Je venais d'être prise par un enthousiasme que je n'avais jamais eu jusqu'à présent. Aile de Libellule venait d'accepter le fait qu'il m'apprenne à pêcher. Je crois que le mieux était qu'il m'emmène à la rivière. Laissant mon chaton aux reines du Clan de la Rivière après un petit regret au fond de mon cœur, je suivais le guerrier que j'admirais vers la rivière. Trottinant derrière lui, j'avançais presque à grand pas pour être à sa hauteur. Enfin arriver à la frontière, je la trouvais bizarrement belle. Il était vrai que l'allure de la rivière était époustouflante. Je remercie vivement le mâle de m'avoir emmener ici. Je me demandais comment ça allai commencer. 

Replongeant dans mes pensées, j me disait que j'avais l'air d'une jeune apprentie, celle que j'étais avant. Voulant à tout prix devenir la meilleure guerrière et la meilleure chasseuse. C'était comme un souvenir d'être ici. 

Je m'approcha du bord de la rivière, un peu maladroitement en tentant d'imiter Aile de Libellule. Mais c'était vraiment dur. Je me pencha pour attraper un poisson au milieu de la rivière lorsque je tomba à l'intérieur. Prise de panique, je faisais de mon mieux pour tenter de remonter en battant des pattes. Lorsque je réussi à reprendre un peu d'air, j'en profita pour demander de l'aide au guerrier. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, je ne sais pas du tout nager. J'essayais de remonter. En vain. Le courant m'emmener vers le fond. J'espérais de tout cœur que quelqu'un vienne me sauver. Au début, je pris peur en me demandant si ça plaisait à Aile de Libellule de me voir mourir puis finalement, je me dis que si il m'avait amener ici, ce n'était pas pour me tuer. Enfin, je pense pas. Il ne devait pas être comme ça. J'attendais alors désespérément de l'aide. Et plus particulièrement, celle du guerrier du Clan de la Rivière et non d'un guerrier parsemer d'un couche de brume du Clan des Étoiles.

J'étais sorti du camp... Accompagné d'une guerrière du Clan de l'Ombre, aussi invraisemblable cela pouvait-il paraître. Pourtant, la chatte avait su mener une conversation et se montrer sympathique. Je m'étais surpris à penser que, derrière leurs airs farouches, les chats du Clan de l'Ombre étaient des chats comme les autres malgré leurs grands airs. Une étrange gêne m'accompagnait en même temps qu'Hymne du Faucon et cela me mettait vraiment mal à l'aise. J'étais d'ailleurs surpris que la chatte veuille m'accompagner, laissant son seul chaton, Petit Ebène, au camp. Elle l'avait probablement confié aux autres reines, mais cette attitude était étrange car, généralement les mères ne quittaient jamais leurs chatons. Elles les protégeaient d'un amour farouche. Mais moi, étant un mâle et n'ayant jamais eu de chatons, je ne m'y connaissais pas vraiment à ce genre de choses. Certes, j'avais vu plus d'une fois des reines aménager à la pouponnière, mais je n'avais jamais eu l'expérience d'être père de famille. Et, par les temps qui courraient, je savais que ce n'était vraiment pas le moment.
J'avançais avec assurance dans les roseaux, au sein de ces terres qui étaient miennes, sentant derrière moi l'odeur de la chatte du Clan de l'Ombre qui commençait à m'être familière. Notre destination ? La rivière. Il fallait attraper du gibier pour le clan et Hymne du Faucon voulait apprendre à pêcher. Je n'avais pas refusé en voyant ses yeux brillants lorsqu'elle avait décrit le ruisseau de son territoire. Si les guerriers du Clan de l'Ombre voulaient se rendre utiles et se mettre à nourrir le clan, tant mieux car en saison des neiges, le gibier venait à manquer.

Alors que le soleil se couchait, nous étions arrivés à la rivière. J'avais laissé à la chatte quelques instants pour admirer le paysage. Ah la rivière... Endroit où les membres de mon clan passaient beaucoup de temps. La rivière était notre élément, notre fierté. Elle nous nourrissait, et nous pratiquions toutes sortes d'activités en son sein. Pas plus tard que ce matin, j'y avais entraîné Nuage de Chêne, mon apprenti. J'avais regardé Hymne du Faucon, et je lui enseignais les quelques bases de la pêche. Le fait qu'il ne fallait pas que son ombre ne porte sur l'eau pour ne pas effrayer le poisson, quelle position il fallait prendre, les différentes proies que l'on pouvait trouver etc... J'avais joint le geste à la parole et j'avais penché ma patte au-dessus de l'eau, en quête de proie passant par là. Je songeai que ce n'était guère différent que d'entraîner un apprenti et je ne pus m'empêcher de sentir une pointe de culpabilité en pensant que ça aurait été mieux que je vienne avec Nuage de Chêne à la place de la chatte du Clan de l'Ombre.
Le pêcheur que j'étais était habitué à rester immobile ainsi dans la même position. Mais ce n'était pas le cas d'Hymne du Faucon, chasseuse habituée à se nourrir grâce au gibier des marécages. Ses mouvements étaient maladroits. Plus maladroits que celui d'un apprenti à peine nommé qui avait déjà essayé quelques postures de pêche. Néanmoins, je ne pouvais pas critiquer la chatte qui avait la bonne volonté de vouloir apprendre à pêcher. La pêche était après tout inédite au Clan de la Rivière et seuls nous, connaissions ses secrets. C'était pour cela que le Clan de la Rivière était si spécial à mes yeux.

Je vis la chatte se pencher sur la rivière, au point de perdre l'équilibre et de tomber dedans. Elle céda rapidement à la panique puisqu'elle ne savait pas nager et craignait l'eau, comme les chats des autres clans. Quant à moi, je restais calme car j'avais vu que le niveau de l'eau n'était pas profond et je savais que si on se faisait emporter par ces courants, il fallait se laisser faire pour atterrir à un endroit où on avait patte. En me mouillant à peine les pattes, j'avais pris la guerrière par la peau du cou et je l'avais hissée sur la rive. Je savais qu'elle n'avait rien. Elle avait juste un peu barboté et avait eu peur puisqu'elle connaissait très mal l'eau. Remuant les moustaches d'un air amusé, j'avais lancé,

" Tu sais, ce n'est pas en plongeant dans la rivière que l'on attrape du poisson. "

Voulait-elle d'ailleurs vraiment apprendre la pêche ou n'étais-ce qu'un prétexte pour sortir du camp en ma compagnie et laisser le chaton seul dans le camp ? C'était très étrange pour une femelle. Pour une mère qui-plus-est. Elle devait avoir une bonne raison d'agir ainsi mais ce n'était certainement pas juste parce qu'elle avait hâte d'apprendre à pêcher. Sinon elle ne se serait pas montrée si réticente à être en contact avec l'eau. Une petite voix dans ma tête m'avait soufflée la réponse quant à la raison de sa venue. J'avais donc une idée, mais je l'avais fait tout de suite taire. Reprenant un air sérieux, j'avais haussé un sourcil pour miauler de ma voix grave,

" Tu es sûre que tu es venue que pour apprendre à pêcher ? "

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J'avais regardé Hymne du Faucon se lever et sécher sa fourrure mouillée. Excepté pour les chats du Clan de la Rivière, il n'était pas naturel pour un chat d'aimer l'eau, je n'oubliais pas cela. Ayant suivi le peu de courant, nous étions maintenant dans les roseaux, à quelques longueurs de queue de renard de la rive où nous péchions. Pourtant, les tiges de roseaux tout autour de nous nous offrait une parfaite intimité et la certitude de ne pas être dérangés à cause d'une patrouille puisque, connaissant l'activité du clan, je savais qu'aucune patrouille de pêche n'était prévue avant demain.
Honteux, je pensai malgré moi en regardant la chatte se sécher qu'elle était ravissante avec sa fourrure humide et qu'elle ressemblait presque à une camarade... J'avais effacé tant bien que mal cette idée de mon esprit. Nous venions de clans différents... Si différents ? Après tout, depuis qu'Etoile Sauvage avait pris le pouvoir, les félins des clans de l'Ombre et de la Rivière vivaient dans le même camp malgré la dominance évidente du Clan de l'Ombre, c'était comme si nous vivions dans le même clan. 
Je savais que la chatte n'avait eu aucun risque quand elle était tombée dans la rivière. Ce n'était pas profond au point que j'avais à peine eu besoin de me mouiller les pattes pour la repêcher. Et puis, si elle avait suivi le courant, elle serait tombée un peu plus loin sur le gué, où elle aurait pattes. Sa vie n'avait jamais été en péril. Mais la chatte du Clan de l'Ombre, ne connaissant que très mal notre territoire, ne le savait pas. Et lorsqu'elle me lécha la joue, j'étais stupéfait, les yeux figés, incapable de bouger. Me raclant la gorge, je bégayais,

" P... Pas... Pas vraiment non, si tu avais suivi le courant, tu... tu aurais été transporté au gué un peu plus loin où tu aurais pattes. Et... Ce n'était rien. "

Ce n'était pas dans mes habitudes de perdre mes moyens de la sorte. J'avais presque l'impression de ressembler à un chaton, à chercher mes mots, ne sachant que faire. Je me sentis rougir sous ma fourrure comme jamais et je transpirais. Pas de chaud puisqu'il faisait au contraire très froid en cette saison des neiges. Tous ces sentiments avaient une cause : Hymne du Faucon. Je ne pouvais pas nier l'attirance que j'avais pour la chatte du Clan de l'Ombre ou même l'ignorer. C'était tout simplement impossible mais pourquoi serais-ce réciproque ? J'étais un chat du Clan de la Rivière après tout. Et même si nous séjournions dans le même clan, les chats du Clan de l'Ombre n'avaient pas forcément très haute estime pour les guerriers du Clan de la Rivière. Pourtant, au fond de moi, je savais que Hymne du Faucon n'avait pas de vieux préjugés. Cette femelle était différente.
J'avais senti les poils de la femelle me frôler tandis qu'elle passait à côté de moi. Elle s'était approchée de moi pour glisser le museau sous mon menton en ronronnant tout en me remerciant encore une fois. J'avais compris que mes sentiments étaient réciproques. C'était réciproque ! Je frissonnais de bonheur. Cette fois-ci, je ne tins plus. Rien, pas même le Clan des Etoiles n'aurait pu empêcher la scène qui allaient suivre. Aujourd'hui, Hymne du Faucon et moi allions prendre notre bonheur.

J'avais jeté un coup d'oeil par-dessus les roseaux. Puis, incapable de résister d'avantage aux pulsions de mon jeune corps, j'avais saisi la femelle par la peau du cou avec douceur pour la faire glisser sous son ventre. Ronronnant, j'étais au-dessus d'elle et je la contemplais avec tendresse. Son odeur si proche, ses poils contre les miens et cette sensation de bonheur intense... Cela faisait tant de bien : A ce moment-là, je ne pensais à rien d'autre. Rien ne semblait exister autour de nous et rien pour moi n'était plus important à ce moment là. Je m'étais approché de la chatte jusqu'à ce que je sente sa joue contre la mienne. Derrière nous, le soleil se couchait. Le jour laissait place à la nuit et le ciel se tintait de diverses couleurs offrant ainsi un spectacle sublime. On pouvait déjà voir les étoiles des guerriers de jadis apparaître dans le ciel. Pourtant, la fraîcheur ne s'était pas trop levée. La soirée serait magnifique. Surtout, ce serait pour moi la plus belle nuit de toute ma vie, je savais que ce moment resterait à jamais gravé dans ma mémoire. 

Le lendemain matin

J'avais ouvert les yeux, ébloui par la lumière du soleil. J'avais regardé autour de moi avec étonnement me demandant pourquoi j'étais ici et non dans ma tanière, dans le camp. Il ne fallut que quelques secondes pour que tout me revienne. La nuit dernière, Hymne du Faucon et moi avions eu... Une nuit mouvementée si on peut dire. Je ne regrettais pas un seul instant cette nuit passée avec la guerrière du Clan de l'Ombre. Autant dire que je n'étais nullement déçu de ce que nous avions fait, bien au contraire. C'était étrange lorsque j'y pensais, que cela se passe de telle sorte, à tel endroit et avec une chatte n'étant pas née dans le même clan que moi. Et pourtant, le moment était venu. C'était à croire que le Clan des Etoiles lui-même avait guidé nos pattes pour que nos chemins se rencontrent car dans la situation initiale, il aurait été plus que hautement improbable que nous nous rencontrerions, sauf éventuellement lors d'une Assemblée mais nous n'aurions pas pris le temps de nous connaître et nous n'aurions sans doute pas pu développer une relation. 
La nuit avait été longue et belle. D'un autre côté, j'avais l'impression qu'elle était passée trop vite. J'avais levé la tête pour voir quelques nuages cotonneux dans le beau ciel bleu. Le soleil venait juste de se lever et je devinais que la patrouille de l'aube n'était pas encore partie.

Je sentais encore contre Hymne du Faucon. La belle dormait encore. Je voyais encore ses flancs s'abaisser et se soulever au rythme de sa respiration. J'avais fermé les yeux un instant pour profiter du calme, du moment, car bientôt, il faudrait partir et rentrer au camp avant que l'on se demande où l'on était passé. Au moins, l'avantage, c'était que l'on était maintenant tellement nombreux dans le Camp de la Rivière et il y avait tellement de circulation qu'il était difficile de suivre l'activité des uns et des autres : personne n'avait remarqué notre absence. Et si c'était le cas, personne ne serait là pour nous faire des reproches.
Je regardais une dernière fois Hymne du Faucon puis, d'un geste doux, je lui avais donné un petit coup de museau sur la joue pour la réveiller et j'avais caressé son dos avec ma queue.
J'avais murmuré,

" Viens, il faut rentrer. "

Je m'étais levé doucement pour regarder l'horizon. J'avais presque oublié mes camarades, dans mon camp. Que diraient-ils s'ils apprenaient ce que nous avions fait la nuit dernière ? Les chats du Clan de l'Ombre seraient probablement contents de ce geste qui appuierait leur alliance. Quant aux chats du Clan de la Rivière qui espéraient encore que le clan retrouve sa liberté d'autrefois, ils seraient probablement déçus. Autrefois, j'aurais peut-être réfléchi avant de passer à un tel acte mais les émotions m'avaient emporté. La silhouette d'Hymne du Faucon me revint, si belle, si parfaite...
A ce moment-là, j'ignorais, nous ignorions tous les deux les conséquences de notre acte de la nuit dernière ni quelle portée il aurait. J'étais demeuré d'abord songeur, un instant, les sourcils froncés puis, je m'étais enfoncé dans la végétation pour rentrer au camp et retourner à ses activités. Il semblait encore que les roseaux portaient nos odeurs et chantaient nos noms mais lorsque je rentrerais, aux yeux de mes camarades, rien ne se serait passé la nuit dernière. 



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