dépendance pouvait nous rendre vulnérables en cas de problèmes particuliers.
Les jours d'orage, les oiseaux volaient bas pour chasser les insectes et c'était le temps idéal pour faire de belles prises au niveau du gibier aérien. Je m'étais dirigé vers les hauts plateaux, là où nous aurions le plus de chance selon moi pour la chasse.
Une fois arrivé à destination, je m'assis en face de mon élève et je commençai la leçon de la sorte,

" Cela fait deux lunes que tu es mon apprenti. Tu sais chasser et te battre. Maintenant, nous allons approfondir tes connaissances en chassant le gibier volant. C'est le temps idéal pour faire des prises car les oiseaux volent bas. "

Je commençai d'abord par la théorie avant de passer à la pratique. Aussi j'expliquai quels types de gibier on pouvait croiser sur le territoire, les différentes techniques en passant du merle au corbeau. Je n'allais pas lui enseigner comment se défendre face aux rapaces et comment les chasser car il était pour l'instant encore trop jeune. Plus tard néanmoins, il passerait par là. Les aigles et les faucons étaient des proies rares en plus d'être dangereuses. Elles étaient difficiles à chasser et il fallait généralement s'y prendre à plusieurs en ne prenant pas trop de risques car ils pouvaient infliger de sérieuses blessures.
Je lui montra la position à utiliser pour les petits oiseaux. Ils ne sentaient pas les vibrations sur le sol et avaient une très mauvaise ouïe. Il fallait prendre cela en avantage.
Je me tapis dans les hautes herbes pour me dissimuler. Je m'avança prudemment et d'un pas rapide, pas trop bruyamment. Puis je bondis sur une proie imaginaire à une vitesse impressionnante.
Flairant justement une grive non loin, je fis signe à l'apprenti,

" A toi de jouer."

«  Debout, c'est l'heure de l'entraînement. »

Je sors de mon songe difficilement. Je me demande quel est le chat qui ose me réveiller alors que j'ai bien demandé la veille à mes camarades de tanière de faire en sorte qu'on ne me laisse dormir ce matin. Cela fait déjà plusieurs jours que je me réveille à l'Aube, et pour une fois, faire la grasse matinée ne me ferais pas de mal.
En ouvrant mes paupières, je reconnais le visage défiguré d’Étoile du Griffon. Si cela peut faire peur à certains, ici au clan du Vent, nous avons l'habitude. Ce visage est presque devenu normal pour nous. Presque.

Mon mentor sors au moment ou il voit que je me réveille. Je me met sur mes pattes rapidement, enthousiaste à l'idée d'aller m'entraîner avec lui. Étant le chef, il n'a pas toujours de le temps d'entraîner de son apprenti comme la plupart des mentors. Mais je ne m'en plaint pas, au contraire. Je suis très heureux d'être son apprenti.

Rapidement, je le rejoins à l'extérieur et le suis sans un mot à travers le territoire. L'air est chargé d'humidité ; la pluie ne vas pas tarder à tomber. Je trouve bizarre le fait que le meneur est choisi ce jour là pour venir voir son neveu. Si l'orage arrive droit sur nous, le gibier décampera sans que nous n'ayons le temps de l'avoir. Si c'est un entraînement au combat, le sol sera glissant. Quoi que je ne trouve pas mauvaise l'idée.

Arrivé aux hauts plateaux, Étoile du Griffon se retourna vers moi et s'assit, avant de m'expliquer :

« Cela fait deux lunes que tu es mon apprenti. Tu sais chasser et te battre. Maintenant, nous allons approfondir tes connaissances en chassant le gibier volant. C'est le temps idéal pour faire des prises car les oiseaux volent bas. »

J'écoute attentivement chacune de ses explications, chacune de ses paroles. Il est important que je retienne chaque élément de ce qu'il me dit afin de m'en servir au mieux. Plus tard, quand j'aurais un apprenti, je prononcerais la même chose, à quelques différences près.

Mon oncle fait une démonstration. J'admire sa technique, qui j'en suis sûr, marche à merveille.

«  A toi de jouer. »

Enthousiaste, peut être même trop, je me dirige vers la grive que mon oncle et moi même avons repéré. Je me tapis dans l'herbe, avançant silencieusement vers ma proie. Au bout de quelques pas j'entrevois l'oiseau posé au sol, cherchant quelques insectes sous terre. J'avance encore, puis me prépare à bondir.
Petit moment d'inattention sans doute, je laisse ma queue remonter. La proie, une seconde après, prend son envole. Désespéré de mon erreur, j'essaye tout de même de l'attraper, bien entendu sans succès. Je laisse partir un feulement de rage. Si simple ! Une erreur si bête ! Comment ais-je fait pour ne pas l'avoir ? Non, je dois recommencer.


« Je vais essayer d'en attraper une autre. »

Sans attendre la réponse de mon mentor, je me met à humer l'air. Pas question de rester sur cet échec monumental. Heureusement j'ai énormément de la chance. Non loin, un merle inattentif n'a probablement pas entendu le cri d'alarme qu'a poussé la grive en disparaissant dans les airs. Perché à un arbre, il descend chasser les insectes avant de remonter sur son perchoir.

Je me tapis dans l'herbe, faisant attention à chaque membre de mon corps, plus particulièrement ma queue. Me tenant à une distance que je pense raisonnable, j'attends que l'oiseau descende au sol. Puis je m'élance, cours aussi rapidement que possible et bondit sur la proie qui tente de s'échapper dans les airs. Je l'achève en mordant de sa nuque.

[Bon je ne suis pas encore entré dans la peau du personnage, ça va venir aha x) ]

L'apprenti écoutait attentivement mes conseils. Mais qu'en serait-il sur la pratique ? Nuage de Grêle était un apprenti avec lequel j'aimais bien travailler. Il mettait toujours un plaisir sincère à faire les choses de sorte que c'était presque douloureux de le voir échouer sur certaines tentatives. Il était très enthousiaste... Même trop. Il laissait parfois sa bonne humeur l'emporter pour briser sa concentration car il pouvait parfois faire preuve d'impatience. C'était ce qui avait fait défaut lors de sa traque : son approche était parfaite. Je le voyais s'approcher à pas furtifs de la grive. Il s'apprêtait à sauter... Lorsque, par manque de concentration, il redressa la queue. La proie prit son envol avant même qu'il ait eu le temps de lui sauter dessus. Dommage mais il ne fallait pas se distraire durant la traque ! Alors que je m'apprêtai à lui faire une remarque à ce sujet, le novice me prit de vitesse et annonça qu'il allait trouver une autre proie sans même attendre la réponse.
Je poussai un soupir. On voyait bien là son enthousiasme et sa détermination. Il n'avait pas laissé son échec le démoraliser et voulait persévérer jusqu'à réussir. C'était une bonne qualité et ainsi, il faisait de gros progrès. Je savais qu'une fois guerrier, il servirait son clan au mieux, je n'avais pas de soucis à me faire à ce sujet.
Par chance, un autre merle était dans les parages, n'ayant sans doutes pas entendu le cri de la grive. Nuage de Grêle l'avait flairée lui aussi. Il se mit dans la position et cette fois, il ne s'était pas laissé distraire. Il sauta sur sa proie et l'acheva en lui mordant la nuque.

" Ton approche était bonne. Fais-juste attention à ne jamais te déconcentrer durant la traque ! Les oiseaux sont des proies particulières car il faut beaucoup compter sur sa vitesse pour les attraper. Tu dois utiliser cet atout pour attraper facilement tes proies. "

Je m'étais efforcé de prendre un ton sévère de mentor au lieu de laisser échapper un ronron amusé. Nuage de Grêle était têtu et pouvait parfois agacer les vétérans. Je pensai que cela passerait avec l'âge. Il n'avait que huit lunes après tout.
Nuage de Grêle était rapide et avait un corps plus souple que le mien. Il serait je pense, un meilleur chasseur grâce à son agilité. Il faudrait juste qu'il écoute un peu plus ses aînés !
Ce qui était amusant chez Nuage de Grêle, c'était son pelage toujours ébouriffé. Même des lunes entières de toilettes ne changeraient rien. Mise à part cela, il ressemblait en tout point à sa mère : Brise de Glace.
Je ne pouvais m'empêcher de sentir un goût amer dans ma gueule en pensant à ma fratrie. Serres d'Aigle et Brise de Glace avaient tous deux rejoint le Clan des Etoiles désormais. L'absence de mon frère et de ma soeur avait fait au début... Comme un vide en moi. J'essayais de ne pas y penser. Mon clan était toujours là et il comptait autant... Non, il comptait encore plus. Malgré le fait que Nuage de Grêle soit orphelin, il n'avait pas été malheureux du tout, au contraire, il avait été un chaton joyeux et chouchouté par le clan. Il était également très prometteur et je ne disais pas cela parce qu'il était mon neveu !

" J'utilise parfois une autre technique quand je sais que l'oiseau va voler dans ma direction. Regarde-moi bien. "

Les Hauts Plateaux étaient un lieu idéal pour appliquer cette technique car on pouvait se cacher derrière un rocher. Chose que je fis. D'ailleurs, mon pelage brun s'y fondait bien. Nuage de Grêle était désavantagé par rapport à son pelage, sauf en saison des neiges où il passerait relativement inaperçu.
Justement, je pouvais mettre en pratique ma technique : un merle se situait non loin. Je me crispai pour bondir, non pas vers l'avant mais vers le ciel. J'attendis patiemment un petit moment dans cette position. Puis, un battement d'ailes m'avertit que l'oiseau volait dans ma direction. Au moment où il passait au-dessus de ma tête en ne se doutant de rien, je fis un bond spectaculaire et j'attrapai ma proie entre les griffes avant de l'achever d'un coup de dents.

« Ton approche était bonne. Fais-juste attention à ne jamais te déconcentrer durant la traque ! Les oiseaux sont des proies particulières car il faut beaucoup compter sur sa vitesse pour les attraper. Tu dois utiliser cet atout pour attraper facilement tes proies. »

Je sursaute en entendant mon mentor. Je pensais qu'il était plus loin, pas ici. En fait, cet oiseau était vraiment inattentif, voir stupide. Au moins, j'ai réussi à l'attraper.

J'écoute une nouvelle fois attentivement Étoile du Griffon. Sous son ton sévère je perçois son affection et son amusement. Peut être que mon oncle ne m'en voudra jamais, quoi que je fasse. Si j'aurais été un autre chat, j'aurais pus me servir de cela, en faisant toutes les bêtises possible et imaginable, même les plus graves. Heureusement que je suis le novice que je suis.

« Je m'en souviendrais. »

Il faut que je me souvienne de chacune de ses paroles, afin de m'en servir au mieux. Plus tard, quand je serais un guerrier et que j’aurais à mon tour un apprenti, je pourrais lui apprendre tout ce que le meneur m'avait appris et allait m'apprendre afin de le former au mieux. Il faut donc que je pense au futur, à l'avenir de mon Clan. Seul cela compte.

« J'utilise parfois une autre technique quand je sais que l'oiseau va voler dans ma direction. Regarde-moi bien. »

Tandis que le chat brun se dirige vers un rocher en aval, je le suis en rampant au ras du sol, pour ne pas me faire repérer par une éventuelle proie. Alors qu'il se glisse derrière un rocher, je fais de même avec un autre rocher, afin qu'il puisse faire sa démonstration sans m'avoir dans les pattes.

Au bout de quelques temps, je me demande ce que nous faisons ici. Puis il y a un battement d'aile. J’aperçois enfin un merle, que mon mentor semble avoir vus bien avant.
Tandis que la proie vole inconsciemment au dessus de la tête du chat, il fait un saut prodigieux pour attraper l'oiseau de ses griffes et de le tuer avec sa puissante mâchoire. Waouh. Quel saut ! Quelle technique ! Si seulement je savais faire ça ! Pris par l'enthousiasme, je me précipite vers le guerrier.

«  Waouh ! C'est... C'était incroyable ! Comme tu as sauté alors qu'il était... Et... C'était génial ! »

Je suis tellement abasourdi et enthousiaste que j'en perds mes mots. Mais c'était tellement... Waouh. Si seulement je savais faire ça ! Je m'imagine déjà guerrier, en train de faire cette même démonstration. J'espère que Étoile du Griffon va me l'apprendre, elle est trop cool cette technique !
Je sors de mes pensées, me rendant compte que je trépigne sur place, toutes griffes dehors. Je n'ose imaginer le regard que doit me lancer mon oncle. Sévère, amusé ou désespéré ? Tout était possible avec mon comportement digne d'un chaton.
Je me calme, avant de reprendre de plus belle :

«  J'espère un jour pouvoir faire ça ! »

Je retombai sur le sol dans un bruit sourd, entraîné par le poids de ma proie. J'eus à peine le temps d'esquisser le moindre geste que Nuage de Grêle se précipitait déjà vers moi, brûlant d'enthousiasme. J'étais presque en train d'étouffer entre le chaton qui était maintenant presque sur moi, et par ma proie. Je ne répondis pas à cause de la proie que je tenais dans la gueule mais en mon for intérieur, je pensais que, décidément, Nuage de Grêle se comportait parfois comme un chaton sortant à peine de la pouponnière. J'espérais que la maturité viendrait avec l'âge car s'il se conduisait de la sorte une fois adulte, personne ne croirait qu'il était un guerrier ! Mais ça, ce n'étaient pas des leçons qui s'enseignaient, Nuage de Grêle allait devoir apprendre certaines choses seul mais je devais admettre que son sens de l'honneur était celui d'un guerrier. Je disais ça mais certains guerriers n'avaient pas beaucoup d'honneur... Comme le Clan de l'Ombre par exemple, ses membres faisaient bien des coups bas...
J'essayais tant bien que mal d'avancer mais avec l'apprenti qui sautait partout en trépignant dans mes pattes, je devais avancer avec les jambes écartées. J'avais l'impression d'être dans le camp un début d'après-midi, où on ne pouvait pas aller à la réserve de gibier sans trébucher sur un chaton ou deux.
Je posai mon fardeau au sol puis je l'enterra afin de dissuader d'éventuels prédateurs de s'en approcher. Après, je poussai un miaulement courroucé,

" Tais-toi donc ! Tu vas effrayer le gibier d'ici jusqu'aux Quatre Chênes ! "

Ma queue s'agitait, signe d'agacement. Heureusement que nous n'étions pas en patrouille de chasse, sinon il aurait fallu trouver un autre coin pour chasser ! Je savais que Nuage de Grêle était déjà parti en patrouille sans moi durant ses deux lunes d'apprentissage. Cela se passait généralement bien mais le novice avait une fâcheuse tendance à se déconcentrer facilement par exemple, s'il voyait un papillon. Je devais retenir un soupir. Plus tôt il grandirait dans sa tête et mieux ce serait, mais je ne me faisais pas de soucis pour l'instant, puisqu'il n'avait que huit lunes. Cela ne faisait pas si longtemps qu'il avait quitté la pouponnière. Au moins, il pouvait pour l'instant encore profiter de ses lunes d'insouciance pour pourchasser des boules de mousse de plus, ça se passait bien avec ses camarades. Je me rappelais le temps de mon propre apprentissage où j'avais assez d'énergie pour courir dans toute la forêt sans jamais m'arrêter, où mes seules préoccupations étaient de m'entraîner et de chasser pour mon clan. Mais ça, c'était lors de ma première lune d'apprentissage. C'était avant Rapace Nocturne.

" Bon, maintenant tu vas essayer de reproduire ce que j'ai fait mais sans proie, sers-toi de ton imagination. Tu dois mettre toute ta puissance dans tes pattes arrières et sauter droit, tu ne dois pas pencher sur le côté ou tu rateras ta cible. "

C'était un mouvement compliqué où il fallait bien s'entraîner avant de pouvoir l'exécuter parfaitement. Et encore, après, il fallait l'appliquer sur le terrain, ce qui était encore plus compliqué. Je plissai les yeux en observant le chat blanc. C'était également pour moi le moyen de savoir s'il s'était montré assez attentif pour être capable de se souvenir de ce que j'ai fait ou s'il avait juste fait le clown. Pouvait-il se concentrer sur une longue durée ? La concentration était vitale lors de la chasse car les différents types de gibiers n'étaient pas toujours faciles à attraper et apprendre demandait de la patience. Néanmoins, l'apprenti devait comprendre qu'il ne pouvait pas toujours faire le pitre lors d'une patrouille, il y avait des moments pour tout. Je grommelai,

" De toute façon, je doute qu'il y ait encore des proies dans les parages avec tout ce raffut. "

Au fond, j'étais un mentor sévère et exigeant mais je voulais que Nuage de Grêle exploite au mieux son potentiel et puisse devenir l'un des meilleurs apprentis de sa tanière. Un bon entraînement faisait après tout un bon guerrier. De plus, Nuage de Grêle étant le fils de ma soeur, c'était normal que je me montre particulièrement exigeant avec lui. Il était de ma famille et je ne voulais pas qu'on m'accuse de favoritisme à son égard. Alors, pendant les entraînements, je le voyais non pas comme un membre de ma famille mais comme un futur guerrier à entraîner.

Étoile du Griffon enterre sa prise, avant de se tourner vers moi et de pousser un miaulement courroucé.

«  Tais-toi donc ! Tu vas effrayer le gibier d'ici jusqu'aux Quatre Chênes ! »

Je m'immobilise, soudain réellement conscient de ce que je viens de faire. Ai-je vraiment parlé aussi fort ? Dans ce cas, mon mentor a raison, le gibier est parti depuis bien longtemps. Aucun oiseau inattentif ne peut me sauver cette fois-ci. Je baisse la tête, désolé de mon immaturité. Je suis apprenti maintenant, pourtant je me comporte comme un chaton qui vient de sortir de la pouponnière. Qu'est ce qui ne va pas chez moi ?

J'imagine la honte du meneur. Avoir un aussi piètre apprenti, qui plus est son neveu ! Cette honte imaginaire me transperce en pleine poitrine. Je suis vraiment stupide. Stupide, stupide, stupide. Et dire que je me vante d'avoir Étoile du Griffon en mentor ! A quoi sert d'avoir le meilleur mentor de tout le clan si je ne suis pas à la hauteur ? Je ne mérite pas d'être son apprenti. Je mérite de retourner dans la pouponnière.

Je bredouille un « Désolé. » sincère. Désormais je vais essayer de faire plus attention.

«  Bon, maintenant tu vas essayer de reproduire ce que j'ai fait mais sans proie, sers-toi de ton imagination. Tu dois mettre toute ta puissance dans tes pattes arrières et sauter droit, tu ne dois pas pencher sur le côté ou tu rateras ta cible. »

Je déglutis, la gorge serré. Puis je me tapis derrière le rocher, comme il l'a fait avant. Le poids de son regard me déstabilise. Je dois me concentrer. J'expire tout l'air de mes poumons. J'oublie mon mentor, je me remémore uniquement de la technique. Plongé dans mes pensées, j'imagine un merle arriver dans ma direction. Dès qu'il passe au dessus de mon crâne, je m'élance afin de le prendre entre mes griffes. Au même moment, j’entends le chat brun grommeler :

«  De toute façon, je doute qu'il y ait encore des proies dans les parages avec tout ce raffut. »

Mon imagination tombe à l'eau, de même que mon saut. L'oiseau disparaît et je ne saute pas plus haut qu'un chaton. J'agite ma queue, frustré. Suis-je vraiment aussi nul que cela ?Même en étant chaton j'aurais pus mieux faire. Décidément, soit je suis réellement un très piètre apprenti, soit ce n'est pas mon jour.

Une fois encore je ne veux pas rester sur cet échec. Je me remets en position. Cette fois, je m'imagine aucun oiseau. Je dois uniquement réaliser mon saut. C'est tout ce qui importe. Je me concentre, prend appuie sur mes pattes arrières et m'élance le plus haut possible. Alors que la hauteur du saut est correct, je dévie sur le côté et atterris maladroitement, pour finalement tomber à terre. Je me relève rapidement et me secoue, afin d'enlever la terre collé à mon pelage. J'attends alors avec inquiétude que Étoile du Griffon prononce quelque chose.

A ma remarque l'apprenti s'immobilisa, soudain conscient de sa bêtise. Il sembla se calmer de suite et bredouilla un "désolé", tout penaud. Cette fois, il n'y aurait aucune proie dans les parages avant un bon moment. Au moins, l'apprenti avait compris son erreur, c'était sans doute ça le plus important. La patience et l'efficacité viendraient avec l'âge. Il pouvait faire un chasseur redoutable, il y était plutôt disposé physiquement. J'y étais peut être allé sévèrement dans la réprimande mais au moins, j'avais retenu son attention et il avait remarqué sa gaffe. Son enthousiasme semblait avoir disparu et il avait l'air dépité. Je ne changeai en rien mon comportement, je ne devais pas me laisser adoucir devant cette boule de poils. Je le vis essayer de se concentrer pour se remémorer de mes mouvements afin de les imiter. Sa position n'était pas mal mais il se laissa déconcentrer au moment du saut et ne fit qu'un petit saut ridicule avant de retomber sur ses pattes. L'apprenti agitait la queue, frustré. Quant à moi, je fronçai les sourcils. Décidément, ce n'était pas son jour, il donnait de meilleurs résultats habituellement. Etait-il fatigué ? Il avait beaucoup dormi hier pourtant. S'était-il déconcentré ? C'était plus probable. Encore une fois, je songeai que la concentration et la patience étaient des choses qui manquaient à l'apprenti. Mais il fallait qu'il fasse des efforts dessus car, sans concentration, même avec ses talents de chasseurs, il raterait ses proies. Je raclai la gorge,

" Concentre-toi ! Le gibier ne va pas tomber dans tes pattes. "

Une fois de plus, Nuage de Grêle ne resta pas sur son échec. Au moins, il avait la combativité d'essayer jusqu'à ce qu'il réussisse. A force d'essayer, la concentration viendrait sans doute naturellement. A son deuxième essai, il fit un visible effort pour se concentrer. Il prit appui sur ses pattes arrières et s'élança haut dans le ciel. Cette fois-ci, la hauteur du saut fut bonne. Hélas, l'apprenti dévia sur le côté et il tomba maladroitement, pour finalement finir à terre. Il se releva et se secoua pour se débarrasser de la terre sur son pelage. Les taches brunes ressortaient sur son pelage comme des taches d'encre. Le pelage blanc avait bien des désavantages. Dont le fait qu'il se salissait facilement. Je me souvenais que Brise de Glace passait une grande partie de son temps à faire sa toilette en rentrant du camp tant son pelage se tachait durant la saison des feuilles vertes. Moi, avec mon pelage brun, cela ne se voyait pas trop et je me fondais bien dans la pierre.
Je vis finalement que Nuage de Grêle me regardait avec inquiétude, attendant visiblement que je dise quelque chose. Je miaulai, d'un ton encourageant,

" C'est mieux, mais veille à bien prendre appui équitablement sur tes deux pattes. Tu as un peu penché sur le côté en sautant. Une fois dans les air, tend bien les pattes avant devant toi et ne bouge plus les pattes arrières. "

Je lui fis signe de poursuivre. Nuage de Grêle n'avait pas les mêmes pattes que les miennes à son âges. Les miennes étaient plus grosses et plus puissantes. J'y avais plus de forces et j'avais moins de soucis pour sauter. Néanmoins, comme je ne voyais pas d'un oeil, au début, cela m'avait causé des problèmes d'équilibre. Mais à force d'entraînement, j'avais réussi à maîtriser ce mouvement. Ce n'était pas le genre de techniques où j'avais été aidé par Rapace Nocturne car, avec mon mentor secret, nous nous entraînions au combat, pas à la chasse. Je m'étais donc débrouillé tout seul, mais ça avait fini par venir. C'était un mouvement compliqué qu'on enseignait généralement aux apprentis assez âgés. Parfois, on enseignait ce mouvement vers les 10 lunes mais je jugeais que Nuage de Grêle était physiquement prêt pour l'apprendre. Et, plus tôt il saurait chasser toutes les proies de la lande, mieux ce serait. Après cet enseignement, il manquerait les mouvements utilisés face aux rapaces mais ça attendrait au moins deux lunes. Pour l'instant, Nuage de Grêle était encore bien trop jeune pour connaître cela. D'un air pensif, je fis,

" Ne t'attends pas à maîtriser le mouvement parfaitement à la fin de la journée, ça prend du temps pour pouvoir l'appliquer sur le terrain. "

«  C'est mieux, mais veille à bien prendre appui équitablement sur tes deux pattes. Tu as un peu penché sur le côté en sautant. Une fois dans les air, tend bien les pattes avant devant toi et ne bouge plus les pattes arrières. »

Je me détends un instant face au miaulement encourageant de mon mentor. Je hoche la tête, avant de reprendre mon entraînement. Je tente d'appliquer au mieux les conseils du meneur. Malgré un meilleur équilibre, je suis encore loin de maîtriser la technique comme un véritable guerrier. Je suis un peu déçu, mais ça viendra probablement avec du temps. Et puis, je suis bien meilleur pour chasser le lapin, ou ma rapidité est un atout. Pour sauter, étant assez fin, je n'ai pas la puissance idéale dans mes pattes afin d'atteindre aussi bien la proie que Étoile du Griffon. Je jette un œil vers lui. Il a un corps robuste, ce qui est plutôt étrange. La seule chose en commun que nous avons, c'est de larges épaules. Sinon on ne se ressemble pas, autant au niveau de la couleur de notre pelage que notre morphologie. On me dit que je ressemble à ma mère défunte. En pensant à elle, mon cœur se serre. J'aurais aimé la connaître. Je suis triste, mais je n'ai jamais manqué de rien. Et puis j'ai mon oncle, ça me suffit.

«  Ne t'attends pas à maîtriser le mouvement parfaitement à la fin de la journée, ça prend du temps pour pouvoir l'appliquer sur le terrain. »

J'ai hâte de pouvoir maîtriser cette technique, je la trouve très impressionnante. Je me demande alors au bout de combien de temps le chat brun a put la maîtriser parfaitement. Je m’assoies, un tantinet fatigué de mes nombreuses reprises.

« Je me demandais... »

Je me tais, hésitant. Je ne sais pas si mon oncle va apprécier ma question ou tout simplement le fait que j'arrête de m'entraîner à la technique.

«  Quand est ce que tu as appris ce mouvement ? Et au bout de combien de temps tu as pu le maîtriser ?»


[Désolé pour le retard]

Suite à mon miaulement encourageant, l'apprenti semblait se détendre. J'avais voulu qu'il comprenne son erreur et que l'entraînement n'était pas un amusement mais je ne voulais pas le blâmer non plus. Les apprentis avaient besoin qu'on les complimente de temps en temps, ça leur redonnait confiance. Le rôle d'un mentor n'était pas de rabaisser son apprenti mais au contraire de l'aider à s'élever afin d'en faire un guerrier. Nuage de Grêle était différent de mon ancien apprenti, Souffle de la Salamandre. Aussi bien au niveau du caractère que du physique. Il fallait donc s'adapter selon les chats. Peu de temps après avoir terminé l'apprentissage de Souffle de la Salamandre, j'étais devenu lieutenant. Puis j'avais succédé Etoile des Brises, et j'étais devenu chef. Je n'avais pas eu le temps de prendre un autre apprenti depuis mais maintenant, mes devoirs ne m'empêchaient pas de m'occuper de Nuage de Grêle : il arrivait que des chefs prennent des apprentis puisqu'ils avaient également des activités de guerrier. Et puis, les souvenirs de mon apprentissage et de celui de Souffle de la Salamandre étaient encore présents dans mon esprit. Si je ne savais pas gérer un apprenti, quel genre de chef aurais-je fait ? Entraîner un chaton pour en faire un grand guerrier était une expérience formidable et jamais je n'oublierais ce que j'avais ressenti en ayant mon premier apprenti. Aussi formidable que d'avoir un chaton ? Cette question me laissa sans mots. C'est vrai que Brise de Glace et Serres d'Aigle avaient fondé une famille et moi non. Mais je ne me voyais pas père, pas du tout. Et puis, avec mon mauvais oeil, les femelles ne risquaient pas d'être attirées par moi. J'avais mon clan, c'était tout ce qui comptait et il sera servi jusqu'à ce que je perde ma dernière vie.

J'étais soulagé de voir que Nuage de Grêle m'avait écouté. Peut-être avait-il compris, finalement. Maintenant, il tentait d'appliquer au mieux mes conseils. Sa position était bonne mais il avait beaucoup de mal à appliquer la technique, chose normale. Mais c'était mieux au fil des essais, il progressait. Et, avec quelques séances, il finirait par la maîtriser. Je devais admettre qu'il se débrouillait bien même si son physique n'était pas fait pour les sauts. Il aurait sans doute plus de mal que moi à faire ça mais au moins, ça musclerait ses pattes. Le chaton fit de nombreuses reprises. Même s'il ne maîtrisait pas la technique aussi bien qu'un guerrier, je le sentais progresser. Avec l'âge, quand son corps sera plus grand et plus musclé, il aurait beaucoup moins de mal à sauter. Mais c'était bien entendu à moi de veiller à ce qu'il ait bien l'entraînement qu'il lui fallait. Je ferais en sorte qu'il devienne un bon guerrier. Non seulement pour Brise de Glace, mais également pour le clan. Je ne le disais pas mais au fond, Nuage de Grêle avait déjà le coeur d'un guerrier. Quand son coeur lui parlait, il lui indiquait quelle bonne décision prendre.

Perplexe, je vis que Nuage de Grêle cessa soudain de s'entraîner. Il s'assit devant moi et semblait vouloir me parler. Je l'encourageai d'un signe de queue. Puis il me demanda combien de temps j'avais pris pour maîtriser cette technique. En fait, ce n'était pas vraiment mon mentor qui me l'avait apprise mais ça, je n'allais pas le dire. En fait, quand j'étais devenu chef, j'avais compris que c'était mauvais pour le clan de dépendre d'un type de gibier : le lapin. Je savais que nous avions beaucoup d'oiseaux dans la lande en toute saison, alors j'avais mis en avant la chasse aux oiseaux et diverses techniques pour repousser et tuer les rapaces. Il s'aventuraient parfois dans la lande et représentaient un danger pour les chats, plus particulièrement pour les chatons. Rapporter un aigle ou un faucon éliminait non seulement une menace, mais nourrissait aussi la moitié du clan. Du coup, j'avais fait en sorte que certaines techniques soient dorénavant intégrées dans le programme des jeunes. Je voulais faire de mon clan un clan fort qui saurait se débrouiller seul. Nous étions indépendants et nous pouvions subvenir à nos besoin, même en mauvaise saison. Je n'étais là que depuis six lunes mais j'avais déjà mis en place beaucoup de choses. Ce fut d'un ton prudent que je répondis,

" Je ne me souviens plus Nuage de Grêle, c'était il y a longtemps... "

Je restai un instant pensif. L'apprenti avait été hésitant en me posant la question. Comme s'il craignait que je ne l'apprécie pas. C'est vrai que c'était indiscret, mais il ne pouvait pas le deviner. Et moi, je n'allais pas lui dire la vérité de peur de le décourager alors qu'il faisait de gros efforts. Au moins, j'étais crédible. Mon apprentissage avait eu lieu il y a près de douze saisons, je ne pouvais pas me souvenir de tous les détails. Je miaulai, changeant ainsi de sujet,

" Continue donc à t'entraîner. "

Mon mentor semble plonger dans ses souvenirs. Il s'éloigne de la réalité ainsi que de moi un court instant. Ses yeux reflètent le même endroit, le même clan, des lunes auparavant. J'imagine qu'il se voit apprenti, à peine plus grand que moi. Son mentor, ses amis, ses camarades, sa famille. Je l'envie, il peut la voir, l'écouter, la toucher une nouvelle fois. Ma mère. Moi aussi j'aimerais pouvoir plonger dans mes premiers instants de chaton, ne serait ce que pour sentir son pelage collé au mien, sentir la chaleur de son corps, entendre le son de sa voix que j'imagine plus douce que le miel. Plus que tout, j'aimerais ressentir son amour.

«  Je ne me souviens plus Nuage de Grêle, c'était il y a longtemps... »

Je suis un peu déçue de sa réponse. J'aurais aimé qu'il me parle un peu plus de son apprentissage. Qu'il me raconte sa première sortie, les aventures qu'il avait vécu, les rivalités et les alliances des clans qu'il y avait en ce temps là. Qu'il me décrive comment était ma mère à cette époque me ferais. Mais bon, tant pis. Une prochaine fois peut être.

«  Continue donc à t'entraîner. »

J'obéis et retourne à mon entraînement.

Je lis sans mal la pointe de déception sur le visage de Nuage de Grêle. Peut-être avait-il voulu m'inciter à parler de mon enfance, de mon apprentissage. Je savais qu'il ne pensait pas à mal, mais c'étaient des choses que je préférais garder pour moi. Il y avait eu des mésaventures que je préférais oublier. Pas totalement du moins, pour ne pas répéter les mêmes erreurs car c'était avec le passé que je pouvais anticiper l'avenir, et ainsi aller de l'avant. Et plus que tout, mes camarades décédés me manquaient. Même si je ne le disais pas, même si je ne laissais rien paraître, ma fratrie me manquait. Et bien d'autres encore. Les vieux souvenirs montaient en moi. Feuille de Saule, Ecorce de Chêne, Serres d'Aigle, Brise de Glace, Plume d'Oiseau... Parfois, je me demandais si Nuage de Grêle gardait des souvenirs de sa mère. J'évitais de parler d'elle devant lui pour éviter de le rendre triste. Il était heureux au sein de son clan et auprès de ses camarades, c'était l'essentiel. Et pourtant, il n'avait pas eu un passé très facile. En plus de perdre sa mère, le chaton avait perdu son père, Vent Glacé, qui ne l'avait jamais vu naître... Au moins, les reines s'étaient bien occupées de lui. Il était né à une période où il n'y avait pas beaucoup de chatons et le clan avait eu tendance à le chouchouter et à tout lui pardonner. C'était encore un petit garnement à l'époque. Même moi j'avais gardé un oeil sur lui. Je le devais bien à Brise de Glace qui avait rejoint le Clan des Etoiles. Si elle pouvait voir son fils à l'heure actuelle, j'étais certain qu'elle serait très fière.

Tandis que l'apprenti continua de s'entraîner, mes pensées se dirigèrent vers Ecorce de Chêne, mon père. Nous nous ressemblions beaucoup physiquement, mais pas mentalement. En fait, il n'était pas beaucoup venu nous voir à la pouponnière et nous n'avions pas été très proches. D'ailleurs, pendant une période, il avait été souvent absent, pour des raisons que j'ignore, ce qui était étrange. Puis un jour, il avait été retrouvé mort, tué par un prédateur comme un renard ou un blaireau sans doute. Il y avait quelque chose qui ne me plaisait pas chez lui. Je ne le regrettais pas. Du moins, pas comme je regrettais Feuille de Saule. La chatte grise tigrée avait péri lors d'une épidémie de mal vert. Je me souviens que Feuille de Saule avait eu des disputes avec Ecorce de Chêne. Au bout d'un moment, ces deux-là n'avaient plus l'air de bien trop s'aimer. Si bien que Ecorce de Chêne et Feuille de Saule avaient fini par se séparer. Feuille de Saule avait pris un autre compagnon et ils avaient eu des chatons, mes demi-frères et soeurs : Rayure du Zèbre et Graine de Citrouille. J'interrompis le fil de mes pensées, quelque peu surpris. Pourquoi pensais-je à cela maintenant ? Aucune idée mais ça m'était revenu, comme ça.

Le reste de l'après-midi, nous avions continué à nous entraîner sur les techniques de chasse. Je devais admettre que Nuage de Grêle progressait et réussissait de mieux en mieux à exercer sa technique. Même si elle n'était pas encore au point et qu'il y aurait des choses à revoir, il se débrouillait déjà pas mal. Il se montrait obéissait et écoutait mes paroles. Il faisait des efforts de concentration, à mon grand soulagement. Et moi aussi j'étais content d'être sorti faire des occupations de guerrier. L'entraînement de Nuage de Grêle coupait ma routine et je pensais à autre chose qu'à mes responsabilités de chef qui étaient parfois écrasantes. Mais avec l'aide du Clan des Etoiles, j'arrivais à porter mon fardeau sur mes deux épaules. J'étais un chef aux neuf vies accordées par le Clan des Etoiles et j'étais secondé par le meilleur lieutenant qui soit : Souffle de la Salamandre. Le clan était uni, fort et en bonne santé. Nous ferions face à toutes les épreuves. Et l'entraînement des jeunes se passait bien. Nous comptions déjà de futurs guerriers prometteurs dans nos rangs, dont Nuage de Grêle qui serait baptisé dans quatre lunes normalement si tout se passait bien. Alors que je voyais le soleil s'abaisser à l'horizon, je miaulai à l'intention du jeune apprenti,

" Nous allons rentrer. Tu t'es bien débrouiller aujourd'hui, tu pourras choisir la première part de gibier ce soir. "