Nous sommes tous amenés à faire des rencontres, dans de bonnes occasions comme dans de mauvaises, celle-ci peuvent prendre de nombreuses tournures, bonnes ou mauvaises, nous coûter beaucoup ou bien au contraire très peu. Certaines rencontres peuvent nous amener à gagner quelque chose, d'autre à perdre. Parfois on perd plus qu'on ne gagne, d'autres fois c'est l'inverse. Qui décide ? Personne ou tout le monde. Quand on se rencontre, c'est à deux minimum, et davantage est possible. Le problème c'est que celui ou celle que l'on rencontre n'a pas forcément les mêmes envies, les mêmes goûts, les mêmes ambitions et les mêmes devoirs que nous. On doit donc prendre soin de réfléchir, de savoir s'il faut aborder ou non celui que le destin nous force à rencontrer. Il nous faut prendre un peu de recul pour réfléchir aux conséquences que cela pourrait avoir, sur nous comme sur nos proches. On doit réfléchir à tout ce que l'on peut avant de se lancer tête baissée dans une discussion qui pourrait se finir en bataille à mort. En général, c'est comme ça qu'on évite les accidents, en évitant certaines personnes, en tenant sa langue. Ou bien, on peut aimer le danger et foncer tête baissée dans une discussion dangereuse qui pourrait nous conduire à notre mort.

Le Soleil monte peu à peu dans le ciel. Bientôt, ses fins rayons viendraient miroiter et éclairer tout le territoire des félins claniques. Bientôt, ils permettraient aux plantes de s'ouvrirent, aux rongeurs de sortirent de leur tanière sans craindre d'attaque nocturne, aux oiseaux de s'élever dans le ciel et de commencer à chanter leur perpétuelle mélodie si envoutante, aux félins de partir en quête de leurs multiples devoirs. Le vent se levait, sifflant dans les branches des fins arbres du Territoire du Clan de la Rivière. Il semblait enragé, presque fou. Par endroit, on pouvait le voir aider le courant de la Rivière, aider l'eau dans son parcours sans fin.

Au fond de la tanière des Guerriers, je reviens à moi après une longue nuit de sommeil. Aujourd'hui, j'ai été demandée pour assurer la patrouille de l'aube. Quel honneur ! On en fait un peu beaucoup pour moi en ce moment. Après le baptême de mon Apprenti la veille, on m'offrait la possibilité de mener une patrouille. Bien sûr que je l'avais déjà fait, mais ce n'était pas exactement la même chose. Aujourd'hui, j'aurais un Apprenti à qui je pourrais montrer de nombreuses choses et tout cela en menant une patrouille. Ainsi, on visiterait une partie du territoire, certes ce n'était pas ce que j'avais prévu comme premier entrainement, mais Chauve-Souris m'avait demandée en personne pour cette patrouille, je n'allais pas refuser. Et puis, qu'aurais pensé de moi Coquillage Nacré si cette histoire était parvenue à ses oreilles. Je n'ose même pas y penser. J'ouvre mes deux yeux saphirs, résiliée à mener cette patrouille à bien. Mon Apprenti aurait le droit à son tour de territoire demain, ou cette après-midi, si elle m'était donné pour l'entrainer. Mes deux iris bleus se posèrent sur l'entrée de la tanière, là, je pouvais voir que les rayons du Soleil apparaissaient au loin. Je pouvais voir, sentir, que le jour se levait à petit feu. Le départ serait bientôt donné. Je me redressai rapidement et zigzagua à travers les nids des Guerriers. Je devais trouver la litière d'Œil de Lynx pour le réveiller, Chauve-Souris m'avais dit de l'emmener lui et son Apprentie pour compléter la patrouille. Lorsque j'arrivai devant la couche de ce dernier, il était roulé en boule et semblait dormir d'un sommeil de plomb. Du bout de la patte, je le secouai délicatement et lui susurrai à l'oreille :

« Œil de Lynx ? Debout, nous devons nous préparer pour partir. Je vais chercher Nuage de Pluie et Nuage d'Horizon. »

Sans plus regarder si mes paroles et mes gestes avaient fait effet, je sortis promptement de la tanière des Guerriers. Dehors, la bise matinale vint me glacer les os. Un moins d'une seconde, j'ébouriffai ma fourrure et sentis la chaleur revenir. Les journées avaient beau être chaudes et ensoleillées, ce n'était pas toujours le cas au petit matin. D'une allure modérée, je traversai rapidement le Camp pour me rendre dans la Tanière des Apprentis. Eux, ne devaient pas avoir été prévenu pour les patrouilles, à vrai dire, Chauve-Souris avait daigné nous le dire qu'au coucher du soleil et je n'avais pas jugé bon d'aller déranger Nuage d'Horizon pour cela. Passant ma tête dans la Tanière des Apprentis, je partis un bref instant dans le passé. Je me revis Apprentie, Chauve-Souris à mes côtés. Je me rappelai de l'endroit exacte de ma litière, de ce que cette tanière représentait pour moi. Je souris et entrai. Je ne tardai pas à trouver la fourrure grise de Nuage d'Horizon. Je m'approchai rapidement et procédant de la même manière que pour Œil de Lynx, je le secouai de ma patte et dit doucement pour que lui seul entende :

« Nuage d'Horizon, changement de programme. On part maintenant pour une patrouille. Réveille Nuage de Pluie et rejoins nous dehors, nous partirons immédiatement. »

Je sortis rapidement de la petite tanière et m'assis à l'extérieur. Quelques instants plus tard, Œil de Lynx, Nuage d'Horizon et Nuage de Pluie furent prêt pour partir. Je leur avais dit de ne pas manger, pour que nous puissions partir plus tôt, nous mangerions sur le chemin du retour, si on trouvait quelque chose. Sans plus attendre, je m'étais élancée dans une course folle, modérant mon effort pour que les Apprentis fraîchement nommés puissent suivre. Chauve-Souris m'avait demandé d'aller sur la frontière du Clan du Tonnerre pour vérifier qu'ils ne voulaient pas prendre plus que les Rochers du Soleil. C'était bien assez comme cela. Soit, j'étais certaine que bientôt, nous les récupérions et que nous les garderions plus longtemps qu'à l'habitude. Je n'aimais pas céder un territoire comme cela. Je m'étais plusieurs fois battu pour ses terres qui étaient les nôtres et je le ferais encore et encore, jusqu'à tomber et ne plus jamais me relever. Foulant la terre avec mes pattes, je n'avais pas donnée de consignes particulières à Nuage d'Horizon ou encore à Œil de Lynx, ce dernier devait connaître depuis belle lurette le but de ce rituel clanique. Afin d'instruire les deux novices, sans pour autant ralentir ma course, j'ouvris ma gueule et des mots en sortirent :

« Nuage d'Horizon, Nuage de Pluie. Savez-vous ce que nous faisons là ? Ce que nous allons faire s'appelle patrouiller. Nous sommes obligés d'accomplir ces trajets plusieurs fois par jour pour vérifier que nos frontières sont respectées. Nous en profitons également pour marquer davantage les frontières et pour voir s'il n'y a pas d'odeur suspect des Clans voisins. Ainsi, nous nous rendons actuellement vers notre frontière commune avec le Clan du Tonnerre. Nous ne tenterons pas de chercher l'affront. Nous nous arrêterons sur les rives de la Rivière. »

Pensant que mes propos étaient assez clairs, je poursuivis le reste du chemin, muette comme une carpe. Les deux Apprentis semblaient plutôt vifs et dégourdis. Ainsi, la patrouille se passerait dans les meilleures conditions possibles. Si jamais on rencontrait le Clan du Tonnerre, il ne fallait, en aucun cas, chercher l'affront. Nous ne serions sûrement pas de taille, surtout que deux nouveaux Apprentis nous accompagnaient, on ne pouvait pas les mettre en danger. Lorsque la Rivière fut en vue, je ralentis quelque peu l'allure. Je ne voulais pas être surprise de voir arriver les berges trop vite. Ouvrant mon esprit au monde, mon museau se mit à humer toutes les odeurs qui venaient à lui. Par-ci l'odeur que portait les fleurs, par là, les délicieux fumets laissés par les proies et droit devant, l'odeur, bien différent de la nôtre, du Clan du Tonnerre. Beurk. Décidément, tous les Clans sentaient forts, tous sauf le nôtre. Arrivée au bord de la Rivière, je stoppai net la patrouille et il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que l'odeur du Clan du Tonnerre était fraîche. Mes yeux se rivèrent sur la rive opposée et je pus entrevoir une fourrure blanche, une autre noire et blanche et enfin, un peu plus difficile à distinguer, une fourrure rousse. Je pus reconnaître la carrure d'Étoile du Souvenir, la chatte portant le pelage blanc. En revanche, je ne parvenais pas à reconnaître les deux Guerriers qui l'accompagnait. D'une voix claire et douce, je m'annonçai :

« Bien le bonjour Étoile du Souvenir. »

Ma voix ne portait aucun signe d'agressivité ou autre chose de ce genre. Ce qui pouvait paraître étonnant étant donné que c'était deux patrouilles rivales qui se croisaient et qui plus est sur un territoire pour lesquels ces deux Clans se battaient continuellement. Ces fameux Rochers du Soleil pour lesquels le Clan du Tonnerre et le Clan de la Rivière étaient en constante rivalité. Chaque saison donnait lieu à une Guerre pour récupérer ces pierres qui se devaient d'appartenir à mon Clan, celui de la Rivière. Lorsque le partage des terres avait été fait, s'était mon Clan qui avait hérité de cette parcelle de territoire et donc, il n'y avait normalement pas lieu que le Clan du Tonnerre se l'appropriât. Mes yeux étaient toujours rivés sur la patrouille adverse. Étant à la tête de celle du Clan de la Rivière, je ne devais pas lancer d'hostilité alors que rien ne m'en donnait l'autorisation. Il fallait que je reste calme et que notre rencontre ne dégénère pas en bataille. De toute façon, je craignais que si une bataille fut déclenchée, nous serions en mauvaise posture étant donnée que notre patrouille était composée de moitié d'Apprentis et que la patrouille adverse ne comportait que des Guerriers et la Cheffe du Clan elle-même. Je devais donc veiller à chacun de mes mots, à ce que ma langue ne fourche pas et à tenir les membres que j'avais sous ma responsabilité, c'est-à-dire Œil de Lynx, Nuage d'Horizon et Nuage de Pluie. J'entendis dans mon dos, mon Apprenti parler. Je pus percevoir le sens de ses paroles qui ne mettaient en rien adressé. Je dus retenir un délicat ronron lorsque mon Apprenti avait lâché ses paroles. Bien que je ne connusse pas ses réelles intentions, je trouvais cela adorable que de vouloir protéger une camarade de Clan. Je ne fis, cependant, aucun commentaire sur ce que j'avais entendu. Je n'avais pas lieu d'en faire. Ce n'était pas mon affaire. Je devais me concentrer sur la patrouille rivale et sur ce qui pouvait bien se dire. Les yeux ambrés d'Étoile du Souvenir n'avait pas quitté les miens et par la lueur qui dansait dans son regard, je voyais bien qu'elle défendît sa patrouille et les rochers sur lesquels elle se trouvait. Néanmoins, sa posture n'annonçait rien d'agressif, peut-être masquait-elle ses intentions. S'il y avait une chose dont j'étais certaine c'est qu'elle ne pourrait jamais lancer une offensive puisqu'elle n'était pas en position de le faire. Elle et ceux qui l'accompagnaient étaient incapables de franchir ce qui séparait les deux patrouilles, nous étions les seuls à pouvoir prétendre le faire, même si ce n'était pas le cas, au vu du jeune âge de nos Apprentis et le peu de leçons qu'ils avaient reçus.

« Bonjour à toi Arc-en-Ciel ainsi qu'à ceux qui t'accompagne, belle journée pour sortir les apprentis du clan. »

Je ne pus m'empêcher de noter la non-expressivité de sa voix. Celle-ci ne trahissait rien du tout. Impossible de connaître les sentiments de la chatte à l'égard de la patrouille que je menais. Néanmoins, il n'y avait pas d'agressivité dans sa voix, ce qui était plutôt un bon point. Il n'y avait pas non plus de sympathie, mais soit. Je n'en demandais pas tant. Je vis le regard de la Cheffe quitter le mien et observer quelque chose d'autre. Ne souhaitant pas paraître idiote au point de suivre ce qu'elle regardait, mon regard ne flanchât pas. Une des choses qu'elle avait dit me frappait quelque peu. En effet, elle avait pu remarquer aisément que notre patrouille était constituée de Guerriers et d'Apprentis. Néanmoins, cette remarque ne me fis pas changer d'attitude. Les petits avaient beau être jeunes et ne pas connaître de technique de combat ou toute autre chose, j'étais certaine qu'ils donneraient leur vie pour leur Clan. J'avais eu une confirmation de cela quand Nuage d'Horizon, mon Apprenti, avait promis de protéger sa camarade de tanière. Je ne doutais pas de leur bonne volonté. Et comme l'on dit, rien d'impossible à tout cœur vaillant. De plus, rien n'annonçait qu'une quelconque escarmouche allait avoir lieu. Non. Rien du tout. Il faudrait déjà que je fasse ce choix, ce choix d'attaquer cette patrouille et dans les circonstances actuelles, ce n'était pas intelligent.

« Cela fait bien longtemps que je n'ai pas vu des chats de la Rivière, comme va donc votre clan ? »

Mes yeux eurent tôt fait de retrouver ceux ambrés de la femelle au pelage blanc. Longtemps ? Qu'est-ce qu'elle cherchait à dire par là ? Toutes les patrouilles du Clan de la Rivière se déroulaient normalement, aucune n'avait été supprimé ou bien même laissée de côté. Je pouvais en être certaine. Je participais au maximum de patrouille, pour savoir aussi bien ce que je pensais. Bien que je n'y sois pas tout le temps convié, je trouvais toujours le moyen de suivre la patrouille, en chassant en même temps, ou bien même en m'y invitant toute seule. Néanmoins, il était vrai que l'on n'avait pas souvent l'occasion de croiser une autre patrouille, aussi bien avec le Clan du Tonnerre qu'avec le Clan du Vent. Et puis lorsque cela se faisait, ce n'était pas souvent-en de bon terme et donc par conséquent, la situation n'engageait pas toujours à une discussion calme et posée. Au contraire, on trouvait bien souvent la petite bête, la petite erreur commise par le Clan adverse pour l'assommer de tort et ainsi prouver sa supériorité. Il était toujours ainsi. Et cela ne changerait pas de si tôt. Aujourd'hui, le contexte était différent. Aujourd'hui, c'était moi, une chatte sans agressivité, qui était meneuse de la patrouille et aujourd'hui, je pensais qu'une bataille n'avait pas lieu d'être. Ce ne serait pas ma personne qui lancerait les hostilités. Mis à part ce territoire qu'ils avaient alors qu'il ne leur appartenait pas, je n'avais rien à reprocher au Clan du Tonnerre. Il n'y avait donc pas lieu d'être agressive et de mentir à la femelle. Je pouvais lui répondre franchement, sans mentir, sans devenir une hypocrite aux yeux des félins de mon Clan. Ma bouche s'actionna machinalement et les paroles presque habituelles en sortir :

« C'est vrai que l'on n'a pas l'occasion de se croiser à chaque patrouille. Le Clan de la Rivière se porte à merveille, la Rivière regorge toujours de poissons, nous avons de jeunes félins pour perpétuer le cycle de la vie, que demander de plus ? Et de votre côté, tout va bien pour le Clan du Tonnerre ? »

HRPG: